Pas de paix durable sans justice sociale

Après l’as­sas­si­nat de Nahel et la révolte dans les quar­tiers popu­laires, des mesures d’ur­gences pour établir la justice et l’éga­lité.

La mort terrible à Nanterre du jeune Nahel, 17 ans, abattu par un agent de police mardi 27 juin lors d’un contrôle routier, a entraîné une explo­sion de colère dans la jeunesse des quar­tiers popu­laires. Ce tir à bout portant sur un adoles­cent, alors qu’au­cun danger direct ne menaçait ni l’agent, ni son collègue, égale­ment incri­miné, s’ap­pa­rente à une exécu­tion. Les images ne laissent à ce sujet aucun doute, et depuis mardi soir la révolte n’a cessé de s’étendre, attei­gnant de nouvelles villes et de nouveaux quar­tiers, non seule­ment en Ile de France, mais sur tout le terri­toire.

L’as­sas­si­nat de Nahel vient s’ajou­ter aux 13 morts abat­tus en 2022 dans les mêmes condi­tions et à la longue liste des victimes de violence poli­cières : Malik Ousse­kine, Zyed Benna et Bouna Traoré, Lamine Dieng, Adama Trao­ré… Cette tragé­die s’ins­crit dans un quoti­dien de harcè­le­ment et de violences poli­cières, de contrôles au faciès et de multi­pli­ca­tion des amendes abusives. Et elle s’ins­crit aussi sur le fond d’une augmen­ta­tion très forte de la pauvreté et des inéga­li­tés sociales dans les quar­tiers popu­laires, qui subissent en outre le déla­bre­ment et le retrait des services publics (éduca­tion, santé, trans­ports, emploi, etc.).

Le gouver­ne­ment refuse d’ap­por­ter une réponse poli­tique adap­tée à une révolte dont les motifs sont légi­times et  les ressorts parfai­te­ment compré­hen­sibles : l’im­pu­nité dont jouissent large­ment les forces de l’ordre, en parti­cu­lier lorsqu’elles commettent des violences, trop souvent meur­trières, à l’égard de la jeunesse des quar­tiers popu­laires, est deve­nue tota­le­ment insup­por­table. Comme l’ab­sence d’une réponse sur le terrain légal remet­tant en cause les effets désas­treux de la Loi de sécu­rité publique du 28 février 2017.

Le ministre de l’in­té­rieur, avec l’aval de l’en­semble de l’exé­cu­tif et du chef de l’État, se contente de mobi­li­ser d’im­por­tantes forces de police la nuit tandis que Emma­nuel Macron – suivi par son Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti – incri­mine les parents et met en cause les réseaux sociaux et les jeux vidéo… Paral­lè­le­ment des maires et des préfets mettent en œuvre des mesures de couvre-feux plus ou moins éten­dus pour essayer d’en­rayer la propa­ga­tion des émeutes.

De son côté, le RN, par la voix de sa prési­dente, appelle à la géné­ra­li­sa­tion des couvre-feux et la répres­sion accrue de la jeunesse des quar­tiers popu­laires. Dans le même temps  les orga­ni­sa­tions syndi­cales de la police, de mèche avec l’ex­trême-droite, en parti­cu­lier le syndi­cat Alliance, se placent sur le même terrain pour défier et mena­cer ouver­te­ment le gouver­ne­ment en exigeant une impu­nité accrue pour les forces de l’ordre et des mesures d’ex­cep­tion pour orga­ni­ser la répres­sion.

Face à ces forces de régres­sion et d’ap­pel à la guerre-civile, nous affir­mons qu’il ne peut y avoir de retour à un calme durable sans qu’il soit mis fin à l’im­pu­nité des forces de l’ordre, sans établis­se­ment de la  justice sociale et sans égalité. Avec la France Insou­mise nous leur oppo­sons l’exi­gence de « Justice pour Nahel et pour sa famille ». Comme les habi­tant.es des quar­tiers popu­laires nous pensons qu’un retour au calme et à la protec­tion des biens publics est néces­saire, mais nous affir­mons qu’il ne peut consis­ter dans un retour au statu quo sur les violences poli­cières, le racisme systé­mique et les discri­mi­na­tions.

Ce qui explose aujourd’­hui est le résul­tat de décen­nies d’injus­tice, de discri­mi­na­tion, de racisme, de pauvreté crois­sante et de violence envers les habi­tant.es des quar­tiers popu­laires. C’est la preuve de l’échec d’une poli­tique de la ville qui était censée répondre à ces enjeux. La mort de Nahel est une tragique étin­celle. Étouf­fer une révolte sans s’en prendre à ses causes, c’est se condam­ner à la revivre. Tout le démontre dans l’his­toire contem­po­raine de la France. Notam­ment depuis 2005 et la mort de Zyed et Bouna sous le minis­tère de Sarkozy.

L’an­née 2023 marque les 40 ans de la Marche pour l’éga­lité, au cours de laquelle des jeunes ont sillonné les routes de France et multi­plié les rassem­ble­ments jusqu’à Paris, pour exiger la justice et l’éga­lité et – déjà – la fin des violences poli­cières meur­trières et des crimes racistes. Il semble que 40 ans plus tard, nous en soyons toujours là…

Le groupe parle­men­taire LFI-NUPES et la France Insou­mise ont proposé le 30 juin un plan d’ur­gence pour sortir de la crise. A commen­cer par l’abo­li­tion de la loi de sécu­rité publique de 2017 qui donne un permis de tuer et la créa­tion d’une commis­sion Vérité et Justice sur les violences poli­cières ayant entraîné la mort ou la muti­la­tion de citoyen·nes. Il faut enfin entre­prendre de lutter contre le racisme qui gangrène la police française et de refon­der radi­ca­le­ment son lien avec l’en­semble des popu­la­tions autour de sa mission prio­ri­taire de protec­tion des personnes et des liber­tés. Sur la base de ces propo­si­tions, avec l’en­semble des forces de la NUPES, il s’agit d’ap­pro­fon­dir dès main­te­nant les rela­tions de la gauche de trans­for­ma­tion sociale avec les asso­cia­tions et collec­tifs des quar­tiers popu­laires, pour défendre, en commun avec le mouve­ment social dans son ensemble, y compris les orga­ni­sa­tions syndi­cales, un hori­zon de rupture avec le désastre et la violence néoli­bé­rales.

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