(…)Il est arrivé, dans la dernière période, que des mots très durs soient employés contre la presse, parfois assortis de propos légitimant la « haine » à l’égard de la « médiacratie ». Stigmatiser en bloc une galaxie qui relève de statuts, d’options et surtout de moyens sans commune mesure entre eux est une facilité que l’on pardonne difficilement à qui veut changer le monde. Et que dire alors, quand les cibles ne sont pas les titres possédés par les puissances d’argent, mais des organes indépendants (Mediapart est un des rares qui soit parvenu à cette indépendance) et des médias du service public ? Comme si la dépendance présumée à l’égard du politique comptait bien davantage que la soumission bien réelle aux ratios financiers, à l’opinion publique calibrée et à l’air du temps. Comme si, parce que toute question sociale est fondamentalement politique, tout relevait dans le détail des organismes et des hommes politiques institués.
Qu’un responsable politique ou qu’un mouvement politique proteste contre ce qu’il croit être une injustice est un droit que nul ne peut contester. Mieux vaut toutefois se méfier de la façon d’exercer ce droit. Il est évident que, dans la pratique, la justice n’est pas si égale qu’elle doit l’être en théorie. Il n’est donc pas faux, hélas, de dire qu’il y a deux poids et deux mesures. Mais protester contre le fait que, par exemple, tel ou tel à droite a été moins sévèrement traité, quand les accusations portées étaient plus graves, est un exercice à double tranchant. On ne demande pas à la gauche d’être moins pire que la droite : on lui demande d’être autrement que la droite, dans un autre rapport à l’argent et au pouvoir. La gauche doit être irréprochable, ou bien, à un moment ou à un autre, elle se renie. Celui qui s’estime dans son bon droit doit s’attacher à démontrer son irréprochabilité, pas à étaler son agressivité. (…+)