Tribune libre « Nous pleu­rons les victimes des massacres en Israël et en Pales­tine »

Ceci est un texte daté du 10 octobre, un texte des « Juives et Juifs révo­lu­tion­naires », un petit groupe dont nous ne connais­sons pas person­nel­le­ment les mili­tant.es. Un texte Que je choi­sis de publier ici.

PB, 14–10–2023.

https://blogs.media­part.fr/juives-et-juifs-revo­lu­tion­naires/blog/101023/nous-pleu­rons-les-victimes-des-massacres-en-israel-et-en-pales­tine?utm_source=global&utm_medium=social&utm_campaign=SharingApp&xtor=CS3–5

(…) On ne peut pas appor­ter « son soutien aux moyens de luttes que les Pales­ti­nien·nes ont choisi pour résis­ter » (commu­niqué du NPA du 7 octobre) quand ces derniers sont des meurtres de masse de civils, des enlè­ve­ments, et des assas­si­nats d’hommes, femmes, enfants et vieillards. Encore moins lorsque ces meurtres sont mis en scène sous formes de spec­tacles glorieux de déca­pi­ta­tions, d’ex­po­si­tions de cadavres, de sévices et d’hu­mi­lia­tions infli­gées à des corps désin­car­nés. Ceci est le macabre résul­tat d’une opéra­tion indis­cri­mi­née sur des Juif·ves et toute personne se trou­vant sur leur passage, ne visant aucune cible stra­té­gique, mili­taire ou écono­mique. Parmi les victimes nous déplo­rons des jeunes parti­ci­pant à une rave party, des mili­tant⋅es pour la paix, des anar­chistes contre le mur, des travailleurs déta­chés thaï­lan­dais, et bien d’autres.

Les réac­tions de soutien au Hamas sonnent comme une justi­fi­ca­tion ignoble des crimes de guerre anti­sé­mites perpé­trés sur des victimes dont le carac­tère civil est dénié tant par le Hamas que par ses relais dans une partie des gauches occi­den­tales. Le déni du carac­tère civil des victimes est le pivot idéo­lo­gique et argu­men­ta­tif du Hamas qui consi­dère l’en­semble des Juif·ves israé­lien·nes comme des colons et de ce fait comme cibles légi­times.

Cette assi­mi­la­tion perni­cieuse des Juif·ves aux israé­liens et aux colons rend chaque assas­si­nat et chaque enlè­ve­ment accep­table. Cheikh Yassine, fonda­teur du Hamas disait à ce propos : « Tout juif est une cible et peut être tué. ». La logique exter­mi­na­trice menée par le Hamas a un seul objec­tif : la mise en fuite des israé­lien·nes. Le message du Hamas est clair : « rentrez-chez vous ». Mais où est ce « chez eux » supposé ? Il est pour­tant clair que personne ne partira de cette partie du Moyen-Orient, même lorsqu’il s’em­brase : israé­lien·nes et pales­ti­nien·nes n’ont nulle part où partir.

Cette violence, celle qu’une partie des gauches justi­fie, a des consé­quences pour toustes les Juif·ves de diaspora.

Depuis la seconde inti­fada de 2000, chaque épisode de tension au Moyen-Orient, là-bas, est suivie d’une impor­ta­tion d’hos­ti­li­tés iden­ti­taires ici, et se traduit par une vague d’actes anti­sé­mites. Certain·es renoncent avec déchi­re­ment à porter leurs signes reli­gieux : kippa, étoile de David et mezzouza à l’en­trée de leur habi­ta­tion. Déjà des dizaines d’actes anti­sé­mites ont été recen­sés depuis ce week-end, alors que sur les réseaux sociaux, où des posts glori­fiant les massacres recueillent des centaines de milliers de likes, l’at­mo­sphère est irres­pi­rable. Tout anti­ra­ciste consé­quent devrait s’en alar­mer et se tenir aux côtés des Juifs et des Juives.

On peut et on doit condam­ner la poli­tique du gouver­ne­ment israé­lien et ses crimes envers les Pales­ti­nien·nes sans faire l’apo­lo­gie des crimes de guerre du Hamas. On peut dénon­cer l’in­vi­si­bi­li­sa­tion des souf­frances pales­ti­niennes sans effa­cer et nier celles des victimes civiles israé­liennes. C’est possible. Et c’est la seule voie dans laquelle peut s’ho­no­rer la gauche. Nous saluons à ce titre la prise de posi­tion claire du député LFI Rodrigo Arenas. Toutes celles et ceux qui glori­fient le Hamas, sans s’in­té­res­ser aux infa­mies anti­sé­mites dont est faite leur charte [https://fr.wiki­pe­dia.org/wiki/Charte_du_Hamas#Anti­sé­mi­tisme], sans prendre en compte leurs méthodes crimi­nelles, y compris à l’égard des popu­la­tions pales­ti­niennes sous leur contrôle, affirment une pseudo radi­ca­lité poli­tique plus qu’ils n’œuvrent à la lutte pour un monde débar­rassé de toutes ses oppres­sions.

