Le rapport préli­mi­naire sur la dette grecque

Les preuves présen­tées dans le rapport indique­raient que la dette issue des plans d’aus­té­rité est une viola­tion directe des droits fonda­men­taux de l’homme. Le comité serait arrivé à la conclu­sion que la Grèce ne devrait pas payer cette dette parce qu’elle est illé­gale, illé­gi­time et odieuse.

Sur la photo E. Tous­saint présen­tant un docu­ment du FMI qui prouve que le FMI  savait que ses mesures augmen­te­raient la dette grecque.

 

Le comité sur la vérité sur la dette publique grecque présente aujourd’­hui et demain ses premières conclu­sions. Le rapport sera offi­ciel­le­ment publié demain vers 16h. Composé de 9 chapitres, le rapport conclut, sans vrai­ment beau­coup de surprise, que la dette grecque est en grande partie illé­gale, illé­gi­time et odieuse.

Ce rapport préli­mi­naire présente une carto­gra­phie des problèmes et des ques­tions clés liées à la dette publique grecque, et fait état des viola­tions juri­diques asso­ciées; il retrace égale­ment les fonde­ments juri­diques sur lesquels peut se fonder la suspen­sion unila­té­rale des paie­ments de la dette.

Les résul­tats sont présen­tés en neuf chapitres struc­tu­rés comme suit (traduc­tion du résumé publié en anglais ici) :

1. la dette avant la troïka

Ce chapitre revient sur les analyses de la crois­sance de la dette publique grecque depuis les années 1980.

Il conclut que l’aug­men­ta­tion de la dette n’est pas le résul­tat de dépenses publiques exces­sives, qui sont en fait restées infé­rieures aux dépenses publiques des autres pays de la zone euro, mais plutôt en raison des taux extrê­me­ment élevés, des dépenses mili­taires exces­sives et injus­ti­fiées, de la perte de recettes fiscales due à des sorties illi­cites de capi­taux, de la  ​​re­ca­pi­ta­li­sa­tion  des banques privées, et des déséqui­libres inter­na­tio­naux créés par les failles dans la concep­tion de l’Union moné­taire elle-même.

L’adop­tion de l’euro a conduit à une augmen­ta­tion dras­tique de la dette privée en Grèce à laquelle les grandes banques privées euro­péennes ainsi que les banques grecques ont été expo­sées. La crise bancaire a contri­bué à la crise de la dette souve­raine grecque. Le gouver­ne­ment de George Papan­dreou a aidé à présen­ter les éléments d’une crise bancaire comme une crise de la dette souve­raine en 2009 en mettant l’ac­cent et en augmen­tant le défi­cit public et la dette.

2. Evolu­tion de la dette publique grecque entre 2010 et 2015,

Ce chapitre conclut que le premier accord de prêt de 2010 a prin­ci­pa­le­ment visé le sauve­tage des banques privées et a permis aux banques de réduire leur expo­si­tion aux obli­ga­tions d’État grecques.

3. la dette publique grecque en 2015

Ce chapitre présente la nature contro­ver­sée de la dette actuelle de la Grèce, les prin­ci­pales carac­té­ris­tiques des prêts, qui sont analy­sés plus en profon­deur dans le chapitre 8.

4. Méca­nisme de la dette en Grèce

Ce chapitre révèle les méca­nismes des accords qui ont été mis en œuvre depuis mai 2010. Ils ont créé une quan­tité impor­tante de nouvelle dette, tout en géné­rant des coûts abusifs ainsi que l’ap­pro­fon­dis­se­ment de la crise.

Les méca­nismes révèlent que la majo­rité des fonds emprun­tés ont été trans­fé­rés direc­te­ment aux insti­tu­tions finan­cières. Plutôt que de béné­fi­cier à la Grèce, ils ont accé­léré le proces­sus de priva­ti­sa­tion, par l’uti­li­sa­tion d’ins­tru­ments finan­ciers .

