La 28ème Conférence des Parties sur le Climat de l’ONU (COP 28) se déroule en ce moment à Dubaï jusqu’au 12 décembre. Cette COP 28 suscite beaucoup d’attentes, car elle doit aboutir au premier bilan mondial des engagements que les États ont pris lors de l’accord de Paris. Elle intervient à un moment où les citoyens sont de plus en plus conscients et victimes des dérèglements climatiques avec la succession de sécheresses, canicules, incendies de forêt, tempêtes et inondations. Je reviens dans cet note de blog sur les enjeux de cette COP.
Une COP sous influence
Cette COP n’a pas lieu sous les meilleurs auspices. Le choix de Dubaï est en soi problématique. Les Émirats arabes unis sont le 7ème pays producteur, avec environ 4 millions de barils de pétrole brut par jour ! Le président de la COP n’est autre que le Sultan Al Jaber, PDG de ADNOC la principale compagnie pétrolière émiratie, qui profite du sommet pour vendre du pétrole.
Tout un symbole !
Les ouvriers qui ont construit les installations de la COP 28 ont travaillé dans des conditions inhumaines à plus de 40°C. Enfin, la COP est sous influence des lobbys du pétrole qui sont passés de 15 à Kyoto en 1995 à 2500 à Dubaï aujourd’hui. Et Joe Biden le président du principal pays responsable du changement climatique a choisi de ne pas assister à cette COP 28.
De quoi désespérer plus d’un écologiste !
D’autant plus que les engagements actuels des pays, dont on peut douter qu’ils soient tenus, sont largement insuffisants. Ils permettraient une baisse de 2% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 2019, au lieu des 43% préconisés par le GIEC, si on veut limiter le réchauffement à 1,5 °C.
Cette COP est néanmoins l’occasion d’analyser les verrous de notre inaction climatique à l’échelle mondiale.
La justice climatique
Tout d’abord, il faut toujours rappeler que la dette climatique est inégalement répartie entre les pays du Sud et les pays du Nord et au sein de chaque pays entre les plus riches et les plus pauvres. Les États-Unis cumulent à eux seuls 20% des émissions depuis 1850. La France a une responsabilité non négligeable, car elle est 12ème dans ce classement de la dette climatique1, alors qu’elle est le 22ème pays selon la taille de sa population. Les plus riches sont largement responsables de cette dette climatique. Les 1 % les plus riches émettent plus de CO2 que les 5 milliards les plus pauvres de la planète.
Il est donc impossible de faire accepter aux pays les plus pauvres et aux citoyens les moins riches un changement nécessaire de nos modes de vies et de consommation, si les plus riches ne montrent pas l’exemple. D’où l’importance de l’exemplarité concernant les biens et les loisirs de luxe. C’est pour cette raison que cet été j’ai déposé une proposition de loi sur la taxation des activités de croisière et des yachts de luxe. C’est pour cette raison que je suis intervenu avec d’autres à l’Assemblée nationale contre l’hérésie que constitue l’explosion du marché des jets privés.
La question de la justice climatique est donc essentielle, pour que des pays comme l’Inde ou la Chine fassent les efforts nécessaires. Or les pays développés n’ont pas tenu leur engagement. Pour rappel, sous l’égide de la Convention des Nations unies sur la lutte contre le changement climatique (CNUCC), les pays riches, principaux responsables historiques des émissions de gaz à effet de serre, s’étaient engagés en 2009 à porter à 100 milliards de dollars par an leur aide climatique d’ici 2020. Or le rapport publié par Oxfam en 2023 montre que si les pays donateurs affirment avoir mobilisé 83,3 milliards de dollars en 2020, la valeur réelle de leurs dépenses s’élève tout au plus à 24,5 milliards de dollars2.
La France est par ailleurs selon le même rapport mauvaise élève en matière de dons. Bien qu’elle fournisse des montants relativement élevés en valeur absolue, notre pays est le pire élève concernant sa part de dons dans ses financements bilatéraux, avec seulement 7% de ses financements fournis sous forme de dons. 93% de notre aide est sous forme de prêts à rembourser !
La France pas à la hauteur
Contrairement à ce qu’assène le président de la République, la France n’est pas à la hauteur des enjeux. Les chiffres sont têtus. L’empreinte carbone de la France est passée de 9.1 tC/habitant en 2016 (610 Mt en tout) à 9.2t en 2022 (623 Mt)3. Avec 19.3% d’énergies renouvelables4, la France, n’avait pas atteint en 2023, les objectifs fixés par une directive européenne pour 2020, de 23 % d’énergies renouvelables dans notre mix énergétique. Pire, la France continue de soutenir l’extraction d’énergies fossiles, notamment à La Teste-de-Buch près d’Arcachon, où le groupe canadien Vermilion prévoit de forer huit nouveaux puits de pétrole5. Notre pays continue de soutenir TotalEnergies qui a annoncé le développement d’un projet pétrolier géant pour exploiter 200 000 barils par jour au Suriname6 et dont les projets en Tanzanie et Ouganda7 constituent de véritables bombes climatiques8.
