9 décembre. Inpre­cor. « Comprendre la rébel­lion en Syrie.

https://inpre­cor.fr/node/4485

Comprendre la rébel­lion en Syrie

par Joseph Daher

La rébel­lion en Syrie a pris le monde par surprise et a conduit à la chute de la dicta­ture de la famille Assad, qui diri­geait la Syrie depuis que le père de Bachar el-Assad, Hafez, avait pris le pouvoir par un coup d’État il y a 54 ans. Ni les forces mili­taires du régime, ni son parrain impé­rial, la Russie, ni son soutien régio­nal, l’Iran, n’ont été en mesure de le défendre. Les villes contrô­lées par le régime ont été libé­rées, des milliers de prison­niers poli­tiques ont été déli­vrés de ses tris­te­ment célèbres donjons et, pour la première fois depuis des décen­nies, un espace s’est ouvert pour mener un nouveau combat en faveur d’une Syrie libre, inclu­sive et démo­cra­tique.

Dans le même temps, la plupart des Syriens savent qu’une telle lutte se heurte à d’énormes diffi­cul­tés, à commen­cer par celles que repré­sentent les deux prin­ci­pales forces rebelles, Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) et l’Ar­mée natio­nale syrienne (ANS) soute­nue par la Turquie. Bien qu’elles aient été le fer de lance de la victoire mili­taire, ces forces sont auto­ri­taires et leur histoire est marquée par le secta­risme reli­gieux et ethnique. Certains à gauche affirment sans fonde­ment que leur rébel­lion a été orches­trée par les États-Unis et Israël. D’autres idéa­lisent ces forces rebelles sans aucun esprit critique, esti­mant qu’elles ravivent la révo­lu­tion popu­laire origi­nale qui avait manqué de renver­ser le régime d’As­sad en 2011.Aucune de ces deux approches ne rend compte des dyna­miques complexes à l’œuvre aujourd’­hui en Syrie.

Dans cet entre­tien, réalisé alors que la situa­tion évolue rapi­de­ment en Syrie, Tempest inter­roge Joseph Daher, mili­tant suisse-syrien pour le socia­lisme, sur les évène­ments qui ont conduit à la chute du régime d’As­sad, sur les pers­pec­tives des forces progres­sistes et sur les défis auxquels elles sont confron­tées dans leur lutte pour un pays véri­ta­ble­ment libéré qui serve les inté­rêts de tous ses peuples et de toutes ses classes popu­laires.

 

Tempest : Comment les Syriens se sentent-ils après la chute du régime ?

Joseph Daher : La joie est incroyable. C’est un jour histo­rique. 54 années de tyran­nie de la famille Assad ont pris fin. On a vu des vidéos de mani­fes­ta­tions popu­laires dans tout le pays, à Damas, Tartous, Homs, Hama, Alep, Qami­chli, Soueïda, etc., auxquelles ont parti­cipé toutes les confes­sions et ethnies, détrui­sant les statues et les symboles de la famille Assad.

Et bien sûr, il y a une grande joie qui accom­pagne la libé­ra­tion des prison­niers poli­tiques des geôles du régime, en parti­cu­lier de la prison de Sednaya connue sous le nom d’« abat­toir humain » où pour­raient se trou­ver 10 000 à 20 000 prison­niers. Certains d’entre eux étaient déte­nus depuis les années 1980. De même, des personnes qui avaient été dépla­cées d’Alep et d’autres villes en 2016 ou plus tôt ont pu retour­ner dans leurs maisons et leurs quar­tiers, et revoir leur famille pour la première fois depuis des années.

Paral­lè­le­ment, dans les premiers jours qui ont suivi l’of­fen­sive mili­taire, les réac­tions popu­laires ont d’abord été miti­gées et confuses, reflé­tant la diver­sité des opinions poli­tiques de la société syrienne, tant à l’in­té­rieur qu’à l’ex­té­rieur du pays. Certains étaient très heureux de la conquête de ces terri­toires et de l’af­fai­blis­se­ment du régime, puis de sa chute poten­tielle.

Mais d’autres secteurs de la popu­la­tion crai­gnaient et craignent encore HTS et l’ANS. Ils s’inquiètent de la nature auto­ri­taire et réac­tion­naire de ces forces et de leur projet poli­tique.

Et certains s’inquiètent de ce qu’il va se passer dans la nouvelle situa­tion. En parti­cu­lier, de larges sections de Kurdes et d’autres, tout en se réjouis­sant de la chute de la dicta­ture d’As­sad, condamnent les dépla­ce­ments forcés et les assas­si­nats perpé­trés par l’ANS.

Tempest : Peux-tu retra­cer la séquence des événe­ments, en parti­cu­lier l’avan­cée des rebelles, qui ont vaincu les forces mili­taires d’As­sad et conduit à sa chute ? Que s’est-il passé ?

JD : Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) et l’Ar­mée natio­nale syrienne (ANS) soute­nue par la Turquie ont lancé une campagne mili­taire le 27 novembre 2024 contre les forces du régime syrien, rempor­tant des victoires écla­tantes. (….)