5. condi­tion­na­li­tés contre la dura­bi­lité

Ce chapitre présente comment les créan­ciers ont imposé des condi­tions intru­sives atta­chés aux accords de prêt, ce qui a conduit direc­te­ment à l’im­pos­si­bi­lité écono­mique et à l’in­sou­te­na­bi­lité de la dette. Ces condi­tions, sur lesquelles les créan­ciers insistent encore, ont non seule­ment contri­bué à la baisse  du PIB, mais aussi à un emprunt public plus élevé, faisant la dette de la Grèce plus insou­te­nable encore, mais a égale­ment provoqué des chan­ge­ments drama­tiques dans la société, et a provoqué une crise huma­ni­taire.

La dette publique de la Grèce peut être consi­dé­rée comme tout à fait insou­te­nable à l’heure actuelle.

6. Impact des « programmes de sauve­tage » sur les droits de l’homme

Ce chapitre conclut que les mesures mises en œuvre dans le cadre des « plans de sauve­tage » ont direc­te­ment affecté les condi­tions de vie des personnes et ont violé les droits de l’homme, que la Grèce et ses parte­naires sont tenus de respec­ter, de proté­ger et de promou­voir en vertu du droit natio­nal et inter­na­tio­nal.

Les ajus­te­ments dras­tiques impo­sés à l’éco­no­mie grecque et à la société dans son ensemble ont provoqué une dété­rio­ra­tion rapide du niveau de vie, et restent incom­pa­tibles avec la justice sociale, la cohé­sion sociale, la démo­cra­tie et les droits humains.

7. les ques­tions juri­diques entou­rant les proto­coles d’en­tente et de prêt

Ce chapitre soutient qu’il y a eu viola­tion des droits de l’homme de la part de la Grèce elle-même et des prêteurs que sont les États membres de la zone euro, la Commis­sion euro­péenne, le Parle­ment Euro­péen, la Banque Centrale et le Fonds moné­taire Inter­na­tio­nal, qui ont imposé ces mesures à la Grèce.

Tous ces acteurs ont échoué à évaluer les viola­tions des droits de l’homme comme un résul­tat des poli­tiques qu’ils ont obli­gés de pour­suivre, et ont aussi direc­te­ment violé la Cons­ti­tu­tion grecque en dépouillant effi­ca­ce­ment la Grèce de la plupart de ses droits souve­rains.

Les accords contiennent des clauses abusives, qui contraignent la Grèce à capi­tu­ler sur des aspects impor­tants de sa souve­rai­neté. Ceci est imprimé dans le choix de la loi anglaise comme régis­sant le droit pour ces accords, ce qui a faci­lité le contour­ne­ment de la Cons­ti­tu­tion grecque et les obli­ga­tions inter­na­tio­nales des droits de l’homme.

Il y a plusieurs indi­ca­tions qui montrent que les parties contrac­tantes ont agi de mauvaise foi, ce qui rendent ces accords inva­lides.

8. évalua­tion des dettes illé­gi­times, odieuses, illé­gale et la non-viables

Ce chapitre four­nit une évalua­tion de la dette publique grecque selon les défi­ni­tions rela­tives à la dette odieuse, illé­gi­time, illé­gale et non viable adop­tées par le Comité.

Ce chapitre conclut que la dette publique grecque, en date de juin 2015 est insou­te­nable, puisque la Grèce est actuel­le­ment inca­pable de rembour­ser sa dette sans compro­mettre grave­ment sa capa­cité à remplir ses obli­ga­tions de base des droits humains. En outre, pour chaque créan­cier, le rapport four­nit des preuves de cas indi­ca­tifs de dettes illé­gales, illé­gi­times et odieuses.

Dette envers le FMI : Elle doit être consi­dé­rée comme illé­gale puisque qu’elle a violé les propres statuts du FMI, et ses condi­tions enfrei­gnaient la Cons­ti­tu­tion grecque, le droit inter­na­tio­nal coutu­mier, et les trai­tés auxquels la Grèce est partie. Elle est égale­ment illé­gi­time, puisque les condi­tions incluses empié­taient sur les obli­ga­tions en matière de droits de l’homme. Enfin, elle est odieuse puisque le FMI savait que les mesures impo­sées étaient anti­dé­mo­cra­tiques, inef­fi­caces, et condui­raient à de graves viola­tions des droits socio-écono­miques.

