Média­part. Les candi­dats aux « propos abjects » du Rassem­ble­ment natio­nal

Racisme : carton plein pour les candi­dats RN les plus débri­dés

Un candi­dat aux publi­ca­tions anti­sé­mites à plus de 30 % en Meurthe-en-Moselle, une nostal­gique de Franco en tête dans les Pyré­nées-Atlan­tiques : même les pires des pires des aspi­rants dépu­tés du RN ont réalisé des scores spec­ta­cu­laires.

Antton Rouget

Après la prime à la casse­role, phéno­mène élec­to­ral qui a fait ses preuves sous la VeRé­pu­blique, la grati­fi­ca­tion aux propos racistes. Loin d’être sanc­tion­né·es dans les urnes, les candi­dat·es du Rassem­ble­ment natio­nal (RN) épin­glé·es pendant la campagne élec­to­rale pour leurs propos anti­sé­mites, isla­mo­phobes, négro­phobes, homo­phobes ou sexistes ont tous et toutes réalisé des scores impres­sion­nants.

Ces résul­tats confirment une double tendance : la pola­ri­sa­tion du scru­tin autour de Jordan Bardella, mais aussi la tolé­rance, sinon l’adhé­sion, d’une grande partie de la popu­la­tion française aux propos les plus abjects.

L’exemple le plus signi­fi­ca­tif concerne la candi­da­ture de Louis-Joseph Pecher, dans la 5e circons­crip­tion de Meurthe-et-MoselleCe fils d’une figure histo­rique du Front natio­nal (FN) avait été investi avant que le Rassem­ble­ment natio­nal et Éric Ciotti ne lui retirent leur soutien le 19 juin, en raison de messages postés quelques semaines plus tôt sur les réseaux sociaux.

Ces publi­ca­tions, révé­lées par Street Press, émanaient d’un compte Twit­ter anonyme dont Louis-Joseph Pecher a reconnu la pater­nité et qu’il utili­sait pour s’en prendre aux juifs, aux femmes et aux homo­sexuels. « Juif qui parle, bouche qui ment », y décla­rait notam­ment le candi­dat, qui reste inscrit sous la bannière RN en préfec­ture – le soutien lui a été retiré après l’in­ves­ti­ture offi­cielle – et dont les voix servi­ront donc à finan­cer les caisses du parti.

Si Louis-Joseph Pecher est l’un des très rares candi­dat·es avec qui le RN a pris publique­ment ses distances, malgré des dizaines d’autres en roue libre sur les réseaux sociaux, cette déci­sion n’a eu aucun effet majeur sur le choix des élec­teurs et élec­trices. Dans un contexte de forte parti­ci­pa­tion (67,6 %), ils et elles sont 30,45 % à avoir glissé dans l’urne un bulle­tin du candi­dat aux propos ouver­te­ment anti­sé­mites, le quali­fiant pour le second tour dimanche 7 juillet.

Le candi­dat RN a augmenté le score du parti de trois points dans la circons­crip­tion par rapport à 2022. C’est moins que la moyenne natio­nale (+ 15 %), mais Louis-Joseph Pecher peut comp­ter sur une réserve de voix ines­pé­rée pour affron­ter le député socia­liste sortant Domi­nique Potier (43,47 % au premier tour). Le candi­dat Parti de la France, dont les affiches de campagne racistes clamant « Donnons un avenir aux enfants blancs » avaient provoqué la stupeur, réalise en effet le score stupé­fiant de 5 190 voix dans la circons­crip­tion (10,06 % des suffrages expri­més).

Ces scores ne résultent pas d’un micro­cli­mat propre à ce terri­toire. Partout, du nord au sud, de l’est à l’ouest, la même progres­sion est obser­vable.

