En réponse à l’article « Invitation au débat sur la transition énergétique«
Ton initiative Pascal est intéressante car elle permet d’aller plus loin dans le débat qui de fait a été limité dans le temps lors de cette soirée.
Tu poses les questions du financement de cette transition énergétique, d’un possible productivisme vert et de la propriété de ces installations.
Europe Écologie Les Verts (EELV) avait choisi d’axer cette soirée, au moment où était votée la loi sur la Transition Energétique, sur la nécessité de développer les énergies renouvelables, de montrer comment cela était réalisable dés maintenant et cela par une maîtrise publique ou citoyenne.
Nous avions fait ce choix. Nous aurions pu en faire un autre. Nous aurions pu mettre en évidence la même nécessité de réduire notre consommation énergétique, d’améliorer l’efficacité énergétique, c’est à dire de diminuer la consommation d’énergie pour un même service rendu et mettre en évidence des réalisations qui vont dans ce sens.
Le Scénario Négawatt, publié le 29 septembre 2011, montre qu’en 2050, la France peut fonctionner uniquement avec les renouvelables et en sortant du nucléaire en s’appuyant sur 3 piliers. La sobriété, l’efficacité énergétique et le développement des renouvelables.
L’ADEME, organisme d’Etat, vient d’ailleurs de publier un scénario en 2015 qui arrive à la même conclusion.
Pour nous, écologistes, ces 3 piliers sont inséparables. Et si le développement des énergies renouvelables, compte tenu de son sous-développement actuel, peut être considéré comme allant dans le sens du productivisme, les 2 autres, la sobriété et le développement de l’efficacité énergétique en sont clairement aux antipodes.
Cependant l’idée que le capitalisme puisse se peindre en vert pour développer le tout électrique et maintenir le productivisme n’est pas fausse. C’est d’ailleurs ce que l’on peut craindre en constatant que ce sont des sociétés financières qui sont aux manœuvres actuellement pour développer la plupart des parc éoliens ou des centrales photovoltaïques. Et ce n’est pas le projet du gouvernement de multiplier les bornes de recharges des voitures électriques qui va nous donner un signe contraire.
Ces politiques ne sont pas les nôtres.
Pour, à la fois lutter contre le changement climatique et sortir de l’utilisation des énergies fossiles, il est indispensable que les citoyens se réapproprient la question de l’énergie à l’instar de ce que font les citoyens danois ou Allemands. Ils investissent dans des coopératives de production d’énergie renouvelable et locale consommée localement où ils se mobilisent comme à Hambourg pour que la société de distribution d’électricité redevienne propriété de la ville, c’est à dire des citoyens.
Dans ces situations ce sont les citoyens qui sont les propriétaires des installations. Ce sont eux qui vont faire les choix du niveau de rentabilité qu’ils souhaitent, des investissements qu’ils vont réalisés, des usages qu’ils vont vouloir développer.
Le financement par la plate forme Lumo a au moins l’avantage de permettre aux citoyens de placer une partie de leur épargne dans des projets porteurs d’avenir en comparaison aux économies placées sur un livret de Développement Durable dont on sait que seulement 10% des fonds sont réellement placés sur des actions de solidarité et d’écologie. En revanche, les épargnants n’interviennent pas sur la gestion du projet. Dans les cas connus sur la Vienne, ces projets sont portés par la SERGIE, qui dépend des collectivités locales de la Vienne. D’une certaine façon on est donc dans le cas d’une propriété publique de ces installations.
D’autres structures de financement participatif des énergies renouvelables existent, entre autre Energie Partagée Investissement (EPI). Il y a 2 différences entre LUMO et EPI. EPI investis en fonds propres. LUMO intervient sous forme de prêt bancaire. EPI intervient dans la gestion des projets qu’elle soutient. Elle intervient selon une charte pour les projets citoyens qui prévoit un ancrage local, une finalité non spéculative, une gouvernance avec un fonctionnement démocratique, transparent et dans le respect de l’environnement. Cette charte prévoit en particulier qu’un partie des résultats financiers sont investis dans des actions pédagogiques et des actions de réduction des consommations.
Dans ces projets, la propriété est collective et directe. Il appartient alors aux citoyens engagés de vérifier que les objectifs de départ sont toujours d’actualité et non dénaturés.
Les pouvoirs publics ont bien évidemment leur responsabilité dans la mise en œuvre de cette transition énergétique. Cependant lorsque l’on se rappelle les freins mis par les grands entreprises énergétiques et nucléaires françaises par rapport au contenu de la loi votée en 2015 il apparaît clairement que si les citoyens ne s’en mêlent pas, c’est le statu quo qui prédominera. On continuera alors à promouvoir le chauffage électrique, aberration écologique et summum du gaspillage énergétique pour écouler l’électricité nucléaire d’EDF, comme le propose actuellement le ministère de l’écologie en offrant une prime pour changer les radiateurs. L’implication des citoyens est une des conditions de la réussite de la transition vers une société sobre en énergie de sources renouvelables.
Quant à soutenir l’exigence d’une banque publique contrôlée par les élus et les consommateurs, outre que celle-ci existe déjà, la BPI, et qu’elle investit déjà dans les projets d’ENR, comment s’assurer qu’une seule structure de niveau national puisse être réellement contrôlée par des élus et des consommateurs ? Comment s’assurer qu’une telle structure puisse, dans le temps et sur tout le territoire national, « gérer l’argent dans le sens du bien de la nature et des êtres vivants » ? L’expérience montre qu’inévitablement en grossissant, ces structures s’éloignent des citoyens et aussi quelquefois des objectifs initiaux ou qu’elles les détournent et imposent des choix à la collectivité jamais débattus tel le nucléaire.
Avec des investissement citoyens dans des projets locaux de développement d’ENR, avec une gouvernance transparente et démocratique, 1 personne =1voix comme dans les structures de l’Economie Sociale et Solidaire, on reste à une échelle qui permet un contrôle permanent des citoyens.
Robert Rochaud
le 03/10/2015
En complément des scenarii proposés par Negawatt et l’ADEME et pour ce qui concerne l’électricité, je vous engage à lire l’étude réalisée par Greenpeace France l’année dernière : Le coût de production futur du nucléaire exploité au-delà de 40 ans » Ce document synthétique compare les coûts de production futurs de l’électricité nucléaire d’un réacteur exploité après rénovation au-delà de l’échéance de 40 ans et les coûts de production futurs de l’électricité d’origine renouvelable. http://goo.gl/QiORvb
Il y a 35 ans, dans son livre La pauvreté du pouvoir (PUF), Barry Commoner, invitait déjà à revoir entièrement l’utilisation de l’énergie en tenant compte des principes de la thermodynamique et, en particulier du deuxième, pour développer l’emploi de l’énergie solaire sous toutes ses formes. Il y rappelait les notions de qualité et de rendement de l’énergie pour soutenir la nécessité de penser les filières énergétiques dans leur ensemble, de la production à la consommation ; en gros, utiliser de l’électricité produite à des centaines de kilomètres (nucléaire ou photovoltaique, c’est idem) pour se chauffer est une aberration dispendieuse.