Alors que diffé­rentes forces armées de l’op­po­si­tion n’ap­par­te­nant ni à HTS ni à l’ANS se sont rappro­chées de la capi­tale Damas, les forces du régime se sont effon­drées et reti­rées, tandis que les mani­fes­ta­tions et les destruc­tions par le feu de tous les symboles de Bachar Al-Assad se sont multi­pliées dans les diffé­rentes banlieues de Damas. Dans la nuit du 7 au 8 décembre, on a annoncé la libé­ra­tion de Damas. Dans un premier temps, le sort et la loca­li­sa­tion exacte de Bachar Al-Assad sont demeu­rés incon­nus, mais on a ensuite appris qu’il se trou­ve­rait en Russie sous la protec­tion de Moscou.

La chute du régime a démon­tré la faiblesse struc­tu­relle de celui-ci, tant sur le plan mili­taire qu’é­co­no­mique et poli­tique. Il s’est effon­dré comme un château de cartes. Cela n’est guère surpre­nant : il semblait évident que les soldats n’al­laient pas se battre pour le régime d’As­sad compte tenu de leurs salaires et condi­tions médiocres. Ils ont préféré fuir ou ne pas combattre plutôt que de défendre un régime pour lequel ils n’avaient que très peu de sympa­thie, d’au­tant plus que beau­coup d’entre eux étaient des conscrits, appe­lés contre leur volonté.

Paral­lè­le­ment à ces dyna­miques dans le sud, d’autres déve­lop­pe­ments se sont produits dans diffé­rentes parties du pays après le lance­ment de l’of­fen­sive des rebelles. D’une part, l’ANS a mené des attaques contre les terri­toires contrô­lés au nord d’Alep par les Forces démo­cra­tiques syriennes (FDS) diri­gées par les Kurdes, puis a annoncé le début d’une nouvelle offen­sive contre la ville de Manbij, dans le nord de la Syrie, qui est sous la domi­na­tion des FDS. Le dimanche 8 décembre, avec le soutien de l’ar­mée turque, de son avia­tion et de son artille­rie, l’ANS est entrée dans la ville.

D’autre part, les FDS se sont empa­rées de la majeure partie du gouver­no­rat de Deir-ez-Zor, aupa­ra­vant contrôlé par les forces du régime syrien et les milices pro-iraniennes, qui s’étaient reti­rées pour se redé­ployer dans d’autres régions afin de lutter contre HTS et l’ANS. Les FDS ont ensuite étendu leur contrôle à de vastes zones du nord-est qui étaient aupa­ra­vant sous la domi­na­tion du régime.

Tempest : Qui sont les forces rebelles et en parti­cu­lier les prin­ci­pales forma­tions rebelles, HTS et l’ANS ? Quels sont leurs orien­ta­tions poli­tiques, leur programme et leur projet ? Que pensent les classes popu­laires de ces forces ?

JD : La prise réus­sie d’Alep, de Hama, de Homs et d’autres terri­toires dans le cadre d’une campagne mili­taire menée par HTS reflète à bien des égards l’évo­lu­tion de ce mouve­ment depuis plusieurs années en une orga­ni­sa­tion plus disci­pli­née et plus struc­tu­rée, tant sur le plan poli­tique que mili­taire. Il est désor­mais capable de produire des drones et dispose d’une acadé­mie mili­taire. HTS a pu impo­ser son hégé­mo­nie sur un certain nombre de groupes mili­taires, à la fois par la répres­sion et par l’in­clu­sion au cours des dernières années. C’est sur la base de ces déve­lop­pe­ments qu’il a pu se prépa­rer à lancer cette attaque.

HTS est devenu un acteur quasi-étatique dans les zones qu’il contrôle. Il a mis en place un gouver­ne­ment, le Gouver­ne­ment de salut syrien (GSS), qui fait office d’ad­mi­nis­tra­tion civile de HTS et assure la four­ni­ture de services. Ces dernières années, HTS et le GSS ont très clai­re­ment cher­ché à se présen­ter comme des forces ration­nelles devant les puis­sances régio­nales et inter­na­tio­nales afin de norma­li­ser leur régime. Cela a notam­ment permis à certaines ONG de dispo­ser de plus d’es­pace pour opérer dans des secteurs clés tels que l’édu­ca­tion et les soins de santé, dans lesquels le GSS manque de ressources finan­cières et d’ex­per­tise.

Cela ne signi­fie pas qu’il n’y a pas de corrup­tion dans les zones sous son auto­rité. Le GSS a imposé son auto­rité par des mesures auto­ri­taires et répres­sives. HTS a notam­ment réprimé ou limité les acti­vi­tés qu’il consi­dère comme contraires à son idéo­lo­gie. Par exemple, il a mis fin à plusieurs projets de soutien aux femmes, en parti­cu­lier aux rési­dentes de camps de dépla­cés, sous prétexte que ces projets promou­vaient une égalité de genre hostile à son régime. HTS a égale­ment pris pour cible et détenu des oppo­sants poli­tiques, des jour­na­listes, des mili­tants et des personnes perçues comme des critiques ou des oppo­sants.

