Mercredi, Sto Kokkino, radio proche de Syriza, diffusait le 29 juillet un long entretien avec le premier ministre grec. Rosa Moussaoui dans l’Humanité du 31 juillet en a publié de larges extraits ; elle avait la veille fait un commentaire de cette interview. Voici quelques éléments avec des intertitres de notre responsabilité. PB.
Tsipras dit qu’il a fait avancer les contradictions dans la zone reuro et que l’accord annonce un allègement de la dette.
Nous sommes fiers d’avoir livré cette bataille. La loi du plus fort s’est imposée en Europe, mais nous avons montré au monde l’impasse de ces politiques
Nous avons fait bouger les rapports de forces. La France, l’Italie, les pays du Nord avaient tous des positions très différentes. Le résultat, bien sûr, est très difficile mais, d’un autre côté, la zone euro est arrivée aux limites de sa résistance et de sa cohésion. Les six prochains mois seront critiques et les rapports de forces qui vont se construire durant cette période seront tout aussi cruciaux.
En ce moment, le destin et la stratégie de la zone euro sont remis en question. Il y a plusieurs versions. Ceux qui disaient « pas un euro d’argent frais » ont finalement décidé non pas seulement un euro mais 83 milliards. Donc de 10,6 milliards sur cinq mois on est passé à 83 milliards sur trois ans, en plus du point crucial qu’est l’engagement sur la dépréciation de la dette, à discuter en novembre.
Avec une dette à 180–200 % du PIB, on ne peut pas avoir une économie stable. Le seul chemin que nous pouvons suivre est celui de la dépréciation, de l’annulation, de l’allégement de la dette. La condition pour que le pays puisse retrouver une marge financière, c’est qu’il ne soit plus obligé de dégager des excédents budgétaires monstrueux, destinés au remboursement d’une dette impossible à rembourser.
« Le non au référendum était un non à l’austérité »
Je n’ai pas dit : « Je fais un référendum pour vous sortir de l’euro. » J’ai dit : « Je fais un référendum pour gagner une dynamique de négociation. » Le non au mauvais accord n’était pas un non à l’euro, un oui à la drachme. On peut m’accuser d’avoir fait de mauvais calculs, d’avoir eu des illusions, mais à chaque moment, j’ai dit les choses clairement, j’ai informé deux fois le Parlement, j’ai dit la vérité au peuple grec.
Le référendum a été décidé le jour de l’ultimatum, le 25 juin, vendredi matin, lors d’une réunion que nous avons tenue à Bruxelles, avec, devant nous, la perspective d’une humiliation sans sortie possible
L’accord du 13 juillet permettait de défendre les couches populaires.
Notre plus haute priorité était d’éviter une crise humanitaire. Jamais nous n’avons demandé au peuple, lors du référendum, de voter pour la drachme.
Après réflexion, je reste convaincu que le choix le plus juste était de faire prévaloir la protection des couches populaires. Dans le cas contraire, de dures représailles auraient pu détruire le pays. J’ai fait un choix de responsabilité.
Je considère, et je l’ai dit au Parlement, que c’est une victoire à la Pyrrhus de nos partenaires européens et de nos créanciers, en même temps qu’une grande victoire morale pour la Grèce et son gouvernement de gauche.
Le gouvernement Tsipras et sa feuille de route.
Et maintenant ? La feuille de route du gouvernement remanié le 18 juillet tient en trois points : appliquer les mesures dictées par la troïka, en « compenser les effets » sur le peuple grec et « continuer la bataille » en s’attaquant aux privilèges de l’oligarchie, à la corruption, à la fraude et à l’évasion fiscales. Quitter le pouvoir plutôt que de faire avaler au peuple grec cette nouvelle pilule amère d’austérité ? Pas question, répond Tsipras, si la cohésion de la majorité parlementaire est sauvegardée : « Nous, la gauche, serions-nous mieux dans l’opposition ? Qui aurait encore confiance en nous si nous ne pouvons pas faire face en étant au gouvernement ? » Si les failles apparues dans sa majorité devaient encore
se creuser, des élections anticipées seraient toutefois inévitables, admet-il.
Tsipras face à ses opposants dans Syriza.(Rosa Moussaoui)
Il affiche à l’égard des dissidents opposés à la signature du nouveau mémorandum une sèche intransigeance. « Quand il est au gouvernement, un parti ne peut pas fonctionner avec des centres de pouvoir parallèles », a-t-il prévenu à l’attention des tendances de gauche contestant ses choix. La présidente de la Vouli, Zoé Konstantopoulou, opposante déclarée à la signature de l’accord de Bruxelles, n’est pas épargnée : « Nous avons du respect l’un pour l’autre, mais il est surréaliste de me dire “je te dénonce pour te protéger”. » Tsipras, qui n’a pu faire adopter les mesures d’austérité imposées par l’UE qu’avec le secours de l’opposition, estime, sans fermer la porte au débat, que la solidarité avec le gouvernement doit se traduire, une fois les décisions prises, par une stricte discipline de vote des députés de son camp. « Je veux un processus collectif pour décider. Les dissidents de Syriza ne peuvent pas à la fois rejeter les mesures et soutenir le gouvernement », explique-t-il, confirmant la perspective d’un congrès aux débats houleux qui devrait se tenir à l’automne.