Pourquoi la gauche anticapitaliste et écologiste reste-t-elle incapable d’enrayer la machine infernale qu’est le FN ? Telles sont les questions prioritaires auxquelles il convient de chercher des réponses. Car les raisons de la montée continue du FN depuis les années 1980 sont connues et les responsabilités politiques du désastre politique que vit aujourd’hui la France, aussi.
Il est à noter que la courbe ascendante du FN suit celle des abstentionnistes devenus aujourd’hui « premier parti » de France. Des abstentionnistes pour qui n’existent aucune perspective ni projet politiques capables de répondre à leurs inquiétudes et à leur sentiment d’abandon, pas même ceux du Front de Gauche et des écologistes. Sans parler de ceux qui votent encore, mais sans conviction.
C’est à ces gens-là, et sans doute aussi à bon nombre d’électeurs du FN que la gauche anticapitaliste et écologiste doit apporter des réponses. Des réponses qui ne peuvent se situer qu’en rupture avec le système économique, social et institutionnel qu’ils rejettent. Des réponses qui ne peuvent se construire qu’avec les gens eux-mêmes dans des formes renouvelées de démocratie sociale et participative. Des réponses que le Front de Gauche, englué dans un système institutionnel de démocratie représentative obsolète, est resté incapable de proposer. Et ce n’est pas les appels de désespoir au rassemblement républicain ou même à gauche qui aideront à les trouver.
Si la gauche veut pouvoir aider à construire ces réponses, elle n’a pas d’autre choix que de se réinventer, tout en restant plus que jamais fidèle aux valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité de notre République, aujourd’hui dangereusement exposée à la montée de l’extrême droite comme aux politiques liberticides de la droite et du gouvernement socialiste.
Christian Lanneau, 8–12–2015
Roger Martelli dans un article édité par le site national d’Ensemble, extrait:
Entre le renoncement et la répétition, nous n’avons pas bien su trouver la voie alternative. De ce fait, ce sont les modernités frelatées des technostructures ou les discours de la peur et de la xénophobie qui semblent incarner ce nouveau-là. Mais pendant ce temps, la crise continue, celle de la vie quotidienne pour les exclus de la croissance et celle de la démocratie elle-même, pour ceux qui ne peuvent plus peser, ni sur le cours du monde ni sur celui de leur propre vie.
Or cette crise s’approfondira. Le FN attise le ressentiment et l’enfermement frileux et chauvin, mais au risque d’élargir « l’état de guerre » à la société tout entière. Quant au socialisme « macronisé », il peut attirer un temps ceux qui sont à la recherche d’une voie crédible face au Front national. Mais il atomise un peu plus les catégories populaires et il déstructure un peu plus la gauche dans ce qui fait historiquement sa force : ses valeurs populaires d’égalité, de liberté et de solidarité.
Auquel cas, le seul rempart contre le Front national est l’affirmation d’une gauche reconstruite, portée par une génération nouvelle de femmes et d’hommes. Une gauche appuyée sur ses valeurs fondatrices mais capable de les vivifier. Une gauche échappant à la malédiction des structures qui ne vivent que pour elles-mêmes, rompant avec les vieilles et stériles séparations du social, du politique et du symbolique. Une gauche, au fond, capable de faire suffisamment « mouvement » pour que les catégories populaires, déstabilisées, retrouvent enfin le goût de la mise en commun et de la vie civique.
Je cite: « Des réponses qui ne peuvent se construire qu’avec les gens eux-mêmes dans des formes renouvelées de démocratie sociale et participative. Des réponses que le Front de Gauche, englué dans un système institutionnel de démocratie représentative obsolète, est resté incapable de proposer. Et ce n’est pas les appels de désespoir au rassemblement républicain ou même à gauche qui aideront à les trouver.
La première question à se poser est de la nature du Front de gauche: il existe dans le Sud Vienne, il y a un comité de liaison à Poitiers, il y a une association front de gauche à Chatellerault qui ne rassemble pas tous les partis parties prenantes. A Poitiers nous avons des élus à la municipalité qui appartiennent à des partis différents du Front de gauche, les uns sont des amis loyaux de Claeyes, les autres sont dans son opposition résolue. Et dans la Vienne, c’est mieux qu’ailleurs. Cela pour dire que le Front de gauche a une existence variée, par intermittence souvent, sans base militante de masse propre. Il est donc bien délicat d’imputer tant de défauts au Front de gauche.
Lesquels défauts n’expliquent pas que LO avec le renfort gracieux du NPA national dépasse les 1% sans plus. Ce qui leur suffit.