HTS, qui est toujours consi­déré comme une orga­ni­sa­tion terro­riste par de nombreuses puis­sances, y compris par les États-Unis, a égale­ment essayé de proje­ter une image plus modé­rée de lui-même, essayant d’être reconnu comme un acteur désor­mais ration­nel et respon­sable. Cette évolu­tion remonte à la rupture de ses liens avec Al-Qaïda en 2016 et à la refor­mu­la­tion de ses objec­tifs poli­tiques désor­mais limi­tés au cadre natio­nal syrien. HTS a égale­ment réprimé les indi­vi­dus et les groupes liés à Al-Qaïda et au soi-disant État isla­mique.

En février 2021, lors de sa première inter­view avec un jour­na­liste améri­cain, son chef Abu Moham­med Al-Jolani (Ahmed Al-Sharaa de son vrai nom) a déclaré que la région qu’il contrô­lait « ne repré­sent[ait] pas une menace pour la sécu­rité de l’Eu­rope et de l’Amé­rique », affir­mant que les zones sous son auto­rité ne devien­draient pas une base pour des opéra­tions à l’étran­ger.

Dans cette tenta­tive de se défi­nir comme un inter­lo­cu­teur légi­time sur la scène inter­na­tio­nale, il a mis l’ac­cent sur le rôle du groupe dans la lutte contre le terro­risme. Dans le cadre de cette trans­for­ma­tion, il a permis le retour des chré­tiens et des Druzes dans certaines zones et a établi des contacts avec des diri­geants de ces commu­nau­tés.

Après la prise d’Alep, HTS a conti­nué à se présen­ter comme un acteur respon­sable. Les combat­tants de HTS ont par exemple immé­dia­te­ment posté des vidéos devant les banques, donnant des gages de protec­tion de la propriété privée et des biens. Ils ont égale­ment promis de proté­ger les civils et les commu­nau­tés reli­gieuses mino­ri­taires, en parti­cu­lier les chré­tiens, car ils savent que le sort de cette commu­nauté est étroi­te­ment surveillé à l’étran­ger.

De même, HTS a fait de nombreuses décla­ra­tions promet­tant une protec­tion simi­laire aux Kurdes et aux mino­ri­tés musul­manes telles que les ismaé­liens et les Druzes. Il a égale­ment publié une décla­ra­tion concer­nant les alaouites, les appe­lant à rompre avec le régime, sans toute­fois suggé­rer que HTS les proté­ge­rait et sans annon­cer clai­re­ment leurs inten­tions quant à cette commu­nauté. Dans cette décla­ra­tion, HTS décrit la commu­nauté alaouite comme un instru­ment du régime contre le peuple syrien.

Enfin, le chef de HTS, Abu Moham­med Al-Jolani, a déclaré que la ville d’Alep serait gérée par une auto­rité locale et que toutes les forces mili­taires, y compris celles de HTS, se reti­re­raient complè­te­ment de la ville dans les semaines à venir. Il est clair qu’Al-Jolani souhaite enga­ger un dialogue actif avec les puis­sances locales, régio­nales et inter­na­tio­nales.

Toute­fois, la ques­tion de savoir si HTS donnera suite à ces décla­ra­tions reste ouverte. L’or­ga­ni­sa­tion s’est montrée auto­ri­taire et réac­tion­naire, avec une idéo­lo­gie inté­griste isla­mique, et compte toujours des combat­tants étran­gers dans ses rangs. Ces dernières années, de nombreuses mani­fes­ta­tions popu­laires ont eu lieu à Idlib pour dénon­cer son régime et ses viola­tions des liber­tés poli­tiques et des droits humains, notam­ment les assas­si­nats et la torture d’op­po­sants.

Tolé­rer les mino­ri­tés reli­gieuses ou ethniques et leur permettre de prier ne suffit pas. Ce qui est clé, c’est de recon­naître leurs droits en tant que citoyens égaux parti­ci­pant à la prise de déci­sion sur l’ave­nir du pays. Plus géné­ra­le­ment, les décla­ra­tions du chef de HTS, Al-Jolani, telles que « les personnes qui craignent la gouver­nance isla­mique en ont vu des appli­ca­tions incor­rectes ou ne la comprennent pas correc­te­ment », ne sont abso­lu­ment pas rassu­rantes, bien au contraire.

En ce qui concerne l’ANS soute­nue par la Turquie, il s’agit d’une coali­tion de groupes armés dont la plupart ont une ligne poli­tique islamo-conser­va­trice. Elle a très mauvaise répu­ta­tion et est coupable de nombreuses viola­tions des droits humains, en parti­cu­lier à l’en­contre des popu­la­tions kurdes dans les zones qu’elle contrôle. L’ANS a notam­ment parti­cipé à la campagne mili­taire menée par la Turquie pour occu­per Afrin en 2018, entraî­nant le dépla­ce­ment forcé d’en­vi­ron 150 000 civils, en grande majo­rité des Kurdes.

