« Le racisme struc­ture toujours le vote à l’ex­trême-droite »

https://www.tele­rama.fr/debats-repor­tages/rapport-de-la-cncdh-le-racisme-struc­ture-toujours-le-vote-a-l-extreme-droite-7021059.php

Rapport de la CNCDH : “Le racisme struc­ture toujours le vote à l’ex­trême droite”

Pour la première fois depuis une dizaine d’an­nées, l’in­dice de tolé­rance de la société évalué par la Commis­sion natio­nale consul­ta­tive des droits de l’homme marque un recul impor­tant. Décryp­tage avec le cher­cheur Vincent Tiberj

Par Romain Jean­ti­cou

Publié le 30 juin 2024

Extraits

Le calen­drier était fixé de longue date, mais la conco­mi­tance avec l’ac­tua­lité poli­tique est saisis­sante : la Commis­sion natio­nale consul­ta­tive des droits de l’homme (CNCDH) a publié le 27 juin, trois jours avant le premier tour des élec­tions légis­la­tives, son rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l’an­ti­sé­mi­tisme et la xéno­pho­bie. Bien que cette instance soit depuis 1990 la rappor­teure indé­pen­dante de l’État sur ces ques­tions, pour la première fois de son histoire le Premier ministre n’a pas répondu à son invi­ta­tion pour la remise du docu­ment de 351 pages (aussi dispo­nible en version conden­sée).

Prin­ci­pal ensei­gne­ment : le spec­ta­cu­laire recul du niveau de tolé­rance dans la société française en 2023, que des cher­cheurs mesurent chaque année à partir d’enquêtes de terrain sur les préju­gés des Français (….)

Si on veut voir le verre à moitié plein, on peut consi­dé­rer que la montée de la tolé­rance que l’on observe sur le long terme dans la société française, depuis les années 1990, portée par l’élé­va­tion du niveau de diplôme, le renou­vel­le­ment géné­ra­tion­nel et la diver­si­fi­ca­tion de la popu­la­tion, résiste plutôt bien aux cadrages poli­tiques qui vont dans le sens contraire. (…)

Dans les années 1980, le niveau d’in­to­lé­rance était beau­coup plus impor­tant, alors que l’ex­trême droite était très faible élec­to­ra­le­ment. On remarque que plus une géné­ra­tion est ancienne, plus elle est into­lé­rante mais moins cela déter­mine son vote. Les facteurs socio-écono­miques jouent un rôle plus impor­tant. Chez les plus jeunes, la tolé­rance progresse mais la mino­rité into­lé­rante vote davan­tage en fonc­tion de ses valeurs xéno­phobes. Ce n’est pas le racisme qui a explosé, mais sa poli­ti­sa­tion. (…)

La première cause, c’est la hausse fulgu­rante des actes anti­sé­mites après le 7 octobre (+ 284 %). Mais ceux visant d’autres mino­ri­tés, notam­ment les musul­mans, augmentent aussi. (…)

L’es­sen­tiel de l’an­ti­sé­mi­tisme se mani­feste chez des citoyens situés à droite ou à l’ex­trême droite. Le conflit israélo-pales­ti­nien a bel et bien eu un impact sur l’an­ti­sé­mi­tisme à gauche et à l’ex­trême gauche, mais la réalité est bien plus nuan­cée et complexe que le tableau dressé par les médias. La critique d’Is­raël s’est accen­tuée dans ce camp poli­tique sans y déclen­cher, selon notre étude, une flam­bée des préju­gés anti­sé­mites. À l’in­verse, le fort soutien à Israël des sympa­thi­sants d’ex­trême droite est inédit, mais ne s’ac­com­pagne pas d’une baisse de leur anti­sé­mi­tisme. L’an­ti­sé­mi­tisme musul­man, qui avait eu tendance à dimi­nuer comme dans le reste de la popu­la­tion, est en hausse mais reste moins présent que chez les catho­liques. (…)

Quel autre chiffre de votre enquête vous semble parti­cu­liè­re­ment inquié­tant ?
Nous obser­vons une hausse très forte du déni du droit à la natio­na­lité. Le nombre de personnes inter­ro­gées qui estiment que les enfants nés en France de parents immi­grés « ne sont pas vrai­ment français » est passé de 21 à 43 % en un an. (…)

À rebours des décla­ra­tions de Marine Le Pen, plus d’un sympa­thi­sant RN inter­rogé sur deux se dit ouver­te­ment « raciste » (56 %)…
Le racisme struc­ture toujours le vote à l’ex­trême droite. L’élec­to­rat RN ne forme pas un bloc homo­gène au plan socio-écono­mique : certains veulent plus de libé­ral, d’autres plus de social… En revanche, leur point commun, c’est le racisme. L’in­to­lé­rance envers l’étran­ger. Il ne s’agit plus d’un racisme « biolo­gique » qui croit en diffé­rentes races humaines, mais d’un racisme écono­mique, cultu­rel, reli­gieux, qui traite les gens inéga­le­ment selon leur origine ou leur couleur de peau. (…)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.