La question pour le Ensemble, le PCF, le PG, et aussi la minorité du NPA et les libertaires non sectaires est celle de faire avec l’hégémonie à droite, maintenant confirmée, de la société française et de nombre de pays de l’UE. Reconstruire sans tout jeter, sans être obnubilé par les élections (et les gamelles électorales) mais sans mépriser ces échéances électorales. Reconstruire « à partir du milieu », sans oublier ce qui reste vivant de nos acquis politiques, et en inventant et en accueillant/rejoignant toutes les nouvelles formes de politisation.
Bonjour Pascal, Je partage grosso modo ce que tu dis. Mais il y a quand même, je trouve, quelque chose qui ne va pas dans la manière de présenter. Tu écris « La question pour le Ensemble, le PCF, le PG, et aussi la minorité du NPA et les libertaires non sectaires est celle de faire avec l’hégémonie à droite, maintenant confirmée, de la société française et de nombre de pays de l’UE.« . Il y a donc un problème avec la majorité du NPA et avec les libertaires sectaires. Tu as raison, je le pense aussi. Mais tu en profite pour mettre LO sur le côté, hors ils ont une responsabilité dans les mois à venir, bien qu’ils soient totalement hors-sol. Cela n’empêche qu’il faut les interpeller. Tout comme les « libertaires sectaires » et la majorité du NPA, plus hétérogène que ne le laisse entendre ton commentaire. Enfin, et c’est le plus grave je trouve, cette phrase dédouane totalement les dirigeants des organisations du Front de Gauche, du PCF et du PG en particulier, qui, il me semble, n’ont pas plus à voir avec une recomposition politique à faire que les personnes que tu as évacué. En gros, et c’est bien mon désaccord, les bureaucrates (que je distingue de pleins de militants) du PC (entre autres) en grande partie responsables de la situation dans laquelle nous sommes, à cause des accords avec le PS depuis des années valent plus que des militants, certes souvent sectaires, mais qui n’ont pas le même degrés de responsabilités dans la situation. Dans la même occasion, cela permet de ne pas parler des rapports au PS, pour lutter contre le FN justement. Pour ma part, je pense que sur le long terme, les fusions du fdg avec le ps (comme eelv) vont tuer la gauche et permettre au FN de prospérer puisque pour la masse des gens la distinction « accord technique ou accord politique » n’a pas de sens. Ils ont en partie raison je crois. D’autant que le PC et EELV eux, font des fusions politiques. Il faut donc reconstruire toujours avec le soucis de l’indépendance du PS. Ces élections régionales portent donc un coup dur à cette recomposition.
D’accord pour dire qu’il faut s’adresser à tout le monde pour faire du neuf à gauche. On peut donc écrire à LO qui nous dira que eux ils sont communistes et veulent faire la révolution et pas nous et que nos idées petites bourgeoises, on peut se les garder. Mais on peut essayer.
Plus sérieusement, on a des élus Front de gauche qui votent l’état d’urgence et ont confirmé leur vote alors que la Ligue des droits de l’homme fait un appel juste contre ces mesures liberticides – et inutiles pour contrer les adeptes de Daesh. Et parmi eux, deux députés qui sont censés être liés à Ensemble. Et tous ces élus municipaux qui n’ont rien à voir avec une quelconque vie du Front de gauche mais ont à voir avec le PCF, tout ça fait partie du problème, et selon moi, pas de la solution. Et les élus EELV dans plein d’endroits font de même. Et Mélenchon qui a des éclairs d’intelligence très vive noyées dans des diatribes interminables et lassantes, et qui là entre en campagne présidentielle ce soir sans demander l’avis à personne. C’est un problème aussi.
Oui il faut une remise à plat, ilfaut de nouvelles façons de faire de la politique, il faut l’indépendance par rapport à ce gouvernement qui mène une politique néolibérale et aux partis qui le soutiennent.
Rappelons que les fusions auxquelles le FDG a participé sont sans engagement avec le PS. C’est une façon d’avoir des élu.e.s comme s’il y avait la proportionnelle. Et même là, les discussions sont vives dans Ensemble. Il faut un débat sur ces questions.
L’indépendance par rapport au PS: bien sûr, donc, mais ce n’est pas l’alpha et l’omega d’une politique autonome et offensive. Parce que l’électorat de gauche existe et l’électorat Front de gauche -ou l’électorat LO- n’ existe que marginalement, ne s’est pas stabilisé en dehors de l’électorat de gauche. Et là le PCF dit des choses justes (avec des conséquences tirées qui sont très variables).
Parler de « bureaucrates du PCF » devient compliqué quand le PCF perd autant d’élus, de permanents; et parmi les permanents qui restent, ils et elles se donnent souvent plus de mal comme militant.e.s que comme carriéristes, et il y en a qui ne sont pas carriéristes du tout. Et l’appareil permanent du PCF n’est pas un ensemble homogène. Nous divergeons sur ce qu’est aujourd’hui le PCF, sur la nature de ses contradictions internes. Mais cela ne gêne pas pour discuter, n’est-ce pas?