Vaccins Covid : biens communs et issue possible à la crise ou source de profits infi­nis pour Big Pharma ?

Voici la troi­sième note du groupe de réflexion sur la crise sani­taire, lié à Ensemble! insou­mis et à Ensemble!

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le commu­niqué précé­dant était:

Voici donc le commu­niqué en date du 31 janvier:

La pandé­mie du Sars-Cov2 et les enjeux autour de la vacci­na­tion illus­trent l’in­ca­pa­cité du système capi­ta­liste néoli­bé­ral à répondre aux besoins de santé des popu­la­tions. Sa faillite est écla­tante dans la crise majeure que nous affron­tons.

Les entre­prises du Big Pharma ne sont pas des entre­prises philan­thro­piques. Leur objec­tif prio­ri­taire est de faire un maxi­mum de béné­fices afin de main­te­nir les divi­dendes de leurs action­naires. Cela va de l’or­ga­ni­sa­tion de la produc­tion jusqu’à la négo­cia­tion des meilleurs prix avec les pouvoirs publics sur un marché du médi­ca­ment rendu solvable par les systèmes de protec­tion sociale quand ils existent.

C’est au nom de ces objec­tifs que ces entre­prises déve­loppent leur stra­té­gie de recherche de la renta­bi­lité à court terme :

-Déve­lop­pe­ment de la sous-trai­tance et produc­tion à flux tendu entrai­nant régu­liè­re­ment des ruptures d’ap­pro­vi­sion­ne­ment des phar­ma­cies.

-Délo­ca­li­sa­tions, à la recherche d’une baisse des couts de produc­tion

– Recherche sacri­fiée avec la ferme­ture par exemple de nombreux centres de recherche chez Sanofi ces dernières années, et jusque tout récem­ment, tout en empo­chant les fameux crédits d’im­pôts recherche et déve­lop­pe­ment.

C’est la même logique que les gouver­ne­ments néoli­bé­raux appliquent à la recherche publique, finançant s’il y a un espoir de profit à court terme, mais coupant les vivres si celui-ci s’éloigne. A l’exemple de la recherche de l’équipe du profes­seur Canard sur… les coro­na­vi­rus dans les années 2010.

Pour assu­rer leurs profits les entre­prises du médi­ca­ment disposent de nombreux leviers. Elles agissent sur les auto­ri­tés sani­taires auprès desquelles – quand ce n’est pas direc­te­ment en leur sein ! – elles exercent un lobbying intense en s’ap­puyant sur des profes­sion­nels ayant travaillé pour elles et se trou­vant en posi­tion carac­té­ri­sée de conflit d’in­té­rêt. On le voit dans les pres­sions exer­cées pour ralen­tir les enquêtes de phar­ma­co­vi­gi­lance, étouf­fer les alertes comme l’a montré l’af­faire du Média­tor ou échap­per à leur respon­sa­bi­lité avec plus récem­ment l’af­faire de la Dépa­kine chez les femmes enceintes. Elles entre­tiennent aussi tout un réseau de rela­tions avec les cabi­nets minis­té­riels, des hommes et des femmes poli­tiques, et des profes­sion­nels faisant parfois des allers et retours entre le privé et le public.

Le cœur de ce système c’est le régime de la propriété intel­lec­tuelle qui garan­tit pour au moins 20 ans, au travers des brevets, l’ex­clu­si­vité de produc­tion et de commer­cia­li­sa­tion et offre ainsi une arme déci­sive au moment de la négo­cia­tion des prix notam­ment pour les trai­te­ments consti­tuant une réelle avan­cée théra­peu­tique. Ce fut le cas par exemple pour le trai­te­ment du portage chro­nique de l’ hépa­tite C en 2014 qui fut mis sur le marché en France pour la somme de 42 000 euros après négo­cia­tion. Et pour couron­ner le tout c’est main­te­nant le secret des affaires que les labos ont obtenu en impo­sant la confi­den­tia­lité sur les contrats négo­ciés pour les vaccins alors qu’il s’agit d’argent public qui échappe ainsi à tout contrôle parle­men­taire.

Face à ce dispo­si­tif, les gouver­ne­ments et les Etats sont impuis­sants s’ils respectent ces règles et le plus souvent complices quand ils orga­nisent la défense des inté­rêts écono­miques et finan­ciers des labo­ra­toires phar­ma­ceu­tiques. Le gouver­ne­ment Macron en donne une illus­tra­tion écla­tante.

