Sortir de l’Eu­rope pour mieux la recons­truire ?

Au lende­main du Brexit popu­laire décidé par les Britan­niques, toutes les réac­tions poli­tiques en France déclarent la néces­sité de chan­ger l’Eu­rope pour assu­rer son avenir !

Jean-Luc MELENCHON va plus loin, en propo­sant un plan B qui s’ap­puie­rait sur « une révo­lu­tion citoyenne », faute de quoi il n’y aurait d’autre alter­na­tive que « chan­ger l’Eu­rope ou la quit­ter ». D’autres comme le Front natio­nal appellent tout simple­ment, par réflexe natio­na­liste, à la quit­ter pour mieux nous replier à l’in­té­rieur de nos fron­tières.

Et puis, il nous faut bien mesu­rer l’onde de choc ressen­tie dans les grandes places finan­cières. Toutes ont réagi à la baisse, mais aucune ne s’est effon­drée. Les inves­tis­seurs se sont réfu­giés dans les valeurs sûres que sont à leurs yeux les obli­ga­tions améri­caines et alle­mandes. Certains vont même, eux aussi, jusqu’à deman­der de repen­ser l’Eu­rope, pour renfor­cer et mieux proté­ger les marchés des risques poli­tiques que repré­sentent à leurs yeux, les élec­tions à venir dans les diffé­rents pays euro­péens.

Les décla­ra­tions des diri­geants français et alle­mands les auront vite rassu­rés, lesquels entendent bien très rapi­de­ment prendre de nouvelles dispo­si­tions, non pour chan­ger l’Eu­rope des affaires, mais empê­cher, ce qu’ils nomment avec mépris, les réac­tions popu­listes en chaine.

Certes, comme l’ex­prime Pierre LAURENT, il s’agit de refu­ser « le faux dilemme imposé par les parti­sans de l’aus­té­rité, entre l’en­fon­ce­ment dans la crise sociale et l’au­to­ri­ta­risme, ou la dislo­ca­tion sur fond de riva­li­tés natio­na­listes ». Une dange­reuse alter­na­tive que le Front natio­nal alimente de ses propo­si­tions xéno­phobes. Mais pour autant, il ne suffit pas de dire que « la ques­tion du chan­ge­ment poli­tique à gauche, dans un grand pays comme le nôtre se pose plus que jamais ».

Il ne suffit pas non plus de prétendre comme le fait Jean-Luc MELENCHON qu’une nouvelle poli­tique, sociale, pour­rait être impo­sée dans un nouveau traité qui serait secrè­te­ment en prépa­ra­tion par ceux-là mêmes qui nous ont imposé les trai­tés précé­dents, au mépris des avis contraires des peuples. Encore faut-il dire clai­re­ment comment entend-on assu­rer de telles poli­tiques de rupture en France comme en Europe
Si en 2017, la vraie gauche, soit la gauche non gouver­ne­men­tale, veut être enten­due par tous ceux qui aujourd’­hui refusent la poli­tique d’aus­té­rité, anti­so­ciale et liber­ti­cide menée par Hollande et redoutent tout autant les promesses dans le même sens de Sarkozy, hormis qu’il faudrait qu’elle réus­sisse à se rassem­bler, elle doit rapi­de­ment expliquer comment elle entend enga­ger une autre poli­tique en France et en Europe, avec qui et quels rapports de forces ?

Trop de décla­ra­tions laissent la ques­tion sans réponse, au risque de lais­ser les Français bien seuls face au dilemme contre lequel les met en garde Pierre LAURENT et bien seuls face à la réponse popu­liste de l’ex­trême droite. Tout comme les accents bona­par­tistes du candi­dat MELENCHON à la prési­den­tielle de 2017 sur sa volonté de sortir des trai­tés euro­péens, cachent mal ses hési­ta­tions à sortir de l’Eu­rope qu’il dénonce.

L’ex­pé­rience grecque en 2015, a pour­tant montré que les insti­tu­tions et les trai­tés euro­péens n’au­to­ri­saient aucune solu­tion alter­na­tive à la poli­tique sans entrave des marchés. Le message adressé aux 19 pays de la zone euro comme aux 28 de l’union euro­péenne a été clair. Depuis, les diri­geants grecs, quoiqu’ils en disent, savent qu’en évitant le Grexit, ils sont condam­nés à lais­ser faire la poli­tique de pillage de leur pays par la troïka euro­péenne (CE, BCE et FMI). La leçon vaut pour tous les autres pays.

Si nous voulons, citoyens français et euro­péens, construire une autre Europe, sociale et démo­cra­tique, libre et égale, ne faut-il pas avoir le courage de quit­ter cette Europe des marchés et du capi­tal profon­dé­ment anti­dé­mo­cra­tique, pour mieux réin­ven­ter et construire l’Eu­rope à laquelle nous aspi­rons ensemble ? Et cela ne va-t-il pas de pair, en France avec la néces­sité impé­rieuse de chan­ger les insti­tu­tions, dont le mouve­ment social à l’œuvre en France contre la loi travail, nous a appris de façon défi­ni­tive, qu’elles n’offrent plus aucune pers­pec­tive poli­tique à ceux qui refusent de faire les frais de la crise dans laquelle nous ont préci­pité les poli­tiques françaises et euro­péennes ?

Les doutes de devoir en passer par une sortie en cascade, géné­ra­li­sée, de l’Eu­rope sont forts, tout autant que les possi­bi­li­tés de chan­ger l’Eu­rope de l’in­té­rieur. Mais refu­ser de nous poser à la fois les deux ques­tions, c’est risquer de ne pas trou­ver les bonnes réponses. Les Britan­niques n’ont eu à répondre qu’à la ques­tion « remain a member of Euro­pean Union or leave the Euro­pean union ? ». Il eut été plus perti­nent et plus inté­res­sant qu’ils puissent dire qu’elle autre Europe ils souhai­taient.

Chris­tian LANNEAU

24 juin 2016

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