Dans la campagne mili­taire actuelle, une fois de plus, l’ANS sert prin­ci­pa­le­ment les objec­tifs de la Turquie en ciblant les zones contrô­lées par les FDS diri­gées par les Kurdes et comp­tant d’im­por­tantes popu­la­tions kurdes. L’ANS a par exemple capturé la ville de Tall Rifaat et la zone de Shahba dans le nord d’Alep, aupa­ra­vant sous la gouver­nance des FDS, entraî­nant le dépla­ce­ment forcé de plus de 150 000 civils et de nombreuses viola­tions des droits humains contre les Kurdes, incluant des assas­si­nats et des enlè­ve­ments. L’ANS a ensuite annoncé une offen­sive mili­taire soute­nue par l’ar­mée turque contre la ville de Manbij, où vivent 100 000 civils et qui est contrô­lée par les FDS.

Il existe donc des diffé­rences entre HTS et l’ANS. HTS jouit d’une auto­no­mie rela­tive par rapport à la Turquie, contrai­re­ment à l’ANS qui est contrô­lée par la Turquie et sert ses inté­rêts. Les deux forces sont diffé­rentes, pour­suivent des objec­tifs distincts et ont des conflits entre elles, bien que ceux-ci soient pour l’ins­tant mis sous le tapis. Par exemple, HTS ne cherche pas la confron­ta­tion avec les FDS pour le moment. En outre, l’ANS a publié une décla­ra­tion critiquant le « compor­te­ment agres­sif » de HTS à l’égard de membres de l’ANS, tandis que HTS aurait accusé les combat­tants de l’ANS d’avoir commis des pillages.

Tempest : Pour beau­coup de celles et ceux qui n’ont pas suivi l’évo­lu­tion de la Syrie, ces déve­lop­pe­ments semblent sortis de nulle part. En quoi cette situa­tion trouve ses racines dans la révo­lu­tion, la contre-révo­lu­tion et la guerre civile en Syrie ? Que s’est-il passé à l’in­té­rieur du pays au cours de la période récente qui a déclen­ché l’of­fen­sive mili­taire ?Quelles sont les dyna­miques régio­nales et inter­na­tio­nales qui ont ouvert la voie aux avan­cées des rebelles ?

JD : Initia­le­ment, HTS a lancé sa campagne mili­taire en réac­tion à l’es­ca­lade des attaques et des bombar­de­ments du régime d’As­sad et de la Russie sur son terri­toire du nord-ouest. L’of­fen­sive visait égale­ment à reprendre des zones conquises par le régime en viola­tion des dispo­si­tions établis­sant des zones de déses­ca­lade conve­nues dans l’ac­cord de mars 2020, négo­cié par Moscou et Téhé­ran. Toute­fois, forts de leur succès surprise, les attaquants ont élargi leurs ambi­tions et appelé ouver­te­ment au renver­se­ment du régime, ce qu’ils ont désor­mais accom­pli avec d’autres qui les ont rejoints.

Le succès de HTS et de l’ANS s’ex­plique par l’af­fai­blis­se­ment des prin­ci­paux alliés du régime. La Russie, prin­ci­pal parrain inter­na­tio­nal d’As­sad, a réorienté ses forces et ses ressources vers sa guerre impé­ria­liste contre l’Ukraine. En consé­quence, son impli­ca­tion en Syrie a été nette­ment plus limi­tée que lors des opéra­tions mili­taires simi­laires des années précé­dentes.

Les deux autres alliés clés du régime, le Hezbol­lah liba­nais et l’Iran, ont été consi­dé­ra­ble­ment affai­blis par Israël depuis le 7 octobre 2023. Tel-Aviv a assas­siné plusieurs diri­geants du Hezbol­lah, dont Hassan Nasral­lah, a décimé ses cadres par les attaques de bipeurs et a bombardé ses forces au Liban. Le Hezbol­lah est sans aucun doute confronté à son plus grand défi depuis sa créa­tion. Israël a égale­ment lancé des frappes contre l’Iran, expo­sant ses vulné­ra­bi­li­tés, et a inten­si­fié les bombar­de­ments des posi­tions iraniennes et du Hezbol­lah en Syrie au cours des derniers mois.

Avec ses prin­ci­paux soutiens préoc­cu­pés et affai­blis, la dicta­ture d’As­sad se trou­vait dans une posi­tion vulné­rable. En raison de toutes ses faiblesses struc­tu­relles, du manque de soutien de la popu­la­tion qu’elle dirige, du manque de fiabi­lité de ses propres troupes et de l’ab­sence de soutien inter­na­tio­nal et régio­nal, elle s’est avérée inca­pable de résis­ter à l’avan­cée des forces rebelles, ville après ville, et son pouvoir s’est effon­dré comme un château de cartes.

Tempest : Comment les alliés du régime ont-ils réagi initia­le­ment ? Quels sont leurs inté­rêts en Syrie ?

