Les gouvernements occidentaux et états-uniens font la leçon aux pays, à leurs yeux, « non civilisés » au prétexte d’y apporter la démocratie à coups de bombes télécommandées à distance.
Au même moment, les mêmes responsables politiques, les « grands » de ce monde, préparent des « coups d’État » successifs en engendrant des monstres de la libéralisation pour tout soumettre au marché : la nature, la vie, l’Homme, et ce, dans le secret le plus absolu. Ces nouveaux Dracula sont TAFTA ou TISA et autre APE. Il nous faut les mettre au grand jour pour les détruire. C’est vital pour l’avenir de tous les Hommes et pour la démocratie.
TAFTA (Transatlantic Free Trade Agreement) ou GMT Grand marché transatlantique (1)
Ce projet de traité prône le libre-échange total entre les États-Unis et l’Union Européenne, prévoit des normes établies principalement par et pour les multinationales auxquelles les Etats devront se plier et ce, dans tous les domaines : sécurité alimentaire, normes de toxicité, prix des médicaments, environnement, liberté du web, énergie, services publics, sécurité sociale, culture…
Exemple : certains produits ne sont pas acceptés en Europe (car trop toxiques, bourrés d’OGM, etc.) mais sont vendus aux États-Unis. Pour ne pas entraver le commerce, le TAFTA propose d’uniformiser les normes en imposant les moins contraignantes. Pour illustration : le porc à la ractopamine (2) est interdit dans 160 pays mais la filière porcine américaine considère ça comme une entrave à la libre concurrence et compte bien sur ce traité pour l’autoriser. Si un pays refuse de faire entrer un produit qu’il estime mauvais, il sera attaqué par les multinationales et, pour compenser la perte financière potentielle, devra payer des sommes exorbitantes en dommages et intérêts. Ce n’est pas du rêve : cela existe déjà (1) !
Les juges qui décideront de sanctionner les récalcitrants relèveront d’un tribunal privé, « indépendant ». Les gouvernements et parlementaires ne pourront pas dire « je ne savais pas » ou autre baliverne comme « ce n’est pas nous, c’est l’Europe… »
Le mandat de négociation a été confié le 14 juin 2013 à la Commission Européenne, assistée d’un comité spécial où les 28 gouvernements sont représentés (pour la France : Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur). La Commission devrait faire « régulièrement rapport au Parlement européen sur l’état d’avancement de la négociation » (selon le Traité de Lisbonne).
Les résultats de la négociation seront présentés au Conseil des ministres européens qui statue à la majorité qualifiée (au moins 55% des États représentant 65% de la population). Si le projet de traité comporte des dispositions sur le commerce des services, sur les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle et sur les investissements directs étrangers (ce qui est le cas), l’unanimité est requise. Les gouvernements disposent donc d’une large liberté d’appréciation du résultat final des discussions et peuvent s’emparer de l’obligation de statuer à l’unanimité pour bloquer le projet.
Le texte doit ensuite être présenté au Parlement européen qui peut l’approuver ou le rejeter. Le Parlement européen a déjà rejeté un traité (le 4 juillet 2012) : l’accord commercial anti-contrefaçon négocié de 2006 à 2010 dans le plus grand secret par plus de 40 pays.
Le Parlement européen peut enfin recueillir l’avis de la Cour de Justice de l’UE (3).
L’opposition du gouvernement français serait donc possible !
En ce sens, il faut citer la récente opposition de l’Allemagne à la signature du traité de
libre-échange entre l’UE et le Canada (le CETA -Canada/UE Trade Agreement. Surprise ! Berlin conteste la clause d’arbitrage Etat/investisseur, ce mécanisme baptisé ISDS(4) (règlement des différends entre investisseurs et Etats) permettant de donner de meilleures garanties juridiques aux entreprises pour qu’elles investissent davantage à l’étranger. Berlin y voit une procédure d’exception qui autorise des groupes privés à attaquer des Etats en justice à l’encontre de l’intérêt général ; en cas de sanctions financières, c’est le budget européen qui sera mis à contribution, donc les contribuables, allemands entre autres…
Berlin rechigne à accepter cette mesure impopulaire.
La question qui demeure dans le processus de ratification du TAFTA concerne précisément le respect de la démocratie : doit-il être soumis à ratification des parlements nationaux ? Les opposants au TAFTA s’appuient sur le fait que « l’accord dépasse le simple libre-échange et empiète sur les prérogatives des Etats puisqu’il s’agit de bouleverser les normes sociales, sanitaires, environnementales et techniques et ou de transférer à des structures d’arbitrage privée le règlement des conflits entre entreprise privées et pouvoirs publics » (3). En France, les pratiques récentes nous laissent sceptiques sur la volonté politique du gouvernement « socialiste » en la matière.
C’est en effet en modifiant la Constitution que la loi constitutionnelle en 2008 a permis d’adopter le traité de Lisbonne, largement identique au Traité Constitutionnel Européen rejeté par référendum en 2005. Et si, malgré tout, la nécessité d’une ratification par le Parlement français se confirmait, le gouvernement pourrait tenter de recourir à la procédure d’examen simplifié qui soumet le traité au vote sans débat (c’est ainsi que fut ratifié l’accord de libre-échange UE-Corée du Sud le 14 décembre 2013) (3).
