Sans présager des effets de cette « participation citoyenne » et de son influence sur le contenu du projet de loi à venir, l’ACEVE a décidé de contribuer, à son niveau, à ce débat afin de montrer au moins aux décideurs publics que ses adhérents s’intéressent plus que jamais aux enjeux énergétiques et climatiques et restent mobilisés sur ces sujets.
Le texte suivant rappel le cadre national du débat et présente une version provisoire de notre contribution collective que chacun d’entre vous a la possibilité de commenter et d’amender d’ici à la fin du mois de mai, date à laquelle les différentes contributions seront recueillies au niveau régional par les services de l’état. Texte officiel du Ministère du 24 janvier 2013 (mis à jour le 8 février 2013)
Pour engager pleinement le pays dans la transition énergétique, le débat doit faire émerger un projet de société autour de nouveaux modes de vie sobres et efficaces en énergie. Cet enjeu sur le fond est indissociable d’une réussite du débat comme processus démocratique. Le processus devra produire les bases d’une stratégie de transition énergétique pour le pays :
– Construire un accord solide sur une trajectoire cohérente de transition énergétique conforme aux engagements, et précisant les points de passage à la fin de la mandature en 2017, 2020, 2025 et 2050. – Produire des recommandations pour l’élaboration de la « loi de programmation de la transition énergétique », pour préciser les politiques et mesures nécessaires à la mise en œuvre de la transition énergétique.
La dynamique du débat
La conférence environnementale a arrêté quatre questions autour desquelles le débat s’articule. Ces questions, formulées dans la feuille de route pour la transition écologique, sont les suivantes :
– Comment aller vers l’efficacité énergétique et la sobriété ?
– Quelle trajectoire pour atteindre le mix énergétique en 2025 ?
– Quel type de scénarii possibles à horizon 2030 et 2050, dans le respect des engagements climatiques de la France ?
Quels choix en matière d’énergies renouvelables et de nouvelles technologies de l’énergie et quelle stratégie de développement industriel et territorial ?
– Quels coûts et quel financement de la transition énergétique ?
http://www.transition-energetique.gouv.fr/
Contribution au débat de la transition énergétique par l’ACEVE
(Version du 12/04/2013)
Introduction
Les problèmes planétaires conjugués du réchauffement climatique, de la pollution et de la gestion des ressources d’énergies fossiles obligent les pays à modifier leur politique énergétique. La transition énergétique sera particulièrement délicate pour la France qui doit affronter deux problèmes majeurs : la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’une part et l’arrêt de la production des déchets nucléaires d’autre part. Consommer moins d’hydrocarbures (charbon, gaz, fuel, essence) et fermer les centrales nucléaires impose de sérieuses mesures orientées simultanément vers des économies d’énergie et le développement rapide des énergies renouvelables. Les économies d’énergie résulteront des progrès réalisés en matière de sobriété et d’efficacité. Elles permettront à moyen terme de dégager des marges de manœuvre pour le financement de la transition énergétique proprement dite (décarbonation de l’économie) dans un contexte de restriction durable des finances publiques comme privées. La nature nous fournit de l’énergie sous forme de stock (hydrocarbures, bois) et de flux sous des formes diverses : éolien, solaire, marées, hydraulique, géothermie, biomasse etc. A nous de savoir les capter pour les trans- former en chaleur ou en travail. L’homme ne peut pas créer l’énergie, il ne sait que la transformer.
Le nucléaire ne constitue pas une solution d’avenir, mais plutôt un problème à quatre facettes :
– les ressources de la terre en uranium seront bientôt épuisées (80 ans environ)
– le fonctionnement des centrales présente des dangers majeurs (Tchernobyl, Fukushima…)
– les déchets produits sont indestructibles et très dangereux (plutonium).
– la filière nucléaire capte d’énormes crédits de recherche et de développement qui font défaut au secteur des énergies renouvelables.
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La France doit relever le défi de sortir du nucléaire sans avoir recours aux énergies de stock que sont les hydrocarbures pour le remplacer.
Le débat
En application de ces principes, l’ACEVE répond aux quatre questions qui cadrent le débat national sur la transition énergétique organisé par le Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie et propose des pistes de réflexion.
Comment aller vers l’efficacité énergétique et la sobriété ?
L’ évolution des modes de vie, de production, de consommation, de transport ainsi que des services énergétiques nécessaires doit constituer le point de départ :
– développer l’habitat basse consommation (BBC) ou passif, l’isolation des bâtiments existants,
– favoriser les fabrications locales d’isolants naturels (fibres, laines, ouates, panneaux…) pour baisser les coûts,
– limiter l’extension urbaine et, à travers les règlements d’urbanisme, obliger à redensifier les villes, à développer des pôles urbains de proximité (regroupant, à l’échelle de quartier, habitat, entreprises, services et commerces),
– accroître les transports en commun à bas coût (TER, bus) et limiter les lignes LGV, TGV… et en réduire la vitesse,
– réduire les espaces urbains dédiés à la voiture individuelle (voies de circulation, parkings), en démocratisant l’auto partage, le covoiturage, et en levant le tabou sur le télétravail,
– multiplier les pôles de transferts multimodaux, en développant la billetterie et la tarification unique intermodale, et faciliter l’accès à ces pôles aux abonnés des transports collectifs ou partagés ou écologiques (stationnements réservés aux covoitureurs, aux cyclistes, et aux abonnés des transports en commun,
– revenir au fret par trains, péniches, ferroutage, par conteneurs normalisés. Réduire le transport routier au strict minimum,
– abaisser les limitations de vitesses sur routes et autoroutes,
– développer des transports hybrides : fuel/voile pour bateaux, essence/électricité etc.