Au contraire, il faut réduire drastiquement notre consommation d’énergies fossiles, avec un moratoire sur tous les nouveaux projets d’extraction. En mai 2021, l’Agence International de l’Energie (AIE) lançait déjà un avertissement explosif : « Aucun nouveau projet de champs gaziers et pétroliers n’est nécessaire au-delà de ceux qui ont déjà été approuvés en vue de leur développement ».
Rien ne va dans la politique du gouvernement, ni dans les annonces d’Emmanuel Macron à la COP 28, centrées essentiellement sur le renforcement du nucléaire.
Au lieu d’aider les agriculteurs qui se convertissent à une agriculture écologique, il renonce à taxer les pesticides et prolonge l’usage du glyphosate.
Au lieu de développer massivement les transports en commun, il promeut la voiture individuelle électrique, avec une prolifération nucléaire incontrôlée et avec un système de sûreté mis à mal par la fusion entre l’IRSN et l’ASN.
Au lieu de favoriser le fret ferroviaire dont la part dans le transport de marchandises a chuté de 70% depuis 19849, il organise méthodiquement le démantèlement de Fret SNCF, comme je l’ai dénoncé la semaine dernière dans une question au gouvernement.
Au lieu de lancer un plan de rénovation globale des logements et des écoles, il propose des dispositifs insuffisants comme « MaPrimRénov’ » souvent dévoyés, quand ce ne sont pas des arnaques pures et simples10.
Au lieu d’organiser la relocalisation de notre économie, il continue de signer des accords de libre-échange, le dernier en date avec la Nouvelle Zélande, il fait l’éloge du « black Friday » et de la société de consommation.
Vite taxer les riches pour engager une planification écologique
Il faut engager de façon urgente une bifurcation écologique ambitieuse qui révolutionne nos modes de production et de consommation. Les solutions sont connues, mais il faut une volonté politique et des moyens pour les mettre en place. Les moyens peuvent être obtenus en taxant plus les profits des grandes entreprises et nos concitoyens les plus riches. Taxer les riches, c’est par ailleurs bon pour le climat, car cela réduit les loisirs et consommations superficielles climaticides comme les jets privés et les yachts de luxe.
De l’argent pour la justice sociale et la justice climatique, il y en a.
Il y a presque 3 millions de millionnaires en France. Les 10 plus grandes fortunes françaises ont augmenté de 183 milliards leur fortune depuis 2020 ! 46 milliards d’euros ont été versés en dividendes aux actionnaires du CAC 40 en 2022.
Une juste répartition des richesses permettrait d’engager la planification écologique dont nous avons besoin.
Un gouvernement rassemblant la gauche et les écologistes pourrait vraiment aider les agriculteurs qui changent leurs pratiques vers une agriculture plus écologique adaptée au changement climatique.
Un gouvernement rassemblant la gauche et les écologistes pourrait relocaliser l’économie en taxant les biens selon leur empreinte écologique et sociale.
Un gouvernement rassemblant la gauche et les écologistes pourrait planifier la rénovation globale des bâtiments en commençant par les écoles, les universités et tous les bâtiments publics et en poursuivant par un état des lieux assuré par des agents assermentés par l’État dans toutes les communes.
Un gouvernement rassemblant la gauche et les écologistes pourrait développer massivement les transports en commun et les mobilités douces, en augmentant l’offre et en tendant vers la gratuité.
Un gouvernement rassemblant la gauche et les écologistes pourrait développer massivement les énergies renouvelables en concertation avec les populations concernées.
Un gouvernement rassemblant la gauche et les écologistes pourrait multiplier les accords bilatéraux pour aider les pays du Sud à adapter leur économie et proposer un grand forum social écologique mondial rassemblant ONG et syndicats pour mettre en œuvre ensemble des solutions.
Comme pour la guerre en Israël et le Hamas, le gouvernement et le président ne sont pas à la hauteur des enjeux à l’échelle de la planète.
La gauche et les écologistes doivent se rassembler pour montrer qu’un autre chemin est possible plus juste socialement et écologiquement.
[1] https://www.carbonbrief.org/analysis-which-countries-are-historically-responsible-for-climate-change/
[2] https://www.oxfamfrance.org/rapports/2023-les-vrais-chiffres-des-financements-climatiques/
[3] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-carbone-de-la-france-de-1995–2021
[4]https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/CGDD_A6_CHIFFRES_CLES_EnR_2022_v3_010922_GB_signets.pdf
[5] https://www.liberation.fr/environnement/climat/feu-vert-pour-huit-nouveaux-forages-petroliers-contestes-en-gironde-20231121_756KG6FD4BG6FDE7BSUTBYQ62I/
[6] https://www.liberation.fr/environnement/climat/total-se-lance-dans-un-projet-petrolier-a-9-milliards-de-dollars-au-suriname-20230914_3ZQXYGLVHRBZPG2ZQNUC2O2WLY/
[7] https://reporterre.net/L-Etat-francais-soutien-indefectible-de-Total-en-Ouganda
[8] https://www.radiofrance.fr/franceinter/projet-petrolier-de-total-en-ouganda-et-en-tanzanie-enquete-sur-une-bombe-climatique-6820674
[9] https://lvsl.fr/la-longue-agonie-du-fret-ferroviaire/
[10] https://www.francetvinfo.fr/economie/fraude/maprimerenov-quand-une-partie-de-l-argent-public-s-envole-a-l-etranger_6073104.html