Voici la curée médiatique : toute la presse audiovisuelle et écrite répète, au mot près , le tract écrit par le gouvernement et le MEDEF : « la CGT protège les casseurs, les casseurs dévastent un hôpital pour enfants, il faut interdire les manifestations ».
Les cons osent tout, c’est entendu; les salauds aussi, nous le vérifions ici.
Mediapart dans cette lourde clameur unanimiste, de Macron à Le Pen en passant par la CFDT, a osé une voix discordante : l’hôpital Necker n’a pas été ravagé, et surtout pourquoi ce silence sur ce « blessé grave dont Valls et Cazeneuve ne parlent pas » ?
Une fois dit que les sinistres crapules qui ont cassé des vitres de l’hôpital Necker ne sont en rien des camarades, deviendra-t-il possible d’être entendu ?
J’étais à la manifestation moi aussi. Ayant vite perdu le contact avec notre cortège local dans la foule dense, je remontais la manifestation, ses cortèges ouvriers, ces centaines de villes différentes représentées. Partout des slogans qui appelaient à en finir avec cette loi travail et ce gouvernement. Partout des slogans repris avec force, ce qui n’est pas toujours de règle dans nos manifestations des dernières années. Un évènement.
J’avais décidé d’aller jusqu’au cortège précédant la manifestation officielle. Ce cortège aujourd’hui diabolisé. Là-bas j’y ai vu une foule variée de milliers de personnes.
Et vite j’ai vu une flaque de sang sur le bitume parisien.
Le sang d’un manifestant atteint dans le dos par une grenade lacrymogène peu avant et qui venait d’être évacué, inconscient.
J’ai vu ensuite des affrontements entre des manifestants casqués et masqués et des policiers, les collègues de celui qui venait de blesser gravement un des nôtres. Puis des abris bus détruits, des graffitis nombreux et souvent inventifs orner les murs. Qu’on me pardonne, je n’ai pas eu de compassion pour le verre brisé, j’en ai eu à imaginer ce corps humain blessé, à voir ces blessés croisés ensuite.
J’avais envisagé de rejoindre mes amis d’Ensemble! que j’avais salué peu avant. La police rendait cela impossible : toutes les rues le long de la manifestation étaient bloquées par des camions de police et des flics, personne ne passait. Et les charges erratiques des CRS rendaient périlleuse l’aventure d’un retour sur ses pas. Avancer en cette bonne compagnie restait la seule possibilité, de par la volonté de Cazeneuve. Dans une nasse.
Aveuglé par des gaz lacrymogènes , j’aperçois des des flics foncer dans ma direction , je cours maladroitement et me retrouve à quelques mètres d’un autre groupe de cogneurs à uniforme. Je change de direction, trébuche et tombe, suis relevé aussitôt et prestement par deux camarades inconnus. Nous nous éloignons non sans hâte.
Dans ce cortège on affirmait que la rue est à nous. Ambiance tendue et fraternelle. « Paris debout, soulève toi » résonnait poétiquement dans les rues.
La manifestation se terminait aux Invalides. Vaste esplanade bloquée à toutes les issues par la police, ce qui n’aide pas à la dispersion,n’est-ce pas ?. Et sur l’esplanade, ce fut l’apothéose pour les défenseurs de la loi « Travaille ! » : charges de police, canon à eau, nuages lacrymogènes couvrant sans cesse au moins une partie de la place. J’ai vu des centaines, des milliers de jeunes refuser de fuir devant la violence répressive (moi j’avais un peu mal au genou…). Les parisiens avaient connu ce type d’ exactions depuis la manifestation du Premier Mai, les autres apprennent vite. Ces violences policières orchestrées par le gouvernement, dont la Ligue des droits de l’homme fait un décompte effaré est tel que les dénommés « casseurs »sont protégés par les manifestants pacifiques et à mains nues.
Cette manifestation devant la manifestation officielle n’était pas une avant-garde, ni un défilé autonome; mille liens humains la faisaient être un détachement de l’immense cortège à la puissance joyeuse. Qui affirmait encore et encore que la rue est à nous. Qui affirmait lui aussi que le sinistre monde voulu par la loi Travail et la droite de Macron à Le Pen n’a pas triomphé.
Non, je n’ai pas oublié cette flaque de sang d’un camarade. Je n’oublierai pas les blessés de ce 14 juin. Je ne pardonnerai pas à ce gouvernement qui veut interdire les manifestations et criminalise les syndicalistes et des fractions de la jeunesse. S’il le faut, je sais que nous serons nombreuses et nombreux à témoigner à avoir été de ce cortège voué à la haine médiatique. Sans peur.
Pascal B, 16–06–2016
Entièrement d’accord pour l’avoir vécu avec 3 amis dont une a été blessée par une grenade de des encerclements devant Necker. Je trouve très simpliste la réaction des syndicats et politiques au sujet des jeunes qu’ils qualifient de « casseurs » pour se dédouaner devant les médias en reprenant leurs vocabulaires. Hugo Melchior a écrit aussi un article
http://www.revolutionpermanente.fr/Paris-Temoignage-de-deux-manifestants-dans-le-cortege-de-tete
Bon courage. Bernard Clément
Merci Bernard. Quand j étais adolescent dans les années 70, j entendais parler des casseurs et des gauchistes Marcellin. Puis j’ai rejoint les gauchistes, plus ou moins, car je voulais confusément déjà associer radicalité et mouvement de masse, autogestion dans son versant auto organisation et création nouvelles.
Bref employer le mot casseur je laisse ça aux éditorialistes, aux chefs des flics et au parti de Valls et Cazeneuve.
Eux ne se trompent pas d ennemi.
Ensuite on pourra critiquer entre nous telle ou telle pratique militante. Ce qui sera nécessaire.
https://gazettedebout.org/2016/06/19/selection-de-videos-de-la-manifestation-du-14-juin/