JD : La Russie et l’Iran se sont d’abord enga­gés à soute­nir le régime et l’ont poussé à combattre HTS et l’ANS. Dans les premiers jours de l’of­fen­sive, la Russie a appelé le régime syrien à se ressai­sir et à « réta­blir l’ordre à Alep », ce qui semble indiquer que Moscou espé­rait une contre-attaque de Damas.

L’Iran a appelé à une « coor­di­na­tion » avec Moscou face à cette offen­sive. Il a affirmé que les États-Unis et Israël étaient derrière l’of­fen­sive des rebelles contre le régime syrien afin de le désta­bi­li­ser et de détour­ner l’at­ten­tion de la guerre d’Is­raël en Pales­tine et au Liban. Les respon­sables iraniens ont déclaré leur soutien total au régime syrien et ont confirmé leur inten­tion de main­te­nir et même d’ac­croître la présence de leurs « conseillers mili­taires » en Syrie en soutien à l’ar­mée syrienne. Téhé­ran a égale­ment promis de four­nir des missiles et des drones au régime syrien et même de déployer ses propres troupes.

Mais cela n’a mani­fes­te­ment pas fonc­tionné. Malgré les bombar­de­ments russes sur les zones échap­pant au contrôle du régime, l’avan­cée des rebelles n’a pas faibli.

Les deux puis­sances ont beau­coup à perdre en Syrie. Pour l’Iran, la Syrie est essen­tielle au trans­fert d’armes au Hezbol­lah et à la coor­di­na­tion logis­tique avec le parti liba­nais. (…)

Du côté de la Russie, la base aérienne de Hmei­mim, dans la province syrienne de Lattaquié, et la base navale de Tartous, sur la côte, ont été impor­tantes pour l’af­fir­ma­tion du rôle géopo­li­tique de Moscou au Moyen-Orient, en Médi­ter­ra­née et en Afrique. La perte de ces bases compro­met­trait le statut de la Russie, son inter­ven­tion en Syrie ayant servi d’exemple de la façon dont elle pouvait utili­ser la force mili­taire pour peser sur les événe­ments à l’ex­té­rieur de ses fron­tières et riva­li­ser avec les États occi­den­taux.

Tempest : Quel rôle les autres puis­sances régio­nales et impé­riales, en parti­cu­lier la Turquie, Israël et les États-Unis, ont-elles joué dans ce scéna­rio ? Quelles sont leurs ambi­tions dans cette situa­tion ?

JD : Malgré la volonté de la Turquie de norma­li­ser ses rela­tions avec la Syrie, Ankara a été de plus en plus frus­trée par Damas. Elle a donc encou­ragé l’of­fen­sive mili­taire, ou du moins lui a donné son feu vert, et l’a aidée d’une manière ou d’une autre. L’objec­tif d’An­kara était initia­le­ment d’amé­lio­rer sa posi­tion dans les futures négo­cia­tions avec le régime syrien, mais aussi avec l’Iran et la Russie.

Aujourd’­hui, avec la chute du régime, l’in­fluence de la Turquie est encore plus impor­tante en Syrie et en fait proba­ble­ment l’ac­teur régio­nal clé dans le pays. Ankara cherche égale­ment à utili­ser l’ANS pour affai­blir les FDS, qui sont domi­nées par la branche armée du parti kurde PYD, une orga­ni­sa­tion sœur du PKK, parti kurde de Turquie dési­gné comme terro­riste par Ankara, les États-Unis et l’Union euro­péenne.

La Turquie a deux autres objec­tifs prin­ci­paux. Premiè­re­ment, elle souhaite procé­der au retour forcé en Syrie des réfu­giés syriens se trou­vant en Turquie. Deuxiè­me­ment, elle veut bloquer les aspi­ra­tions kurdes à l’au­to­no­mie et plus parti­cu­liè­re­ment saper l’ad­mi­nis­tra­tion diri­gée par les Kurdes dans le nord-est de la Syrie, l’Ad­mi­nis­tra­tion auto­nome du nord et de l’est de la Syrie (AANES, égale­ment appe­lée Rojava), qui consti­tue­rait un précé­dent pour l’au­to­dé­ter­mi­na­tion kurde en Turquie, une menace pour le régime tel qu’il est actuel­le­ment consti­tué.

Ni les États-Unis ni Israël n’ont joué de rôle dans ces événe­ments. En fait, c’est le contraire qui s’est produit. Les États-Unis crai­gnaient que le renver­se­ment du régime ne crée davan­tage d’ins­ta­bi­lité dans la région. (…)

De leur côté, les respon­sables israé­liens ont déclaré que « l’ef­fon­dre­ment du régime d’As­sad crée­rait proba­ble­ment un chaos dans lequel se déve­lop­pe­raient des menaces mili­taires contre Israël. » De plus, Israël n’a jamais vrai­ment soutenu le renver­se­ment du régime syrien depuis la tenta­tive de révo­lu­tion de 2011. En juillet 2018, Néta­nya­hou ne s’est pas opposé à ce qu’As­sad reprenne le contrôle du pays et stabi­lise son pouvoir.

