Sur la mani­fes­ta­tion du 14 juin à Paris. Et du sang.

Voici la curée média­tique : toute la presse audio­vi­suelle et écrite répète, au mot près , le tract écrit par le gouver­ne­ment et le MEDEF : « la CGT protège les casseurs, les casseurs dévastent un hôpi­tal pour enfants, il faut inter­dire les mani­fes­ta­tions ».

Les cons osent tout, c’est entendu; les salauds aussi, nous le véri­fions ici.

Media­part dans cette lourde clameur unani­miste, de Macron à Le Pen en passant par la CFDT, a osé une voix discor­dante : l’hô­pi­tal Necker n’a pas été ravagé, et surtout pourquoi ce silence sur ce « blessé grave dont Valls et Caze­neuve ne parlent pas » ?

Une fois dit que les sinistres crapules qui ont cassé des vitres de l’hô­pi­tal Necker ne sont en rien des cama­rades, devien­dra-t-il possible d’être entendu ?

J’étais à la mani­fes­ta­tion moi aussi. Ayant vite perdu le contact avec notre cortège local dans la foule dense, je remon­tais la mani­fes­ta­tion, ses cortèges ouvriers, ces centaines de villes diffé­rentes repré­sen­tées. Partout des slogans qui appe­laient à en finir avec cette loi travail et ce gouver­ne­ment. Partout des slogans repris avec force, ce qui n’est pas toujours de règle dans nos mani­fes­ta­tions des dernières années. Un évène­ment.

J’avais décidé d’al­ler jusqu’au cortège précé­dant la mani­fes­ta­tion offi­cielle. Ce cortège aujourd’­hui diabo­lisé. Là-bas j’y ai vu une foule variée de milliers de personnes.

Et vite j’ai vu une flaque de sang sur le bitume pari­sien.

Le sang d’un mani­fes­tant atteint dans le dos par une grenade lacry­mo­gène peu avant et qui venait d’être évacué, incons­cient.

J’ai vu ensuite des affron­te­ments entre des mani­fes­tants casqués et masqués et des poli­ciers, les collègues de celui qui venait de bles­ser grave­ment un des nôtres. Puis des abris bus détruits, des graf­fi­tis nombreux et souvent inven­tifs orner les murs. Qu’on me pardonne, je n’ai pas eu de compas­sion pour le verre brisé, j’en ai eu à imagi­ner ce corps humain blessé, à voir ces bles­sés croi­sés ensuite.

J’avais envi­sagé de rejoindre mes amis d’En­semble! que j’avais salué peu avant. La police rendait cela impos­sible : toutes les rues le long de la mani­fes­ta­tion étaient bloquées par des camions de police et des flics, personne ne passait. Et les charges erra­tiques des CRS rendaient périlleuse l’aven­ture d’un retour sur ses pas. Avan­cer en cette bonne compa­gnie restait la seule possi­bi­lité, de par la volonté de Caze­neuve. Dans une nasse.

Aveu­glé par des gaz lacry­mo­gènes , j’aperçois des des flics foncer dans ma direc­tion , je cours maladroi­te­ment et me retrouve à quelques mètres d’un autre groupe de cogneurs à uniforme. Je change de direc­tion, trébuche et tombe, suis relevé aussi­tôt et pres­te­ment par deux cama­rades incon­nus. Nous nous éloi­gnons non sans hâte.

Dans ce cortège on affir­mait que la rue est à nous. Ambiance tendue et frater­nelle. « Paris debout, soulève toi » réson­nait poétique­ment dans les rues.

La mani­fes­ta­tion se termi­nait aux Inva­lides. Vaste espla­nade bloquée à toutes les issues par la police, ce qui n’aide pas à la disper­sion,n’est-ce pas ?. Et sur l’es­pla­nade, ce fut l’apo­théose pour les défen­seurs de la loi « Travaille ! » : charges de police, canon à eau, nuages lacry­mo­gènes couvrant sans cesse au moins une partie de la place. J’ai vu des centaines, des milliers de jeunes refu­ser de fuir devant la violence répres­sive (moi j’avais un peu mal au genou…). Les pari­siens avaient connu ce type d’ exac­tions depuis la mani­fes­ta­tion du Premier Mai, les autres apprennent vite. Ces violences poli­cières orches­trées par le gouver­ne­ment, dont la Ligue des droits de l’homme fait un décompte effaré est tel que les dénom­més « casseurs »sont proté­gés par les mani­fes­tants paci­fiques et à mains nues.

Cette mani­fes­ta­tion devant la mani­fes­ta­tion offi­cielle n’était pas une avant-garde, ni un défilé auto­nome; mille liens humains la faisaient être un déta­che­ment de l’im­mense cortège à la puis­sance joyeuse. Qui affir­mait encore et encore que la rue est à nous. Qui affir­mait lui aussi que le sinistre monde voulu par la loi Travail et la droite de Macron à Le Pen n’a pas triom­phé.

Non, je n’ai pas oublié cette flaque de sang d’un cama­rade. Je n’ou­blie­rai pas les bles­sés de ce 14 juin. Je ne pardon­ne­rai pas à ce gouver­ne­ment qui veut inter­dire les mani­fes­ta­tions et crimi­na­lise les syndi­ca­listes et des frac­tions de la jeunesse. S’il le faut, je sais que nous serons nombreuses et nombreux à témoi­gner à avoir été de ce cortège voué à la haine média­tique. Sans peur.

Pascal B, 16–06–2016

3 réflexions sur « Sur la mani­fes­ta­tion du 14 juin à Paris. Et du sang. »

  1. Entièrement d’accord pour l’avoir vécu avec 3 amis dont une a été blessée par une grenade de des encerclements devant Necker. Je trouve très simpliste la réaction des syndicats et politiques au sujet des jeunes qu’ils qualifient de « casseurs » pour se dédouaner devant les médias en reprenant leurs vocabulaires. Hugo Melchior a écrit aussi un article

    http://www.revolutionpermanente.fr/Paris-Temoignage-de-deux-manifestants-dans-le-cortege-de-tete

    Bon courage. Bernard Clément

     

  2. Merci Bernard. Quand j étais adolescent dans les années 70,  j entendais parler des casseurs et des gauchistes Marcellin. Puis j’ai rejoint les gauchistes, plus ou moins,  car je voulais confusément déjà associer radicalité et mouvement de masse,  autogestion dans son versant auto organisation et création nouvelles.

    Bref employer le mot casseur je laisse ça aux éditorialistes,  aux chefs des flics et au parti de Valls et Cazeneuve.

    Eux ne se trompent pas d ennemi.

    Ensuite on pourra critiquer  entre nous telle ou telle pratique militante. Ce qui sera nécessaire.

     

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