Survie: À Mayotte, les rêves de l’ex­trême-droite deviennent réalité

À Mayotte, les rêves de l’ex­trême-droite deviennent réalité

À Mayotte, les rêves de l’ex­trême-droite deviennent réalité

Le Rassem­ble­ment natio­nal (RN) en rêvait, la Macro­nie l’a fait. Ce mardi 8 avril, avec 162 voix pour et 9  contre, l’As­sem­blée natio­nale a défi­ni­ti­ve­ment adopté une loi restrei­gnant encore les condi­tions d’ob­ten­tion du droit du sol à Mayotte. Ce texte, porté par Les Répu­bli­cains (LR) et soute­nue par la majo­rité et les dépu­té·e·s RN, impose désor­mais que les deux parents résident sur le terri­toire français en situa­tion régu­lière depuis au moins un an à la nais­sance d’un enfant pour que celui-ci puisse prétendre à la natio­na­lité française – auto­ma­tique­ment à sa majo­rité, ou de façon anti­ci­pée à partir de treize ans.

Les dépu­té·e·s ayant voté cette loi invoquent bien évidem­ment la sempi­ter­nelle rengaine de l’im­mi­gra­tion illé­gale como­rienne à Mayotte, pour laquelle la pers­pec­tive d’ac­qué­rir la natio­na­lité française consti­tue­rait un « aimant » (Media­part, 7/02/2025). Les mêmes argu­ments avaient d’ailleurs été déployés en 2018, quand une loi votée sous les auspices du gouver­ne­ment macro­niste exigeait déjà que l’un des deux parents vive en France depuis au moins trois mois. Mais ce nouveau coup porté au droit du sol sur le terri­toire maho­rais consti­tue un effroyable « cheval de Troie de l’ex­trême-droite », comme le rappelle l’an­cienne ministre Domi­nique Voynet (Libé­ra­tion, 8/04/2025).

Depuis des années, le RN veut mettre fin au droit du sol sur l’en­semble du terri­toire français, et a déjà fait savoir qu’il voulait étendre cette mesure, en commençant par la Guyane. Une grande partie de la droite dite « répu­bli­caine » lui a emboîté le pas, à l’ins­tar du ministre de l’In­té­rieur Bruno Retailleau et d’Eric Ciotti, qui décla­rait, enthou­siaste : « Partout, sur le terri­toire natio­nal, nous devons suppri­mer le droit du sol ! » (Media­part, 23/10/2024). L’objec­tif, à peine voilé, est in fine de liqui­der le droit du sol au profit du seul droit du sang, sur fond de spectre de la « submer­sion migra­toire » et du « grand rempla­ce­ment », deux concepts d’ex­trême-droite qui ne laissent pas indif­fé­rente la majo­rité prési­den­tielle.

Une fois encore, les colo­nies, appe­lées pudique­ment terri­toires d’Outre-mer aujourd’­hui, se voient infli­ger les poli­tiques les plus abjectes, avec des consé­quences drama­tiques. La première, c’est l’éla­bo­ra­tion perpé­tuelle d’un véri­table droit d’ex­cep­tion, dans la plus pure tradi­tion colo­niale, qui va de la rédac­tion du Code noir sous Louis XIV aux arrê­tés préfec­to­raux auto­ri­sant l’usage du chlor­dé­cone aux Antilles (Billets d’Afrique n°331, 10/2023). La seconde, c’est l’ex­pé­ri­men­ta­tion d’at­teintes aux droits contre des popu­la­tions en dehors de l’Hexa­gone qui peuvent ensuite y être impor­tées, comme le détri­co­tage du droit du sol aujourd’­hui ou le « main­tien de l’ordre » hier (comme la créa­tion de la BAC par Pierre Bolotte, passé par l’In­do­chine, l’Al­gé­rie et la Guade­loupe).

Si l’élar­gis­se­ment de cette mesure à l’en­semble du terri­toire reste pour l’heure un (dange­reux) fantasme de toutes les droites, la nouvelle loi aura rapi­de­ment des consé­quences concrètes et désas­treuses pour la vie des Como­rien·­ne·s de Mayotte, comme la loi de 2018 avant elle (Media­part, 21/05/2025). Pour des milliers d’entre eux et elles, souvent très jeunes, c’est une porte claquée dans la figure et la menace constante d’être expul­sé·e·s aux Comores. Un pays qu’ils et elles ne connaissent souvent pas, après avoir vécu toute leur vie dans le 101e dépar­te­ment français, plus que jamais dans la tour­mente.

Nico­las Butor & Benoît Godin

https://survie.org/billets-d-afrique/2025/347-mai-2025/article/le-rassem­ble­ment-natio­nal-rn-en-revait-la

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