En ce moment , à Poitiers, on parle de projet de charte de l’arbre. Ma vie professionnelle passée (forêt, paysage, urbanisme) m’incite à faire part de quelques avis techniques sur la question afin de sortir des débats trop idéologiques, quoi qu’il faille bien reconnaître une part de perspective politique dans l’idée que l’on se fait de l’organisation de la ville, donc de la vie en ville.
Un certain nombre de facteurs incontournables sont à prendre en compte :
• le climat,
• le sol,
• l’exposition (par exemple les amandiers en exposition sud sur la rive droite du Clain adossée à la roche),
• le temps (chaque arbre à son histoire passée et à venir). Un arbre dans la ville doit pouvoir envisager sa vie à l’horizon 50 /100 ans et plus. Des perspectives à plus court terme concernent davantage les arbustes et buissons. Considérer la dimension temps implique nécessairement une gestion d’une durée appropriée et donc un plan global d’aménagement qui, renouvelé de 15/20 ans en 15/ 20 ans permettra à chaque arbre ou groupe d’arbtres de prendre la place et le rôle qui lui auront été affectés dans la ville.
• l’espace : l’endroit où se trouve l’arbre par rapport à l’urbanisation, son implantation – isolée, en alignement, en groupe dans un parc, le long d’une rivière- impliquent des traitements différents. On doit aussi prévoir, lorsqu’un un arbre est planté, l’espace dont il aura besoin pendant sa durée de vie. Par exemple :
– un alignement trop serré conduira nécessairement à des difficultés sanitaires pour les sujets lorsqu’ils grandiront
– des arbres appelés à se développer doivent être situés de façon à ne pas gêner dans les décennies à venir.
• le paysage : les formations arborées (parc, alignement, arbre remarquable) participent à la structuration du paysage et à sa diversification (garantie de non fragilité). Dans ce domaine, il faut gérer ce que les spécialistes appellent le « paysage mythique » celui que nous avons les uns et les autres dans la tête ; par exemple, un cyprès aux abords d’un monument, d’un cimetière ou d’un stade n’est pas perçu de la même façon par tout le monde ; la suppression simultanée d’un grand nombre de sujets dans un alignement sera forcément plus mal vécue qu’une exploitation disséminée étalée sur plusieurs années.
Un plan global d’aménagement est nécessaire pour travailler sur le long terme. Il se déclinera en plans de gestion (sexennaux par exemple). Il pourrait comprendre :
• un état des lieux au temps t (nature et situation dans l’espace des essences, leur âge, leur état sanitaire)
• les objectifs que l’on assigne sur le long terme aux différentes catégories d’arbres ( renouvellement des sujets, étalement des classes d’âge …)
• les actes de gestion à effectuer pour atteindre ces objectifs et leurprogrammation dans les plans successifs
• l’entretien annuel, en particulier la suppression des branches mortes ; en effet, leur présence ne nécessite pas forcément l’abattage de l’arbre
• les données économiques : planter un arbre de haute tige coûte cher et il faut encore de nombreuses années pour qu’il remplisse sa fonction (pensons à l’impatience de certains Pictaves de voir de l’ombre sur la place de l’Hôtel de Ville). Couper un arbre qui n’a pas atteint sa maturité représente une perte certaine que les spécialistes appellent « perte d’avenir ».
Enfin les arbres constituent, et ce n’est pas le moindre, un habitat et une source de nourriture pour les oiseaux.
Les moyens pour réaliser cela sont là ; un personnel compétent existe dans les services de la ville. On peut constater avec intérêt, par exemple, la façon dont, au quartier des Trois Cités, la circulation automobile a été modifiée pour mettre en valeur des arbres remarquables.
Il faut une volonté politique pour donner l’impulsion nécessaire, et je suggère que le plan global d’aménagement soit présenté et soumis aux citoyens dans un processus analogue à celui du plan d’urbanisme.
Ces quelques réflexions ne prétendent pas instaurer une « bible », mais donner quelques idées en vue de l’élaboration et de la popularisation de la « charte de l’arbre ». Ainsi, le bruit de la chute de nos platanes de Beaulieu pourrait permettre la mise en route d’une démarche de progrès pour l’arbre dans la Ville.
Jean-Pierre Mourier
11/03/2016