Réforme du collège, le retour.


Retour sur un article de notre cama­rade Myriam Rossi­gnol de juin dernier. Toujours d’ac­tua­lité en cette rentrée.

Prenez un zeste de réforme Pécresse des Univer­si­tés en accen­tuant l’au­to­no­mie des établis­se­ments, un zeste de la réforme Allègre du lycée avec les travaux inter­dis­ci­pli­naires ou celle de Chatel avec l’ac­com­pa­gne­ment person­na­lisé, un zeste de la réforme Peillon du primaire avec toujours moins d’heures d’en­sei­gne­ment, des vieux IDD (itiné­raires de décou­verte) de l’époque de Jack Lang et vous aurez trouvé ou compris la réforme du collège. C’est donc une fois de plus une réforme de logique libé­rale, à moyens constants (voire moins dans l’ave­nir), qui vise plutôt à dérè­gle­men­ter et mettre en concur­rence qu’à donner une vraie réponse à la diffi­culté scolaire.

 

Cette réforme enté­rine les choix, réforme après réforme dans l’édu­ca­tion, d’en­sei­gner toujours moins d’heures, en dimi­nuant la diver­sité des ensei­gne­ments, sans jamais faire le bilan des précé­dentes réformes (sur l’aide person­na­li­sée par exemple), ni répondre au vrai sujet de départ : la diffi­culté scolaire et la repro­duc­tion des inéga­li­tés sociales dans l’école.

 

On peut parfois se deman­der dans quel pays vivons-nous pour qu’a­près chaque nouvelle réforme, on semble heureux que le temps de l’école dimi­nue (c’était aussi le cas dans la dernière réforme du primaire)… Dans le cas présent, la chose nouvelle et surpre­nante est le degré de mensonge et de mépris du gouver­ne­ment : on ne suppri­me­rait rien, ni dans les horaires ni dans la diver­sité », les ensei­gnant-es serait du côté de l’im­mo­bi­lisme et de l’éli­tisme et les décrets passent la nuit même d’une mobi­li­sa­tion inter-syndi­ca­le…

Pour­tant, la grille horaire présen­tée par le minis­tère montre clai­re­ment qu’il revien­dra à chaque établis­se­ment de choi­sir les heures d’en­sei­gne­ment (20% de chaque niveau) sur lesquelles devra être pris le temps pour les nouveaux dispo­si­tifs (1 heure d’ac­com­pa­gne­ment person­na­lisé et 3 heures d’en­sei­gne­ment pratique inter­dis­ci­pli­naire pour chaque niveau de la 5e à la 3e). La réécri­ture des programmes prévoit une part (variante selon les disci­plines) qui sera facul­ta­tive, là encore, selon le choix des équipes de l’éta­blis­se­ment. D’un établis­se­ment à un autre, les ensei­gne­ments ne seront pas les mêmes, ni les horaires.

 

Il est fort à parier que suivant le niveau du public, les équipes devront faire des choix qui accen­tue­ront encore plus les diffé­rences entre collèges, quitte à les mettre en concur­rence. Pour certaines disci­plines, on peut même avoir des craintes qu’elles dispa­raissent par manque de moyens ou de choix de gestion (langues anciennes, certaines langues secondes comme l’al­le­mand ou l’ita­lien…). Les quelques heures hebdo­ma­daires théo­rique­ment données ne suffisent pas à orga­ni­ser les nouveaux dispo­si­tifs en demi-groupes ; et c’est pour­tant sur ces moyens, accor­dés à discré­tion du recteur et selon le projet de l’éta­blis­se­ment, qu’il faudrait puiser pour réin­tro­duire latin, classe bilangue ou 3e heure de LV2 en 5e, co-inter­ven­tion…

Paral­lè­le­ment, l’in­tro­duc­tion de hiérar­chies inter­mé­diaires chez les ensei­gnants et le renfor­ce­ment des pouvoirs des chefs d’éta­blis­se­ment fait craindre pour les collec­tifs de travail. L’in­tro­duc­tion de respon­sables de niveaux ou de disci­plines, payés avec des indem­ni­tés, va accen­tuer les rapports de concur­rence entre profs qui devront déjà négo­cier, en leur sein, le temps disci­pli­naire ensei­gné.

Pour­tant, une réforme du collège était atten­due et  depuis long­temps par les ensei­gnant-es eux-mêmes, insa­tis­fait-es de l’im­passe dans laquelle ils et elles se trouvent confronté avec leurs élèves en diffi­culté.

Cepen­dant, la réponse qu’ils et elles appor­te­raient serait tout autre, persuadé-es que ce n’est pas en insuf­flant seule­ment quelques heures de travaux inter­dis­ci­pli­naires – qu’ils pratiquent déjà, n’en déplaisent à nos énarques – et en dimi­nuant les heures d’en­sei­gne­ment qu’ils et elles répon­dront au vrai défi des élèves en diffi­culté.

Il faudrait augmen­ter les moyens en primaire et réta­blir les équipes RASED (réseaux d’aides spécia­li­sées aux élèves en diffi­culté) qui ont pratique­ment disparu. Une vraie réforme ne pour­rait faire l’éco­no­mie d’une baisse des effec­tifs par classe et du dédou­ble­ment systé­ma­tique dans chaque disci­pline ensei­gnée en collège. Il faudrait égale­ment envi­sa­ger la possi­bi­lité de co-inter­ven­tion, en collège comme en primaire, à l’in­té­rieur d’une même classe. Il est aujourd’­hui indis­pen­sable de réflé­chir à la mise en place d’un dispo­si­tif en collège d’en­sei­gnants spéci­fique­ment formés à la diffi­culté scolaire. Il faut offrir une diver­sité de conte­nus aux élèves ainsi qu’une diver­sité d’ac­cès à ces savoirs en mettant en avant des capa­ci­tés variées (tech­niques, manuelles, expé­ri­men­ta­les…). Il faut égale­ment  accor­der des rythmes diffé­rents dans la scola­rité pour aider  les élèves à parve­nir au lycée.

 

Enfin la diffi­culté est scolaire parce qu’elle est aussi sociale. Des équipes pluri­pro­fes­sion­nelles en nombre suffi­sant sont néces­saires. Trop souvent, les collèges ne disposent que des mi-temps d’AS, de COP, d’in­fir­mières et les postes de CPE sont insuf­fi­sants comme ceux d’édu­ca­teurs dans les quar­tiers, ceux de psycho­logues inexis­tants. Il faut aussi revoir le système de déro­ga­tion et de carte scolaire qui permet une ghet­toï­sa­tion de certains collèges.

De nouvelles mobi­li­sa­tions  sont indis­pen­sables pour faire recu­ler ce gouver­ne­ment qui, une fois de plus, fait passer ses projets en déni des besoins du plus grand nombre.

Myriam Rossi­gnol

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