(…)Quelques heures après l’an­nonce de la chute du régime ce dimanche, l’armée d’oc­cu­pa­tion israé­lienne a pris le contrôle de la partie syrienne du mont Hermon, sur le plateau du Golan, afin d’em­pê­cher les rebelles de s’em­pa­rer de la zone. Aupa­ra­vant, le Premier ministre israé­lien Benya­min Neta­nyahu avait ordonné à l’ar­mée d’oc­cu­pa­tion israé­lienne de « prendre le contrôle » de la zone tampon du Golan et des « posi­tions stra­té­giques adja­centes ». De plus, Tel Aviv a bombardé des dépôts d’armes dans le sud de la Syrie et dans la capi­tale Damas.

Tempest : De nombreux campistes ont de nouveau pris la défense d’As­sad, affir­mant cette fois qu’une défaite d’As­sad serait un revers pour la lutte de libé­ra­tion pales­ti­nienne. Que penses-tu de cet argu­ment ? Qu’est-ce que les évène­ments impliquent pour la Pales­tine ?

JD : Oui, les campistes ont affirmé que cette offen­sive mili­taire était menée par « Al-Qaïda et d’autres terro­ristes » et qu’il s’agis­sait d’un complot impé­ria­liste occi­den­tal contre le régime syrien visant à affai­blir le soi-disant « axe de la résis­tance » dirigé par l’Iran et le Hezbol­lah. Étant donné que cet axe prétend soute­nir les Pales­ti­niens, les campistes affirment qu’en affai­blis­sant cet axe, la chute d’As­sad sape la lutte pour la libé­ra­tion de la Pales­tine.

En plus de nier toute puis­sance d’agir aux acteurs locaux syriens, le prin­ci­pal problème de l’ar­gu­ment avancé par les parti­sans du soi-disant « axe de la résis­tance » est qu’ils supposent que la libé­ra­tion de la Pales­tine vien­dra d’en haut, de ces États ou d’autres forces qui leur sont affi­liées, indé­pen­dam­ment de leur nature réac­tion­naire et auto­ri­taire et de leurs poli­tiques écono­miques néoli­bé­rales. Cette stra­té­gie a échoué par le passé et conti­nuera à échouer aujourd’­hui. En fait, au lieu de faire progres­ser la lutte pour la libé­ra­tion de la Pales­tine, les États auto­ri­taires et despo­tiques du Moyen-Orient, qu’ils soient alignés sur l’Oc­ci­dent ou oppo­sés à lui, ont à maintes reprises trahi les Pales­ti­niens et les ont même répri­més.

(…)La Syrie, en parti­cu­lier, comme Néta­nya­hou l’a clai­re­ment indiqué dans ses paroles que je viens de citer, n’a pas levé le petit doigt contre Israël depuis des décen­nies.

Pour sa part, l’Iran soutient la cause pales­ti­nienne de manière rhéto­rique et finance le Hamas. Mais depuis le 7 octobre 2023, son prin­ci­pal objec­tif est d’amé­lio­rer sa posi­tion dans la région afin d’être dans la meilleure posture possible pour de futures négo­cia­tions poli­tiques et écono­miques avec les États-Unis. L’Iran souhaite garan­tir ses inté­rêts poli­tiques et sécu­ri­taires et tient donc à éviter toute guerre directe avec Israël.

Son prin­ci­pal objec­tif géopo­li­tique vis-à-vis des Pales­ti­niens n’est pas de les libé­rer, mais de les utili­ser comme levier, notam­ment dans ses rela­tions avec les États-Unis. De même, la réponse passive de l’Iran à l’as­sas­si­nat de Nasral­lah par Israël, à la déci­ma­tion des cadres du Hezbol­lah et à sa guerre brutale contre le Liban démontre que sa première prio­rité est de se proté­ger et de proté­ger ses inté­rêts. Il n’était pas disposé à les sacri­fier et à prendre la défense de son prin­ci­pal allié non étatique.

(…)

Dans le cas du régime syrien, son absence de soutien à la Pales­tine est indé­niable. Il n’a pas pris la défense de la Pales­tine depuis un an de guerre géno­ci­daire menée par Israël. Malgré les bombar­de­ments israé­liens sur la Syrie, avant et après le 7 octobre, le régime n’a pas réagi. Cette atti­tude est conforme à la poli­tique menée par Damas depuis 1974, qui consiste à éviter toute confron­ta­tion signi­fi­ca­tive et directe avec Israël.

En outre, le régime a réprimé à plusieurs reprises les Pales­ti­niens en Syrie, notam­ment en tuant plusieurs milliers d’entre eux depuis 2011 et en détrui­sant le camp de réfu­giés de Yarmouk à Damas. Il s’est égale­ment attaqué au mouve­ment natio­nal pales­ti­nien lui-même. Par exemple, en 1976, Hafez Al-Assad, père du dicta­teur-héri­tier tout juste déchu Bachar Al-Assad, est inter­venu au Liban et a soutenu les partis liba­nais d’ex­trême droite contre les orga­ni­sa­tions pales­ti­niennes et liba­naises de gauche.