Ainsi en juillet 2018, les entre­prises françaises du médi­ca­ment ne pouvaient cacher leur joie expri­mée dans un commu­niqué pour « saluer l’es­prit de réforme qui anime le gouver­ne­ment » dans les mesures annon­cées par Edouard Philippe et présen­tées au conseil stra­té­gique des indus­tries de santé…

Il n’est plus possible de lais­ser à des inté­rêts privés le soin de répondre à des besoins collec­tifs univer­sels. Les produits de santé, les médi­ca­ments, les vaccins doivent être recon­nus comme des biens communs de l’hu­ma­nité, comme un bien public partagé, de la recherche à la produc­tion et la distri­bu­tion. Les récents déve­lop­pe­ments sur les vaccins Covid de Pfizer-Bion­tech l’in­diquent clai­re­ment : proté­gée derrière un brevet cette entre­prise s’avère inca­pable d’ho­no­rer les commandes passées et tandis que des chaînes de produc­tion suscep­tibles d’être mobi­li­sées restent à l’ar­rêt. Pendant ce temps le virus conti­nue de circu­ler et les variants risquent de se multi­plier.

Là où il faudrait déve­lop­per la coopé­ra­tion et l’en­traide, entre les pays et les peuples, c’est la concur­rence morti­fère qui règne et les inéga­li­tés qui se creusent entre pays riches et pays pauvres ou émer­gents (Inde, Brésil…). Comme si le virus respec­tait les fron­tières. Que ce soit du point de vue éthique ou du point de vue de l’ef­fi­ca­cité dans la lutte contre le virus, le quasi-mono­pole sur les commandes des pays les plus riches est inac­cep­table et désas­treux. L’ef­fort au niveau inter­na­tio­nal doit porter sur la créa­tion sans délais des condi­tions à même d’as­su­rer une vacci­na­tion de masse à l’échelle mondiale avec les vaccins dispo­nibles, et à même égale­ment de favo­ri­ser le déve­lop­pe­ment de solu­tions vacci­nales qui soient les plus adap­tées aux condi­tions sani­taires des pays sous-déve­lop­pés, en Afrique et en Asie du Sud notam­ment.

Quant au gouver­ne­ment Castex, après le scan­dale des masques et des tests l’an dernier, il se retrouve prison­nier de sa doxa néoli­bé­rale. Il a pris du retard dans l’or­ga­ni­sa­tion d’une campagne de vacci­na­tion et a envi­sagé de brico­ler à la hâte une augmen­ta­tion des délais entre les deux injec­tions. Alors qu’il y a urgence à vacci­ner les popu­la­tions, notam­ment les plus fragiles et les soignant.es, les vaccins arrivent au compte-goutte dans les centres, ce qui conduit à annu­ler des rendez-vous.

A partir d’une critique radi­cale des condi­tions marchandes de la mise en œuvre de la vacci­na­tion, il faut donc favo­ri­ser la construc­tion d’un large front citoyen, poli­tique et social, autour des exigences propres à assu­rer son succès dans la lutte contre la pandé­mie : réqui­si­tion­ner les brevets, faire produire les formu­la­tions qui marchent dans toutes les usines dispo­nibles, géné­rer des nouveaux vaccins résis­tants aux nouveaux variants (seul le brési­lien pose problème pour l’ins­tant, pas l’an­glais), lancer des essais dès main­te­nant pour être prêts si un des variants résis­tants devient majo­ri­tai­re…

Face aux gouver­ne­ments qui se soumettent au pouvoir exor­bi­tant des grands groupes phar­ma­ceu­tiques c’est une tout autre voie qu’il faut tracer à l’échelle inter­na­tio­nale, en commençant par l’UE, comme au plan natio­nal. Il faut en finir avec l’ap­pro­pria­tion privée des vaccins, défendre leur mise à dispo­si­tion comme biens communs sous licence publique. Il faut utili­ser les procé­dures d’ailleurs prévues à L’OMS sur la licence d’of­fice en cas d’ur­gence sani­taire. L’Inde et l’ Afrique du Sud l’ont demandé à l’OMC en novembre dernier. L’Union Euro­péenne, les USA, la Grande Bretagne s’y sont oppo­sés… Il faut réqui­si­tion­ner les usines capables de mettre en place rapi­de­ment des chaines de produc­tion pour produire des vaccins pour tous et toutes. En France il faut enga­ger un proces­sus de construc­tion d’un véri­table service public du médi­ca­ment consti­tué en pôle public et jeter les bases de la restau­ra­tion et du déve­lop­pe­ment d’un véri­table réseau de santé publique de proxi­mité.

Il faut poser dans les mêmes termes la ques­tion du déve­lop­pe­ment d’un trai­te­ment. La diffé­rence étant quand même qu’à ce stade il n’existe pas encore de trai­te­ment ayant fait ses preuves, alors qu’il existe des solu­tions vacci­nales effi­caces. Pour autant la recherche dans ce domaine est essen­tielle et devrait mobi­li­ser bien plus d’ef­forts, notam­ment sur le terrain de la recherche fonda­men­tale et pas seule­ment du côté du recy­clage de molé­cules exis­tantes.

