Les élections municipales de mars 2014 présentent un double enjeu : local et national. L’enjeu local est évident. Mais l’enjeu national est au moins aussi important, ce qui est tout à fait nouveau.
Il s’agit en effet du premier scrutin organisé sur l’ensemble du territoire depuis les présidentielles et les législatives de 2012 et l’arrivée au pouvoir de François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Or, les deux dirigeants du Parti socialiste, ainsi que la plupart de leurs ministres et de leurs députés, ont officiellement renoncé à mener des politiques de gauche. Au mieux, les options économiques et sociales prises par le pouvoir en place relèvent d’un positionnement de centre-droit. Certes, il existe des précédents (François Mitterrand en 1988, Lionel Jospin en 1999–2000,) mais jamais l’abandon des valeurs de la gauche n’a été aussi clairement assumé.
Or, il serait totalement faux de croire que les élections locales sont sans lien avec les questions nationales. Ce projet de centre-droit forme un tout cohérent : nationalement, le Parti socialiste se plie aux exigences ultralibérales de l’Union européenne et du grand patronat, et localement, les conseils municipaux qu’il dirige « gèrent » les conséquences de la mondialisation (fermetures d’usines, destruction des services publics, mise en concurrence des territoires…) sans remettre en cause les mécanismes qui les provoquent.
Bien-sûr, au sein du Parti socialiste, bon nombre de prétendants à des postes de maire prennent leurs distances avec un Président de la République crédité, dans les sondages, de moins de 20 % d’opinions favorables. Mais on ne peut pas à la fois émettre des réserves sur les politiques nationales et vouloir, localement, en « gérer » les conséquences. Il faut au contraire une politique de résistance et d’alternatives, qui sauve l’honneur de la gauche. À Poitiers, cette ambition est portée par une liste : « Osons Poitiers, écologique, sociale, solidaire et citoyenne ».
Ce rassemblement de forces qui s’opposent, par la gauche, aux politiques d’austérité du gouvernement, est une très bonne chose, et je le soutien pour les raisons citées plus haut. Malheureusement, le bonheur des militants de la gauche radicale, dont je suis, ne saurait être total. D’une part, je regrette profondément l’absence du Parti communiste français, qui a finalement choisi l’alliance, à Poitiers, avec le Parti socialiste. Je comprends le souhait du PCF d’agir au quotidien pour les habitants et de chercher, pour ce faire, à obtenir un maximum d’élus. Mais ce choix se paie au prix fort : pour la majorité des électeurs, le PCF apparaît comme un soutien, certes critique, mais soutien quand-même, à une direction nationale du Parti socialiste qui gouverne au centre-droit. D’autre part, je regrette tout autant, et pour les mêmes raisons, qu’ Europe écologie – Les Verts compte encore deux ministres en poste au sein du gouvernement. J’espère que les rassemblement locaux réussis, comme celui qui s’est constitué à Poitiers, pousseront les directions nationales des partis à la cohérence et au courage politique.
Enfin, il faut faire le lien entre ces élections municipales et les élections européennes, qui se dérouleront dans la foulée, le 25 mai prochain. L’engagement contre les politiques ultralibérales des partis qui composent la liste « Osons Poitiers, écologique, sociale, solidaire et citoyenne » se heurte frontalement aux projets de l’Union européenne. La résistance municipale est indispensable, mais elle n’est pas suffisante. Pour développer les services publics, pour relocaliser la production, pour mener une véritable transition écologique, pour répartir équitablement les richesses… il n’est plus possible d’espérer, à court terme, une réforme « de l’intérieur » de l’Union européenne que tout le monde sait impossible. Il faudra donc désobéir à l’Union européenne pour mener, sans attendre, des politiques de gauche. En toute logique, les partis qui composent la liste « Osons Poitiers, écologique, sociale, solidaire et citoyenne », mais aussi le PCF qui reste membre du Front de gauche, devront assumer cette désobéissance européenne. Alors, nous pourrons compter sur une véritable gauche radicale capable de porter jusqu’au bout son projet de changement.
Aurélien Bernier