Il a égale­ment mené des opéra­tions mili­taires contre des camps pales­ti­niens à Beyrouth en 1985 et 1986. En 1990, envi­ron 2 500 prison­niers poli­tiques pales­ti­niens étaient déte­nus dans des prisons syriennes.

Compte tenu de cette histoire, le mouve­ment de soli­da­rité avec la Pales­tine commet­trait une erreur en défen­dant et en s’ali­gnant sur des États impé­ria­listes ou sous-impé­ria­listes qui font passer leurs inté­rêts avant la soli­da­rité avec la Pales­tine, qui riva­lisent pour des gains géopo­li­tiques et qui exploitent la force de travail et les ressources de leurs pays. Bien sûr, l’im­pé­ria­lisme état­su­nien reste le prin­ci­pal ennemi de la région avec son histoire excep­tion­nelle de guerre, de pillage et de domi­na­tion poli­tique.

Mais il est absurde de consi­dé­rer les puis­sances régio­nales réac­tion­naires et d’autres États impé­ria­listes comme la Russie ou la Chine comme des alliés de la Pales­tine ou du mouve­ment de soli­da­rité avec la Pales­tine. Abso­lu­ment rien ne permet d’étayer cette posi­tion. Choi­sir un impé­ria­lisme plutôt qu’un autre, c’est garan­tir la stabi­lité du système capi­ta­liste et l’ex­ploi­ta­tion des classes popu­laires. De même, soute­nir des régimes auto­ri­taires et despo­tiques dans le but de libé­rer la Pales­tine est non seule­ment mora­le­ment erroné, mais c’est égale­ment une stra­té­gie qui s’est avérée vouée à l’échec.

Au contraire, le mouve­ment de soli­da­rité pales­ti­nien doit consi­dé­rer que la libé­ra­tion de la Pales­tine est liée non pas aux États de la région, mais à la libé­ra­tion de ses classes popu­laires. Celles-ci s’iden­ti­fient à la Pales­tine et consi­dèrent que leurs propres combats pour la démo­cra­tie et l’éga­lité sont inti­me­ment liés à la lutte de libé­ra­tion des Pales­ti­niens. La lutte des Pales­ti­niens tend à dyna­mi­ser le mouve­ment régio­nal de libé­ra­tion, et les mouve­ments de libé­ra­tion dans la région se réper­cutent en retour sur celui de la Pales­tine occu­pée.

Ces luttes sont dialec­tique­ment liées ; ce sont des luttes mutuelles pour la libé­ra­tion collec­tive. Le ministre israé­lien d’ex­trême droite Avig­dor Lieber­man a reconnu le danger que les soulè­ve­ments popu­laires régio­naux repré­sen­taient pour Israël en 2011 lorsqu’il a déclaré que la révo­lu­tion égyp­tienne qui avait renversé Hosni Mouba­rak et ouvert la voie à une période d’ou­ver­ture démo­cra­tique dans le pays consti­tuait pour Israël une plus grande menace que l’Iran.

Il ne s’agit pas de nier le droit à la résis­tance des Pales­ti­niens et des Liba­nais aux guerres brutales d’Is­raël, mais de comprendre que la révolte unie des classes popu­laires pales­ti­niennes et régio­nales est seule à même de trans­for­mer l’en­semble du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, en renver­sant les régimes auto­ri­taires, en expul­sant de la région les États-Unis et les autres puis­sances impé­ria­listes. La soli­da­rité inter­na­tio­nale anti-impé­ria­liste avec la Pales­tine et les classes popu­laires de la région est essen­tielle, car elles sont confron­tées non seule­ment à Israël et aux régimes réac­tion­naires de la région, mais aussi à leurs soutiens impé­ria­listes.

La tâche prin­ci­pale du mouve­ment de soli­da­rité avec la Pales­tine, en parti­cu­lier en Occi­dent, est de dénon­cer le rôle complice de nos classes domi­nantes qui soutiennent non seule­ment l’État raciste, de colo­nia­lisme de peuple­ment et d’apar­theid d’Is­raël et sa guerre géno­ci­daire contre les Pales­ti­niens, mais aussi les attaques d’Is­raël contre d’autres pays de la région comme le Liban. Le mouve­ment doit faire pres­sion sur ces classes domi­nantes pour qu’elles rompent toute rela­tion poli­tique, écono­mique et mili­taire avec Tel-Aviv.

De cette manière, le mouve­ment de soli­da­rité peut remettre en ques­tion et affai­blir le soutien inter­na­tio­nal et régio­nal à Israël, ouvrant l’es­pace pour que les Pales­ti­niens se libèrent avec les classes popu­laires de la région.

(…)

Et là où l’ANS a conquis des zones kurdes, les droits des Kurdes ont été violés, l’ANS les a répri­més par la violence et a déplacé de force un grand nombre d’entre eux.