Rappe­lons enfin que les règles inter­na­tio­nales comme la conven­tion de Genève ne sont pas des caprices bour­geois, mais des avan­cées sociales majeures visant à proté­ger en temps de guerre celles et ceux qui en ont le plus besoin, civil·es et prison­nier·es, et dont il n’est abso­lu­ment pas souhai­table de s’abs­traire. Soute­nir le Hamas, le Djihad Isla­mique ou le Hezbol­lah, tous finan­cés par l’Iran des ayatol­lahs, ce n’est pas faire acte d’un soutien héroïque aux Pales­ti­nien·nes qui souffrent, c’est envoyer un message des plus funestes à toute personne juive, en lui expliquant qu’elle et ses proches ou loin­tains semblables qui ont fait l’af­front de respi­rer, ne méritent pas de conti­nuer à le faire.

En Israël vivent une majo­rité de personnes réfu­giées ou issues de familles réfu­giées. Sionistes ou non, c’est la néces­sité élémen­taire d’ha­bi­ter quelque part qui les a amenés là.

Réfu­gié·es après la Shoah quand la plupart des pays leur fermaient les fron­tières. Réfu­gié·es deve­nus apatrides après la guerre de 1948 et les expul­sions d’Égypte, d’Irak, de Syrie, du Liban, du Yémen… Ainsi, réduire l’en­semble des Israé­lien·nes à des colons pour justi­fier leur assas­si­nat est une simpli­fi­ca­tion de l’his­toire de l’an­ti­sé­mi­tisme, de la persé­cu­tion millé­naire des Juif·ves et de ses consé­quences. Aujourd’­hui, la plupart des israé­lien·nes sont des sabra, né·es en Israël, c’est leur pays et iels n’en ont pas d’autres. 

Oui, la créa­tion d’Is­raël a aussi été le fruit de pratiques colo­niales et elle a eu pour consé­quence la Nakba pour les Pales­ti­nien·nes. Oui, elle est aussi carac­té­ri­sée par la colo­ni­sa­tion et l’oc­cu­pa­tion brutale de la Cisjor­da­nie et le blocus de Gaza, qui plus est sous le gouver­ne­ment d’ex­trême droite actuel. Mais cela ne peut justi­fier une déshu­ma­ni­sa­tion des popu­la­tions israé­liennes. Regar­der en face la respon­sa­bi­lité de l’an­ti­sé­mi­tisme, d’où qu’il vienne, dans la situa­tion actuelle impose de sortir des sché­mas simplistes. Regar­der l’en­semble de ces réali­tés en face, des malheurs qui s’ajoutent et ne se compensent pas les uns les autres, est le seul chemin de la justice. Déshu­ma­ni­ser les Israé­lien·nes n’est pas plus accep­table que déshu­ma­ni­ser les Pales­ti­nien·nes. Derrière les morts il y a des familles et des proches qui pleurent chaque jour. Et derrière les mots d’ordre et les slogans accro­cheurs, se trouvent des violences inouïes qui ne peuvent se comprendre que par l’écoute et l’hu­mi­lité.

Les trau­ma­tismes ne s’an­nulent pas, ils ne font que s’ac­cu­mu­ler.

Si les événe­ments sont trau­ma­tiques pour beau­coup de monde, notam­ment dans la mino­rité juive, il reste néces­saire de conser­ver une atti­tude soli­daire égale­ment envers les souf­frances du peuple pales­ti­nien, victime de l’oc­cu­pa­tion, du colo­nia­lisme et de la guerre depuis plusieurs décen­nies. Les trau­ma­tismes ne s’an­nulent pas, ils ne font que s’ac­cu­mu­ler. Se réjouir ou justi­fier le massacre en cours à Gaza n’est pas accep­table, et ne le sera jamais. (…)

Les bombar­de­ments israé­liens sont en train de tout raser, ne soyons pas aveugles, ce sont des piles de cadavres de pales­ti­nien·nes qui se trouvent dessous. Ce sont des milliers de Pales­ti­nien·nes qui ont été tué·es ces dernières années, parmi lesquels de nombreux enfants et des civils, qui ne méri­taient pas non plus de mourir mais de vivre libres et en paix, loin de la guerre, des chars de l’ar­mée israé­lienne comme des assas­sins du Hamas. Et trop souvent, leur mort n’a donné lieu en Europe qu’à du silence et de l’in­dif­fé­rence. Ce sont aujourd’­hui deux millions de Pales­ti­nien·nes qui vivent dans des condi­tions inac­cep­tables dans une ville, Gaza, qui n’est qu’une prison à ciel ouvert. Nous ne pouvons pas accep­ter leur déshu­ma­ni­sa­tion non plus. La fuite en avant mili­ta­riste et le main­tien du statu quo colo­nial n’est pas une solu­tion mais une vision de cauche­mar qui ne pourra mener qu’à un enfer pire encore.

Beau­coup de proches de victimes pleurent en ce moment, des proches juif·ves, des proches pales­ti­nien·nes, des proches israé­lien·nes, et nous ne voyons pas ce qu’il y a à célé­brer face à leurs deuils. Une logique morti­fère traverse l’en­semble du spectre poli­tique : celle qui présente ces morts comme un mal néces­saire. Un vrai projet de gauche est de penser la déses­ca­lade et le droit à l’éga­lité pour tous ceux et celles qui habitent cette terre. A l’in­verse, les extrêmes droites fasci­santes espèrent une guerre de civi­li­sa­tions et se réjouissent des massacres en cours. (…)

Ne confon­dons pas la pulsion de vie expri­mée par celles et ceux qui, en Israël comme en Pales­tine, luttent pour la paix, la justice et la démo­cra­tie avec les pulsions de morts dési­rées par le Hamas et l’ex­trême droite israé­lienne.

Juives et Juifs Révo­lu­tion­naires, mardi 10 octobre 2023

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