Le rire est-il soignant ?

Une revue qui mérite d’être mieux connue et plus lue.

pratiques

Pratiques N°82

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N°82 – juillet 2018

Le rire est un mouve­ment de l’être, en géné­ral invo­lon­taire, provoqué par une émotion. Il présente de multiples facettes et son déclen­che­ment est dépen­dant des situa­tions, des personnes, des cultures, de la morale ambiante. Tous les travers de la société et des humains qui la composent pour­raient prêter à rire, mais beau­coup ne le supportent pas et s’arc-boutent sur des posi­tions norma­tives qui tendent à discré­di­ter toute forme de rire. Or, s’il convient de s’as­su­rer que le rire ne s’exerce pas aux dépens de quelqu’un, qu’il ne sert pas à l’hu­mi­lier, à le domi­ner ou à le discré­di­ter, il n’est pas possible de s’af­fran­chir de cette ultime liberté, de cette échap­pée irré­sis­tible qui offre une porte de sortie lorsque l’émo­tion compro­met la réso­lu­tion de certaines tensions.

Dans le monde du soin, on rit souvent pour ne pas pleu­rer. Le rire faci­lite les rela­tions entre soignants comme entre patients et soignants, dédra­ma­tise et permet d’af­fron­ter certaines situa­tions déli­cates. Il peut s’exer­cer contre l’ordre établi, permet une décom­pres­sion qui favo­rise le recul indis­pen­sable à l’ana­lyse des faits et au soula­ge­ment des tensions. Il est souvent commu­ni­ca­tif. Il assure une certaine cohé­sion des équipes soignantes face aux diffi­cul­tés de leur travail et à la fatigue. Dans le colloque singu­lier qu’est la consul­ta­tion, il peut instal­ler une conni­vence entre le soignant et le patient et ainsi allé­ger la charge émotion­nelle. Il peut aussi échap­per complè­te­ment à la maîtrise jusqu’au fou rire qui en est l’ul­time expres­sion.
Or cette multi­pli­cité de formes, si elle peut s’avé­rer déran­geante comme toute mani­fes­ta­tion intem­pes­tive et incon­grue, devient source de créa­ti­vité en parti­cu­lier dans un univers telle­ment chargé d’émo­tions néga­tives. Pour autant, lorsque la norma­li­sa­tion prend le pas sur cette créa­ti­vité et rend taboue toute tenta­tive de diver­sion, cela contri­bue à l’éclo­sion du déses­poir, du burn-out, d’une démo­bi­li­sa­tion des soignants à laquelle on assiste actuel­le­ment. Cela montre à quel point, sans la possi­bi­lité de rire, soigner devient insup­por­table.
Les auteurs proposent un kaléi­do­scope de situa­tions où il appa­raît que ce rire peut être salva­teur, résis­tant, inven­tif, voire subver­sif tout en restant respec­tueux de ceux, dont le rieur lui-même, qui en sont les sujets.
Il reste à ne jamais oublier de se ques­tion­ner sur le statut qu’on accorde à l’autre dont on rit, à ce qui nous fait rire en lui, et à prendre conscience que ce dont on se moque chez lui est souvent présent en nous.

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Sommaire du N°82

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