Racisme : carton plein pour les candidats RN les plus débridés
Un candidat aux publications antisémites à plus de 30 % en Meurthe-en-Moselle, une nostalgique de Franco en tête dans les Pyrénées-Atlantiques : même les pires des pires des aspirants députés du RN ont réalisé des scores spectaculaires.
Après la prime à la casserole, phénomène électoral qui a fait ses preuves sous la VeRépublique, la gratification aux propos racistes. Loin d’être sanctionné·es dans les urnes, les candidat·es du Rassemblement national (RN) épinglé·es pendant la campagne électorale pour leurs propos antisémites, islamophobes, négrophobes, homophobes ou sexistes ont tous et toutes réalisé des scores impressionnants.
Ces résultats confirment une double tendance : la polarisation du scrutin autour de Jordan Bardella, mais aussi la tolérance, sinon l’adhésion, d’une grande partie de la population française aux propos les plus abjects.
L’exemple le plus significatif concerne la candidature de Louis-Joseph Pecher, dans la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle. Ce fils d’une figure historique du Front national (FN) avait été investi avant que le Rassemblement national et Éric Ciotti ne lui retirent leur soutien le 19 juin, en raison de messages postés quelques semaines plus tôt sur les réseaux sociaux.
Ces publications, révélées par Street Press, émanaient d’un compte Twitter anonyme dont Louis-Joseph Pecher a reconnu la paternité et qu’il utilisait pour s’en prendre aux juifs, aux femmes et aux homosexuels. « Juif qui parle, bouche qui ment », y déclarait notamment le candidat, qui reste inscrit sous la bannière RN en préfecture – le soutien lui a été retiré après l’investiture officielle – et dont les voix serviront donc à financer les caisses du parti.
Si Louis-Joseph Pecher est l’un des très rares candidat·es avec qui le RN a pris publiquement ses distances, malgré des dizaines d’autres en roue libre sur les réseaux sociaux, cette décision n’a eu aucun effet majeur sur le choix des électeurs et électrices. Dans un contexte de forte participation (67,6 %), ils et elles sont 30,45 % à avoir glissé dans l’urne un bulletin du candidat aux propos ouvertement antisémites, le qualifiant pour le second tour dimanche 7 juillet.
Le candidat RN a augmenté le score du parti de trois points dans la circonscription par rapport à 2022. C’est moins que la moyenne nationale (+ 15 %), mais Louis-Joseph Pecher peut compter sur une réserve de voix inespérée pour affronter le député socialiste sortant Dominique Potier (43,47 % au premier tour). Le candidat Parti de la France, dont les affiches de campagne racistes clamant « Donnons un avenir aux enfants blancs » avaient provoqué la stupeur, réalise en effet le score stupéfiant de 5 190 voix dans la circonscription (10,06 % des suffrages exprimés).
Ces scores ne résultent pas d’un microclimat propre à ce territoire. Partout, du nord au sud, de l’est à l’ouest, la même progression est observable.
À Pau, dans la 2e circonscription des Pyrénées-Atlantiques, terre d’élection modérée du Modem de François Bayrou, la candidate d’extrême droite Monique Becker réalise une percée à 31,14 % (contre 16,44 % pour le RN en 2022), se payant le luxe de devancer le député centriste sortant, Jean-Paul Mattei. Alors même que Monique Becker a été épinglée pendant la campagne pour ses publications faisant l’apologie de l’OAS ou de Franco, ce qui ne manque pas d’étonner dans une ville marquée par l’accueil de réfugié·es républicain·es de la guerre d’Espagne.
En Bretagne aussi, autre territoire longtemps immunisé contre la percée des Le Pen et de leurs alliés, les candidat·es en roue libre ne souffrent d’aucun vote sanction. Dans la 1re circonscription des Côtes-d’Armor, Françoise Billaud a disparu de la campagne, supprimant ses réseaux sociaux et annulant toutes ses interviews après les polémiques, largement relayées dans la presse locale, sur ses publications à connotation négrophobe, transphobe, antisémite, islamophobe et climatosceptique.
Malgré cela, elle se qualifie aisément pour le second tour avec 25,75 % des suffrages, plus du double de celui qu’elle avait réalisé il y a deux ans dans les mêmes terres électorales (12,40 %).(…)
Le Morbihan n’est pas en reste : Joseph Martin, à qui le RN a retiré son soutien – avant de le rétablir – en raison de son tweet « le gaz a rendu justice aux victimes de la Shoah » (dont le candidat conteste tout caractère antisémite), se qualifie avec 25,37 % des voix, contre 11,58 % pour le candidat RN en 2022 dans cette 1re circonscription. Le parti d’extrême droite réalise un score de 31,31 % (16,12 % il y a deux ans) dans la 4ecirconscription, où le suppléant Gregory Renard multiplie les provocations racistes.
Racisme : plus de 40 candidats RN en roue libre sur les réseaux sociaux
À Paris, sans parvenir à se qualifier (la marche est encore un peu trop haute dans la capitale), la candidate Agnès Pageard, ouvertement antisémite (dans un message révélé par Libération, elle assimile notamment des personnalités juives à des pédocriminels) et anti-IVG (« L’avortement tue beaucoup plus que le Covid », dit-elle), double aussi le score du RN dans la 10e circonscription avec 11,39 % des voix contre 5,51 % à Wallerand de Saint-Just, trésorier historique du parti, en 2022.
Dans le Loir-et-Cher, le député sortant Roger Chudeau, qui a nourri la plus grosse polémique de fin de campagne en qualifiant d’« erreur » le fait que Najat Vallaud-Belkacem, qui a la double nationalité franco-marocaine, ait pu être ministre de l’éducation, frôle la qualification au premier tour : 49,72 % (24,04 % en 2022).
Tout comme René Lioret, et ses propos sur « les racailles africaines » ou le« repeuplement » de l’Europe, qui recueille 45,31 % des suffrages (23,70 % il y a deux ans), dans la 5e circonscription de Côte-d’Or.
Dans la circonscription d’à côté, la quatrième, sa collègue Sophie Dumont, qui a notamment repartagé une publication décrivant l’Ukraine comme « le plus grand fournisseur d’enfants pour les réseaux pédophiles », comme l’avait révélé Libération, est aussi en ballottage plutôt favorable : avec 42,24 % des voix (21,14 % en 2022), la voilà, grâce au coup de poker d’Emmanuel Macron, aux portes de l’Assemblée nationale.