Il faut se rendre à l’évi­dence : l’ab­sence d’un bloc démo­cra­tique et progres­siste indé­pen­dant capable de s’or­ga­ni­ser et de s’op­po­ser clai­re­ment au régime syrien et aux forces inté­gristes isla­miques est criante. La construc­tion de ce bloc pren­dra du temps. Il devra combi­ner les luttes contre l’au­to­cra­tie, contre l’ex­ploi­ta­tion et contre toutes les formes d’op­pres­sion. Il devra porter les reven­di­ca­tions de démo­cra­tie, d’éga­lité, d’au­to­dé­ter­mi­na­tion kurde et de libé­ra­tion des femmes afin de créer une soli­da­rité entre les exploi­tés et les oppri­més du pays.

(…)

En outre, l’une des tâches essen­tielles consis­tera à s’at­taquer à la prin­ci­pale divi­sion ethnique du pays, celle entre les Arabes et les Kurdes. Les forces progres­sistes doivent mener une lutte claire contre le chau­vi­nisme arabe afin de surmon­ter cette divi­sion et de forger une soli­da­rité entre ces popu­la­tions. Il s’agit d’un défi qui se pose depuis le début de la révo­lu­tion syrienne en 2011 et qui devra être affronté et résolu de manière progres­siste pour que le peuple syrien soit réel­le­ment libéré.

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Cela dit, ce projet a aussi ses défauts et ne doit pas être soutenu sans critique. Le PYD et l’AANES ont eu recours à la force et à la répres­sion contre les mili­tants poli­tiques et les groupes qui contes­taient leur pouvoir. Ils ont égale­ment perpé­tré des viola­tions de droits humains contre des civils. Néan­moins, le projet a permis d’im­por­tants succès, notam­ment une parti­ci­pa­tion accrue des femmes à tous les niveaux de la société, une codi­fi­ca­tion de lois laïques et une plus grande inclu­sion des mino­ri­tés reli­gieuses et ethniques. Toute­fois, sur les ques­tions socio-écono­miques, il n’a pas rompu avec le capi­ta­lisme et n’a pas répondu de manière adéquate aux doléances des classes popu­laires.

Quelles que soient les critiques que les progres­sistes peuvent adres­ser au PYD et à l’AANES, nous devons reje­ter et nous oppo­ser aux descrip­tions chau­vines arabes qui les quali­fient de « diable » et de projet ethno-natio­na­liste « sépa­ra­tiste ». Mais en reje­tant ce secta­risme, nous ne devons pas roman­cer l’AANES de façon acri­tique, comme l’ont fait certains anar­chistes et mili­tants de gauche occi­den­taux, en la présen­tant à tort comme une nouvelle forme de pouvoir démo­cra­tique par le bas.

Une certaine colla­bo­ra­tion existe déjà entre les démo­crates et progres­sistes arabes syriens et l’AANES et les insti­tu­tions qui y sont liées ; il faut la déve­lop­per et l’étendre. Mais, comme dans tout type de colla­bo­ra­tion, celle-ci ne doit pas se faire sans esprit critique.

(…)

Les diffé­rentes puis­sances ont cepen­dant un objec­tif commun : impo­ser une forme de stabi­lité auto­ri­taire en Syrie et dans la région. Cela ne signi­fie évidem­ment pas une unité entre les puis­sances régio­nales et impé­riales. Elles ont chacune leurs propres inté­rêts, souvent anta­go­nistes, mais elles ne veulent pas de la désta­bi­li­sa­tion du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord – surtout pas d’une désta­bi­li­sa­tion qui pertur­be­rait l’ache­mi­ne­ment du pétrole vers le capi­ta­lisme mondial.

La gauche inter­na­tio­nale ne doit pas se ranger du côté des vestiges du régime ou des forces locales, régio­nales et inter­na­tio­nales de la contre-révo­lu­tion. Au contraire, la bous­sole poli­tique des révo­lu­tion­naires devrait être le prin­cipe de soli­da­rité avec les luttes popu­laires et progres­sistes par le bas. Cela signi­fie qu’il faut soute­nir les groupes et les indi­vi­dus qui s’or­ga­nisent et luttent pour une Syrie progres­siste et inclu­sive, et parti­ci­per au déve­lop­pe­ment d’une soli­da­rité entre eux et les classes popu­laires de la région.

Dans un contexte instable en Syrie, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, nous devons éviter le double piège du roman­tisme et du défai­tisme. Au contraire, nous devons pour­suivre une stra­té­gie de soli­da­rité critique, progres­siste et inter­na­tio­nale entre les forces popu­laires de la région et du monde entier. Il s’agit là d’une tâche et d’une respon­sa­bi­lité essen­tielles de la gauche, en parti­cu­lier en ces temps très complexes.

Le 9 décembre 2024

Publié par Tempest, co-publié en français par Inpre­cor, Contre­temps.eu et la Gauche anti­ca­pi­ta­liste, traduit par NL et relu par l’au­teur.

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