L’horizon des promoteurs du libre-change illimité qui veulent l’imposer aux peuples sans leur avis ne s’assombrira que si nous entrons en campagne la plus large possible pour refuser massivement le TAFTA et autres Dracula, ces monstres engendrés dans le plus grand secret. C’est en les exposant au grand jour que l’on pourra les faire mourir. Déjà des mouvements s’organisent. Des collectifs STOP TAFTA se constituent.
Et TISA ? Ce Dracula qui renaît. TISA (Trade in Service Agreement) ou ACS (Accord sur le commerce des services).
Il a un air de déjà vu ! Celui de l’AGCS (Accord Général pour le commerce des Services) Le TISA est en cours de négociation entre une cinquantaine de pays dont ceux de l’UE. Lancé en février 2012 par les Etats-Unis et l’Australie, pour se terminer en 2015, proposé à des pays membres de l’OMC, l’accord se discute en grand secret dans un groupe baptisé le VBA « Vrais Bons Amis »( !), partisans les plus féroces de la libéralisation des services, contrariés par l’impasse des négociations de Doha lancées en 2001 dans le cadre de l’OMC.
Les domaines suivants sont concernés : éducation, transports, poste et télécommunications, services de comptabilité et d’audit, ingénierie et logistique, santé, assurance, nouvelles technologies et transfert de données, recherche, banque et services financiers… Il s’agit d’ouvrir encore davantage les services à la concurrence internationale et d’empêcher toute intervention publique.
Ces projets sont « une atteinte aux libertés démocratiques fondamentales » dénonce la Fédération Syndical Internationale.
En novembre 2013, les participants ont lancé l’étape « d’échange d’offres initiales », chaque pays précisant les secteurs qu’il souhaite inclure dans l’accord. Début 2014, la plupart des pays ont échangé ces propositions, certains comme la Suisse ou la Norvège les ont rendues publiques… et la France … silence… Et pourtant, l’ouverture de ces négociations a été validée par le Parlement européen en juillet 2013, par 526 voix pour et 111 contre avec pour la France, les voix du PS et de l’UMP. Front de gauche et écologistes ont voté contre. Mais, sans doute Hollande/Valls sont-ils plus respectueux des accords commerciaux que des engagements politiques !
Dans ces accords, le secret, c’est du sérieux : les propositions d’accord sont classées confidentielles pendant « cinq années à dater de l’entrée en vigueur de l’ACS (Accord sur le commerce des services) ou, si aucun accord n’est trouvé, cinq années après la clôture des négociations ». A croire que les promoteurs de l’AMI (accord multilatéral sur l’investissement en 1998) et autre AGSC qui ont subi des oppositions à leurs traités scélérats ont traumatisé leurs successeurs qui, prudents, ont prévu que le texte doit « être conservé dans un bâtiment, une pièce ou un contenant verrouillé ou sécurisé ». C’était sans compter sur Wikileaks qui a brisé le secret absolu et divulgué l’annexe de l’accord concernant les services financiers car « les promoteurs de TISA cherchent à déréglementer davantage les marchés mondiaux de services financiers ».
Le principe de statu quo empêcherait de mettre en place de nouvelles réglementations financières, jugées nécessaires par les gouvernements, au motif que cela constituerait des restrictions pour les entreprises concernées.
L’accord gèlerait les régulations financières à leur niveau actuel qui demeure nettement insuffisant pour prévenir de nouvelles crises bancaires. De quoi accroître le risque d’instabilité financière pour les années à venir.
Comment pouvons-nous laisser faire le gouvernement Hollande et sa clique, qui osent afficher une telle hypocrisie ? Ils acceptent de s’asseoir à la table des négociations de tels accords visant à détruire totalement ce que, par ailleurs, ils ne cessent de psalmodier la République, invoquant Jaurès par-dessus le marché en oubliant les trois principes de liberté, égalité, fraternité.
Odile Mangeot, le 15 août 2014
Sources : Le dossier du Monde Diplomatique (juin 2014) « Grand Marché Transatlantique : les puissants redessinent le monde » et notamment, l’article de Raoul-Marc Jennar « Les trois actes de la résistance », « La mondialisation heureuse, mode d’emploi » par Raoul-Marc Jennar et Renaud Lambert.
(1) Cf article « le grand marché transatlantique » paru dans PES n° 1 (février 2014)
(2) Médicament utilisé pour augmenter la masse musculaire du porc (interdit en Union européenne, utilisé surtout aux EtatsUnis et au Brésil)
(3) Raoul Marc Jennar. le Monde Diplomatique juin 2014 dans un dossier spécial « Grand Marché Transatlantic »
(4) ISDS – InvestortoState Dispute Settlement ou RDIE (Règlement des Différends entre
Investisseurs et États)
(5) Site ATTAC du 25 juillet 2014
– Le Collectif national unitaire lance un appel à une journée européenne d’action décentralisée contre le TAFTA, le CETA et le TISA le 11 octobre 2014
https://www.collectifstoptafta.org/
– Attac propose la signature d’une pétition sur https://france.attac.org/se-mobiliser/le-grand-marche-transatlantique/
Toutes et tous hors TAFTA. ? Les citoyens d’Europe contre le traité transatlantique.
Source : POUR L’ÉMANCIPATION SOCIALE N° 005 – JUILLET/AOÛT 2014