– éviter les surproductions génératrices de surconsommation, de gâchis des ressources naturelles,
– mettre en œuvre des politiques foncières permettant le développement d’une agriculture de proximité et des circuits courts alimentaires,
– obliger à une véritable traçabilité des produits alimentaires et à une information exhaustive et transparente du consommateur sur l’origine des produits, en développant l’étiquetage énergétique et environnemental,
– généraliser l’éducation à l’environnement et aux économies d’énergie à l’école,
– limiter les gaspillages et les surconsommations en levant les freins juridiques au développement des bourses locales du don et des systèmes d’échanges locaux ; imposer les systèmes de consigne sur des emballages recyclables comme le verre ; développer la collecte sélective des bio déchets et le compostage ; durcir les normes de qualité pour lutter contre l’obsolescence programmée et enfin sortir de l’idéologie et de la pensée unique de la « croissance » comme seul horizon pour le « développement durable » de la société.
Quelle trajectoire pour atteindre le mix énergétique en 2025 ? Quel type de scénarios possibles à horizon 2030 et 2050, dans le respect des engagements climatiques de la France ?
Nos propositions:
– développement des énergies renouvelables : éolien, solaire, géothermique, marée-motricité, hydraulique, bio- masse…
– réalisation d’économies d’énergie électrique : éclairages publics et privés (vitrines de magasins la nuit, publicités lumineuses et motorisées), chauffage de bâtiments.
– Remplacement des vieux matériels à faible rendement.
– fermeture programmée des centrales nucléaires au fur et à mesure des résultats des deux actions précédentes.
Quels choix en matière d’énergies renouvelables et de nouvelles technologies de l’énergie et quelle stratégie de développement industriel et territorial
Nous proposons de :
– développer en France les « transformateurs » d’énergie (éoliennes, panneaux solaires, etc..) de proximité, pour une consommation locale ; les répartir sur l’ensemble du territoire, comme les châteaux d’eau,
– rapprocher les sites industriels des « transformateurs » d’énergies,
– développer d’autres modes de stockage d’énergies : pneumatique, lacs d’altitude,
– réhabiliter les techniques de captage d’énergie au fil de l’eau (dans les régions montagneuses),
– former les professionnels du bâtiment (urbanistes, architectes, entrepreneurs, artisans) aux techniques des économies : isolation, exposition, chauffage et éclairage direct par le soleil,
– éduquer et orienter les élèves techniciens et ingénieurs vers la transition énergétique,
– soutenir la recherche pour stocker l’énergie : batteries électriques, air comprimé…
– mettre au point des chargeurs de batteries à partir du photovoltaïque,
– renforcer les compétences des collectivités locales en matière d’énergie et de réseaux. Le développement industriel et territorial orienté vers les énergies renouvelables aurait pour effet de créer beaucoup d’emplois et de ressources. Les éoliennes que nous montons actuellement en France sont importées d’Espagne ou d’Allemagne, ce qui pénalise notre balance des paiements et alourdit la dette. Les panneaux solaires sont importés de Chine. La France doit rattraper le retard qu’elle a pris dans le domaine de la fabrication des « transformateurs » d’énergies renouvelables.
Quels coûts et quel financement de la transition énergétique ?
Le financement de la recherche et du développement énergétique de l’avenir pourrait se faire sans coûts supplémentaires si on renonçait aux programmes EPR, ITER, ASTRID, bombes atomiques, LGV Poitiers-Limoges, aéroport Notre-Dame-Des-Landes… ou tout autre projet dont l’utilité nous semble contestable. Nous estimons que :
– l’EPR n’est pas une technologie rentable et conduit la filière dans une impasse financière,
– ASTRID, les réacteurs de 4ème génération sont le rêve du savant mais le cauchemar de l’ingénieur, car on ne sait pas faire. Super phénix renaîtrait-il de ses cendres ?
– ITER : la fusion est pure utopie, juste utile à gaspiller les crédits de la recherche,
– les bombes atomiques, la LGV Poitiers-Limoges, l’aéroport NDDL sont parfaitement inutiles et très coûteux.
L’adoption de comportements plus sobres en énergie génère immédiatement des marges de manœuvre financières à des coûts de transition limités voire nuls.
Cette contribution collective sera portée courant juin à la connaissance des élus (députés, conseillers régionaux) et du Préfet.
Jacques Terracher et François Nivault.
(Paru dans « La feuille » de l’ACEVE et à la Région, au ministère, et déposé à un colloque organisé par la CFDT.)
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