À Pau, dans la 2e circons­crip­tion des Pyré­nées-Atlan­tiques, terre d’élec­tion modé­rée du Modem de François Bayrou, la candi­date d’ex­trême droite Monique Becker réalise une percée à 31,14 % (contre 16,44 % pour le RN en 2022), se payant le luxe de devan­cer le député centriste sortant, Jean-Paul Mattei. Alors même que Monique Becker a été épin­glée pendant la campagne pour ses publi­ca­tions faisant l’apo­lo­gie de l’OAS ou de Franco, ce qui ne manque pas d’éton­ner dans une ville marquée par l’ac­cueil de réfu­gié·es répu­bli­cain·es de la guerre d’Es­pagne.

En Bretagne aussi, autre terri­toire long­temps immu­nisé contre la percée des Le Pen et de leurs alliés, les candi­dat·es en roue libre ne souffrent d’au­cun vote sanc­tion. Dans la 1re circons­crip­tion des Côtes-d’Ar­mor, Françoise Billaud a disparu de la campagne, suppri­mant ses réseaux sociaux et annu­lant toutes ses inter­views après les polé­miques, large­ment relayées dans la presse locale, sur ses publi­ca­tions à conno­ta­tion négro­phobe, trans­phobe, anti­sé­mite, isla­mo­phobe et clima­tos­cep­tique.

Malgré cela, elle se quali­fie aisé­ment pour le second tour avec 25,75 % des suffrages, plus du double de celui qu’elle avait réalisé il y a deux ans dans les mêmes terres élec­to­rales (12,40 %).(…)

Le Morbi­han n’est pas en reste : Joseph Martin, à qui le RN a retiré son soutien – avant de le réta­blir – en raison de son tweet « le gaz a rendu justice aux victimes de la Shoah » (dont le candi­dat conteste tout carac­tère anti­sé­mite), se quali­fie avec 25,37 % des voix, contre 11,58 % pour le candi­dat RN en 2022 dans cette 1re circons­crip­tion. Le parti d’ex­trême droite réalise un score de 31,31 % (16,12 % il y a deux ans) dans la 4ecir­cons­crip­tion, où le suppléant Gregory Renard multi­plie les provo­ca­tions racistes.

 

Racisme : plus de 40 candi­dats RN en roue libre sur les réseaux sociaux

À Paris, sans parve­nir à se quali­fier (la marche est encore un peu trop haute dans la capi­tale), la candi­date Agnès Pageard, ouver­te­ment anti­sé­mite (dans un message révélé par Libé­ra­tion, elle assi­mile notam­ment des person­na­li­tés juives à des pédo­cri­mi­nels) et anti-IVG (« L’avor­te­ment tue beau­coup plus que le Covid », dit-elle), double aussi le score du RN dans la 10e circons­crip­tion avec 11,39 % des voix contre 5,51 % à Walle­rand de Saint-Just, tréso­rier histo­rique du parti, en 2022.

Dans le Loir-et-Cher, le député sortant Roger Chudeau, qui a nourri la plus grosse polé­mique de fin de campagne en quali­fiant d’« erreur » le fait que Najat Vallaud-Belka­cem, qui a la double natio­na­lité franco-maro­caine, ait pu être ministre de l’édu­ca­tion, frôle la quali­fi­ca­tion au premier tour : 49,72 % (24,04 % en 2022). 

Tout comme René Lioret, et ses propos sur « les racailles afri­caines » ou le« repeu­ple­ment » de l’Eu­rope, qui recueille 45,31 % des suffrages (23,70 % il y a deux ans), dans la 5e circons­crip­tion de Côte-d’Or.

Dans la circons­crip­tion d’à côté, la quatrième, sa collègue Sophie Dumont, qui a notam­ment repar­tagé une publi­ca­tion décri­vant l’Ukraine comme « le plus grand four­nis­seur d’en­fants pour les réseaux pédo­philes »comme l’avait révélé Libé­ra­tion, est aussi en ballot­tage plutôt favo­rable : avec 42,24 % des voix (21,14 % en 2022), la voilà, grâce au coup de poker d’Em­ma­nuel Macron, aux portes de l’As­sem­blée natio­nale.

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