Media­part. Une réunion inter­syn­di­cale natio­nale pour dénon­cer l’im­pos­ture sociale de l’ex­trême-droite.

Face à l’ex­trême droite, les syndi­cats veulent orga­ni­ser la riposte
Réunis à la Bourse du travail, à Paris, les repré­sen­tants de la CGT, de la CFDT et de l’Unsa ont animé une demi-jour­née de réflexion sur la lutte contre l’ex­trême droite. À trois ans de la prési­den­tielle, ils entendent réaf­fir­mer le rôle central des syndi­cats, aux côtés d’al­liés italiens et alle­mands.
Media­part Youmni Kezzou 16 avril 2024 à 19h27

« L’extrême« L’ex­trême droite se coor­donne au niveau euro­péen, alors nous aussi », prévient Sophie Binet. Mardi 16 janvier, à la Bourse du travail de Paris, la secré­taire géné­rale de la CGT parti­cipe à une mati­née de débats coor­ga­ni­sée avec la CFDT et l’Unsa. L’objec­tif : enga­ger un travail unitaire sur la réponse syndi­cale à appor­ter face à la montée des extrêmes droites euro­péennes. Des leaders syndi­caux alle­mands et italiens ont été invi­tés à contri­buer à la réflexion. « Il faut démasquer l’im­pos­ture sociale du RN, pour­suit Sophie Binet. C’est l’enjeu de ces discus­sions. Il faut montrer aux travailleurs et aux travailleuses ce que l’ex­trême droite porte quand elle est au pouvoir. »

(…) « Nous n’avons jamais eu la main qui tremble face à l’ex­trême droite, et nous ne l’au­rons jamais. On ne peut pas avoir le moindre doute, car eux n’en ont aucun, martèle le secré­taire géné­ral adjoint de l’Unsa, Domi­nique Corona. On préfère perdre des adhé­rents mais rester fermes sur nos valeurs, il n’y a que comme ça que l’on peut gagner. »

« Nos centrales ont clai­re­ment affi­ché leur oppo­si­tion avec l’ex­trême droite : on ne débat pas avec elle, on la combat », pour­suit Mary­lise Léon, de la CFDT, avant de s’inquié­ter de la dispa­ri­tion progres­sive du débat poli­tique dans l’en­ceinte de l’en­tre­prise. «  C’est de plus en plus diffi­cile aujourd’­hui d’avoir des discus­sions poli­tiques au sein de la sphère du travail, regrette-t-elle. Il faut démasquer ce qu’est l’ex­trême droite, expliquer ce que c’est aux travailleurs, leur montrer que voter pour l’ex­trême droite, c’est voter contre ses propres droits. Il faut poin­ter concrè­te­ment les idées qu’ils portent, leurs votes. Les syndi­cats sont encore une digue, il faut qu’on tienne. »

À ses côtés, Yasmin Fahimi, prési­dente de la Confé­dé­ra­tion alle­mande des syndi­cats (DGB), insiste sur la néces­sité de « rappe­ler que la vision de l’ex­trême droite, qui tente de trans­for­mer les conflits de la société en conflit contre les étran­gers, n’est évidem­ment pas la bonne manière de faire ». «  On a des conflits autour des salaires, des condi­tions de vie, de l’éga­lité des chances, dit-elle. Voilà ce sur quoi il faut lutter. Et cela n’a rien à voir avec la ques­tion des étran­gers : créer une forte­resse, se couper du reste du monde ne chan­gera rien. »

Réaf­fir­mer le rôle central des syndi­cats

Mauri­zio Landini, secré­taire géné­ral de la Confé­dé­ra­tion géné­rale italienne du travail (CGIL) – l’un des prin­ci­paux syndi­cats italiens –, est quant à lui venu témoi­gner de l’of­fen­sive enga­gée par Gior­gia Meloni contre les travailleurs, les travailleuses et les orga­ni­sa­tions repré­sen­ta­tives depuis son arri­vée au pouvoir dans la pénin­sule. « Nous sommes face à un gouver­ne­ment qui ne recon­naît pas le rôle des orga­ni­sa­tions syndi­cales, indique-t-il. Il n’y a pas de discus­sion, ce gouver­ne­ment commande au lieu de gouver­ner. Il n’y a pas de dialogue social : le gouver­ne­ment te convoque et il décide. » Auteur d’une note sur «  les syndi­cats et le popu­lisme de droite en Europe », Hans-Jürgen Bieling, profes­seur d’éco­no­mie poli­tique, est venu rappe­ler le danger que repré­sente la volonté des extrêmes droites de dépo­li­ti­ser les combats syndi­caux. «  L’objec­tif des partis d’ex­trême droite, c’est de tuer la dimen­sion poli­tique des syndi­cats, d’en faire des orga­ni­sa­tions équi­dis­tantes de tous partis », met-il en garde. « Un travailleur, c’est un citoyen qui n’ar­rête pas d’être citoyen quand il est au travail, ajoute Mary­lise Léon. Un syndi­cat doit porter un projet de société pour obte­nir du progrès social. »

Face à ces tenta­tives de dépo­li­ti­sa­tion, les orateurs et oratrices s’ac­cordent sur l’im­pé­ra­tif de porter un projet de trans­for­ma­tion de la société. Domi­nique Corona de l’Unsa prévient : « Si on veut combattre le RN, il faut redon­ner de l’es­poir aux travailleurs qui ont besoin de ne plus se sentir déclas­sés, isolés. » « On ne se limite pas à critiquer l’ex­trême droite, assure Mauri­zio Landini. Nous deman­dons surtout que tous ceux qui ne sont pas d’ex­trême droite changent de poli­tique. Nous croyons que la logique de l’aus­té­rité fait des dommages impor­tants, il faut la chan­ger si l’on veut lutter de manière effi­cace contre l’ex­trême droite qui exploite ces inéga­li­tés. »

Sophie Binet abonde : « On ne gagnera pas la bataille par des discours mora­li­sa­teurs, il faut qu’on porte des alter­na­tives fortes. L’ex­trême droite pros­père aussi sur le fait que la majo­rité des forces poli­tiques ont renoncé à affron­ter les forces du marché. Nous devons aider à la mise en place d’al­ter­na­tives progres­sistes. »

« Pour appor­ter une note d’es­poir, Yasmin Fahimi, de la DGB, rappelle la grande mobi­li­sa­tion popu­laire déclen­chée en Alle­magne après la révé­la­tion d’un plan secret de cadre de l’AfD pour program­mer la « remi­gra­tion » de millions de citoyen·nes : «  Je suis très opti­miste, lance-t-elle. En Alle­magne, il y a eu des millions de personnes dans les rues contre l’ex­trême droite. On veut profi­ter de cette impul­sion, nous pensons qu’il est possible de faire recu­ler ces tendances. »

La secré­taire géné­rale de la CGT préfère de son côté convoquer le souve­nir du Front popu­laire et la récente union de la gauche espa­gnole pour vanter la néces­sité d’une unité face aux extrêmes droites : « L’unité joue un rôle central face au fascisme, il faut que nous soyons capables de nous rassem­bler, conclut-elle. Il est minuit moins le quart, l’ex­trême droite est aux portes du pouvoir, et les orga­ni­sa­tions syndi­cales peuvent jouer un rôle majeur pour empê­cher ce bascu­le­ment. 

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