Dans une interview de la Nouvelle République (24/09/15) A. Claeys nous dit tout du fonctionnement et des objectifs poursuivis par le redécoupage de l’État qui va toujours – l’avez-vous remarqué ? – vers une structure plus grosse et s’éloignant du legs de la révolution française (commune, département, état) : agglomération des Régions en grandes Régions, la métropolisation, la disparition programmée des départements, le regroupement par grandes communautés d’agglomérations, la réduction de l’autonomie des municipalités au profit de l’intercommunalité.
Cela vaut le coup de citer in extenso notre homme politique. À une question sur les « grandes intercommunalités » il répond : « l’agrandissement du périmètre de l’agglomération de Poitiers est indispensable pour assurer la pérennité des grandes fonctions urbaines et pour exister dans la compétition économique entre les territoires. Les intercommunalités doivent être puissantes ».
Dans cette phrase il a deux informations importantes. La première c’est que l’État va continuer son désengagement au profit des nouvelles collectivités territoriales (« assurer la pérennité »). La deuxième c’est que le but de ces nouvelles institutions c’est d’orienter le fonctionnement des institutions d’abord et avant tout vers la compétition économique, d’imposer une mise en concurrence des nouveaux territoires entre eux et cesser de prétendre exister pour la satisfaction (réalisée ou pas) des besoins de la population. Il s’agit donc d’introduire le fonctionnement du capitalisme dans ce qui y échappait jusqu’alors en partie (collectivités territoriales, de la même façon dans les services publics, les statuts et conventions collectives, etc). Il s’agit, pour dire les choses autrement, de mettre en œuvre la « concurrence libre et non faussée », base idéologique de l’Union Européenne, injonction des transnationales. Dans cette histoire il n’y a pas de place pour l’épaisseur historique des territoires et le débat démocratique.
Bien sûr ce genre de fonctionnement – c’est une constatation – ne marche que pour concentrer encore plus les richesses vers les très riches. La population à tout à perdre à un fonctionnement ainsi de l’État. A. Claeys le sait. L’échelon départemental se spécialisera donc. Il ne sert plus qu’à s’occuper de la solidarité : « les départements ont perdu leur compétence générale. Ils sont centrés sur une mission centrale qui est la solidarité ». En clair, exit les choix politiques, bienvenue à l’administration des choses. Il y aura les institutions qui s’occuperont du business (la grande Région) et celle (le département) qui sera la voiture balai du capitalisme triomphant, qui s’occupera de l’administration de la misère et des dégâts provoqués.
« Je souhaite travailler avec le président du conseil départemental et avec celui de l’association des maires de la Vienne » déclare le député maire. Qui décide ? La population ? Le peuple souverain ? Que nenni ? Les élu-es ? Pas tou-tes et pas n’importe qui.
Quelle considération peut-on avoir pour cette gauche-là, celle du PS et de ses alliés, qui se fait élire sur un programme de gauche (« l’ennemi c’est la finance ») et fait une politique qui enchante le MEDEF et l’Union européenne, et donc brise les solidarités, les protections sociales et les services publics et laisse courrir le chômage et l’exploitation.
Quelle considération pour ces gens-là qui dépossèdent la population de sa citoyenneté et de son pouvoir d’agir, de décider et de contrôler. Comment ne pas comprendre l’écœurement, la résignation qui se manifeste dans l’abstention électorale ou la haine contre la caste des puissant-es dans le vote fascisant du FN ?
Nous n’avons rien à faire avec cette gôche et certainement pas lui donner une caution de gauche en participant à ses majorités. L’alternative populaire à gauche passera forcément par l’affaiblissement de ces libéraux. Il nous faudra également pervertir ces institutions imposées autoritairement.
Pascal Canaud