Dettes envers la  BCEElles doivent être consi­dé­rées comme illé­gales car la BCE a sur-inten­si­fié son mandat en impo­sant l’ap­pli­ca­tion des programmes d’ajus­te­ment macro-écono­miques (par exemple la déré­gle­men­ta­tion du marché du travail) par l’in­ter­mé­diaire de sa parti­ci­pa­tion à la Troïka. Les dettes envers la BCE sont égale­ment illé­gi­times et odieuses, puisque la prin­ci­pale raison d’être du programme était de servir les inté­rêts des insti­tu­tions finan­cières, permet­tant aux grandes banques privées euro­péennes et grecques de se débar­ras­ser de leurs obli­ga­tions grecques.

9. les fonda­tions juri­diques pour la répu­dia­tion et la suspen­sion de la dette souve­raine grecque

Ce chapitre présente les options concer­nant l’an­nu­la­tion de la dette, et en parti­cu­lier les condi­tions dans lesquelles un Etat souve­rain peut exer­cer le droit de répu­dia­tion ou la suspen­sion du paie­ment de la dette en vertu du droit inter­na­tio­nal.

Plusieurs argu­ments juri­diques permettent à un Etat de répu­dier unila­té­ra­le­ment sa dette illé­gale, odieuse et illé­gi­time. Dans le cas de la Grèce, un tel acte unila­té­ral peut être fondée sur les argu­ments suivants :

  • la mauvaise foi des créan­ciers qui ont poussé la Grèce à violer la loi natio­nale et les obli­ga­tions inter­na­tio­nales rela­tives aux droits de l’homme;
  • la préémi­nence des droits humains sur les accords tels que ceux signés par les gouver­ne­ments précé­dents avec les créan­ciers ou la troïka;
  • la coer­ci­tion;
  • les clauses abusives qui violent de manière flagrante la souve­rai­neté grecque et violent la Cons­ti­tu­tion;
  • et enfin, le droit reconnu en droit inter­na­tio­nal à un Etat de prendre des contre-mesures contre les actes illé­gaux commis par ses créan­ciers, qui endom­magent déli­bé­ré­ment sa souve­rai­neté budgé­taire, l’obligent à assu­mer la dette odieuse, illé­gale et illé­gi­time, violent l’au­to­dé­ter­mi­na­tion écono­mique et les droits humains fonda­men­taux.

En ce qui concerne la dette insou­te­nable, chaque État est léga­le­ment en droit d’in­voquer la néces­sité dans des situa­tions excep­tion­nelles afin de sauve­gar­der les inté­rêts essen­tiels mena­cés par un péril grave et immi­nent. Dans une telle situa­tion, l’Etat pourra être dispensé de l’ac­com­plis­se­ment de ces obli­ga­tions inter­na­tio­nales qui augmentent le péril, comme cela est le cas avec les contrats de prêts en suspens.

Enfin, les Etats ont le droit de se décla­rer unila­té­ra­le­ment insol­vable quand le service de leur dette est insou­te­nable, dans ce cas, ils ne commettent aucun acte illi­cite et donc n’en portent pas la respon­sa­bi­lité.

La dignité des personnes vaut plus qu’une dette illé­gale, illé­gi­time, odieuse et insou­te­nable

Ayant achevé son enquête préli­mi­naire, le Comité estime que la Grèce a été et est la victime d’une attaque prémé­di­tée et orga­ni­sée par le Fonds Moné­taire Inter­na­tio­nal, la Banque Centrale Euro­péenne, et la Commis­sion Euro­péenne. Cette mission violente, illé­gale et immo­rale était exclu­si­ve­ment desti­née à trans­fé­rer la dette privée sur le secteur public.

En mettant ce rapport préli­mi­naire à la dispo­si­tion des auto­ri­tés grecques et du peuple grec, le Comité estime avoir rempli la première partie de sa mission telle que défi­nie dans la déci­sion du président du Parle­ment du 4 Avril 2015. La commis­sion espère que le rapport sera un outil utile pour ceux qui veulent sortir de la logique destruc­trice de l’aus­té­rité et défendre ce qui est aujourd’­hui mis en péril : les droits humains, la démo­cra­tie, la dignité des peuples, et l’ave­nir des géné­ra­tions futures.

Article publié ici : http://www.okea­news.fr/20150617-la-dette-grecque-ille­gale-ille­gi­time-et-odieuse-selon-le-rapport-preli­mi­naire-du-comite-sur-la-dette

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