En réalité, il n’y  pas lieu de renon­cer à l’objec­tif de parve­nir à circons­crire effi­ca­ce­ment la pandé­mie par la vacci­na­tion. En tout cas il n’y a pas de motif scien­ti­fique déci­sif à ce renon­ce­ment. Mais il n’y a pas lieu non plus de décou­pler l’or­ga­ni­sa­tion de la société en temps de pandé­mie des condi­tions propres à assu­rer le succès de la vacci­na­tion. La ques­tion est celle des condi­tions poli­tiques, écono­miques et tech­niques capables de concou­rir à un succès déci­sif de la vacci­na­tion face à la pandé­mie et des condi­tions démo­cra­tiques d’une gestion plus effi­cace de la crise. Gestion centrée sur l’objec­tif de défendre la société plutôt que de défendre les grands groupes capi­ta­listes.

En premier lieu, cet objec­tif exige l’aug­men­ta­tion du nombre de lits à l’hô­pi­tal public avec les embauches corres­pon­dantes pour permettre les soins néces­saires aux malades, l’aug­men­ta­tion des salaires des soignant.es, la gratuité de l’ac­cès aux masques. Face à un gouver­ne­ment qui n’est toujours pas capable d’as­su­rer la réali­sa­tion effec­tive d’une stra­té­gie de dépis­tage couplée à une stra­té­gie effi­cace de recherche des cas contacts pour circons­crire les chaînes de conta­mi­na­tion, et qui n’est pas capable d’as­su­rer la mise en œuvre d’un séquençage plus systé­ma­tique des virus en circu­la­tion pour repé­rer la présence des nouveaux variants et en mesu­rer l’in­ci­dence géogra­phique, il faut défendre la mobi­li­sa­tion des ressources humaines, tech­niques et logis­tiques à même d’as­su­rer la réali­sa­tion de tels objec­tifs.

En partant du fait qu’en défi­ni­tive le gouver­ne­ment ne se sert que d’un seul outil – le confi­ne­ment – dans une logique binaire de “stop and go”, du fait qu’il n’ac­com­pagne pas comme il le faudrait le choix de faire fonc­tion­ner les établis­se­ments scolaires, notam­ment en termes de moyens humains, ne serait-ce que pour assu­rer les rempla­ce­ments, qu’il a fermé tota­le­ment les facul­tés avec les consé­quences catas­tro­phiques que l’on sait, qu’il laisse crever des secteurs entiers – les ciné­mas et le spec­tacle vivant, les librai­ries, la petite hôtel­le­rie-restau­ra­tion, le monde des saison­niers du tourisme, etc.-  il faut avan­cer des propo­si­tions alter­na­tives qui mettent la démo­cra­tie et la défense de la société dans son ensemble au cœur de leurs objec­tifs. Il faut inven­ter et promou­voir d’autres solu­tions repo­sant sur l’al­ter­nance (au travail, à l’école, à l’uni­ver­sité, dans les trans­ports…) et l’adap­ta­tion cohé­rente des usages aux contraintes impo­sées par la pandé­mie.

Le gouver­ne­ment Macron-Castex a laissé entendre pendant une semaine qu’un nouveau confi­ne­ment était immi­nent, pour ensuite tempo­ri­ser le vendredi 29 janvier. Emma­nuel Macron hésite sur la marche à suivre mais il ne propose depuis mars 2020 aucun moyen pour que les enjeux sociaux et sani­taires de la situa­tion soient débat­tus et maîtri­sés collec­ti­ve­ment, avec les collec­ti­vi­tés terri­to­riales, les syndi­cats, les asso­cia­tions, les citoyen-nes qui subissent la crise. La même semaine, il annonçait la disso­lu­tion de la mission d’in­for­ma­tion de l’As­sem­blée Natio­nale sur la gestion de la crise Covid…

Bref, face à un gouver­ne­ment qui conduit une poli­tique cynique et incom­pé­tente, assise sur un seul dispo­si­tif mis en œuvre par inter­mit­tence quand la dyna­mique de l’épi­dé­mie lui échappe, qui dépense des milliards pour soute­nir les grands groupes qui licen­cient (Carre­four par exemple) au lieu de soute­nir la société, il faut impo­ser une gestion collec­tive et démo­cra­tique de la crise sani­taire et défendre une autre poli­tique de santé et notam­ment des vaccins consi­dé­rés comme des biens communs ainsi que la soli­da­rité et le salaire socia­lisé avec la sécu­rité socia­le… Dans ce cadre il faut nous oppo­ser aux quatre milliards d’éco­no­mie impo­sés au secteur de la santé.

Note n°3 du Groupe de réflexion sur la crise sani­taire (cher­cheuses.eurs, prati­cien.nes et mili­tant.es d’En­semble et d’En­semble Insou­mis)

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