5 décembre 2025

Media­part. 25 octobre. Extraits. À Gaza, l’aide reste entra­vée et les États-Unis conti­nuent leurs pres­sions

À Gaza, l’aide reste entra­vée et les États-Unis conti­nuent leurs pres­sions

Gwenaelle Lenoir

(…) affirme à Media­part Jona­than Fowler, porte-parole de l’UNRWA, l’agence des Nations unies char­gée des réfu­gié·es pales­ti­nien·nes.

« Certes, pour­suit-il, nous consta­tons une augmen­ta­tion du nombre de camions auto­ri­sés à entrer, mais les procé­dures israé­liennes qui auto­risent ou inter­disent l’en­trée des semi-remorques sont floues et variables. L’idée d’une norma­li­sa­tion de la situa­tion est trom­peuse. » D’au­tant que l’UNRWA, prin­ci­pal opéra­teur huma­ni­taire dans la bande de Gaza, n’a toujours pas le droit de faire entrer des cargai­sons, au nom de lois ayant banni toutes ses acti­vi­tés votées par le parle­ment israé­lien

Le direc­teur géné­ral de l’Or­ga­ni­sa­tion mondiale de la santé (OMS), Tedros Adha­nom Ghebreye­sus a renchéri lors d’une confé­rence de presse jeudi 23 octobre. Deux semaines après la signa­ture du cessez-le-feu, la situa­tion dans la bande de Gaza reste « catas­tro­phique », la faim tord les esto­macs et la famine pour­suit ses ravages. L’état sani­taire de la popu­la­tion ne risque pas de s’amé­lio­rer, car les produits alimen­taires, médi­caux, de construc­tion, n’entrent pas assez vite et pas en assez grand nombre dans le terri­toire martyr.

L’ac­cord signé sous l’égide de Donald Trump, et dont il se vante tant, prévoit un mini­mum de 600 camions par jour. Mais seule­ment 200 à 300 sont effec­ti­ve­ment auto­ri­sés à péné­trer dans la bande de Gaza par les auto­ri­tés mili­taires israé­liennes, affirme l’OMS. (…)

« Il est néces­saire de souli­gner que le seuil des 600 camions toujours évoqué ne permet d’at­teindre que le niveau de survie, et ne permet pas à la popu­la­tion de vivre norma­le­ment », reprend Jona­than Fowley. En outre, il est néces­saire de comp­ta­bi­li­ser sépa­ré­ment les cargai­sons des agences de l’ONU et des ONG inter­na­tio­nales et celles du secteur commer­cial.

Les premières sont distri­buées gratui­te­ment. Elles four­nissent les cantines commu­nau­taires pour la nour­ri­ture (en aliments secs notam­ment), et les hôpi­taux et centres de santé pour les biens médi­caux. Les secondes sont vendues dans les épice­ries et sur les marchés. Les Gazaoui·es ont certes retrouvé les légumes, les fruits et la viande. Mais il faut encore pouvoir les ache­ter.

(…)

Quan­ti­tés insuf­fi­santes et entrées aléa­toires, l’ache­mi­ne­ment de l’aide reste tribu­taire de déci­sions opaques. À ce jour, seuls deux points de passage, Kerem Shalom dans le sud et Kissou­fim au centre, sont ouverts. Celui de Rafah, à la fron­tière égyp­tienne, reste fermé… après que son ouver­ture a été annon­cée plusieurs fois, puis repor­tée, puis annu­lée jusqu’à nouvel ordre. Résul­tat : des milliers de camions char­gés d’aide attendent toujours le feu vert côté égyp­tien, et les agences de l’ONU paient des fortunes en station­ne­ment à des entre­prises égyp­tiennes.

Autre obstacle : de nouvelles règles instau­rées par Israël, qui remettent en cause les auto­ri­sa­tions accor­dées à la plupart des ONG inter­na­tio­nales.(…)

Or, les nouveaux critères insti­tués en mai 2025 sont inac­cep­tables pour la plupart d’entre elles, dans la mesure où les auto­ri­sa­tions peuvent être retoquées si les ONG en ques­tion critiquent les actions ou la poli­tique israé­lienne. Les orga­ni­sa­tions doivent aussi, selon ces nouvelles règles, four­nir la liste complète de leurs employés locaux.

Résul­tat : l’ad­mi­nis­tra­tion israé­lienne en charge des contrôles des cargai­sons et des auto­ri­sa­tions inter­dit nombre de cargai­sons affré­tées par les ONG inter­na­tio­nales, obli­geant celles-ci à renon­cer ou à passer par les agences onusiennes comme le Programme alimen­taire mondiale (PAM), l’Uni­cef ou l’OMS.

(…)

« Entre le 10 et le 21 octobre 2025, 17 ONG inter­na­tio­nales se sont vu refu­ser l’en­trée à Gaza de cargai­sons d’aide d’ur­gence, compre­nant notam­ment de l’eau, de la nour­ri­ture, des tentes et des four­ni­tures médi­cales. 94 % de tous les refus des auto­ri­tés israé­liennes ont concerné des ONG inter­na­tio­nales », s’in­surgent lesdites orga­ni­sa­tions dans un commu­niqué publié le 23 octobre. (…)

Pour celles qui passent entre les gouttes et pour les agences onusiennes, les cargai­sons sont parfois refou­lées pour cause de biens à « double usage », soit pouvant être utili­sées à des fins civiles ou mili­taires.

« Depuis le cessez-le-feu, deux de nos camions sont entrés. Et deux ont été refu­sés, parce qu’il y avait des objets à double usage nous a-t-on-dit. J’ai regardé les listes, c’était surtout des trolleys pour panse­ments, des béquilles, un auto­clave pour stérili­ser des objets chirur­gi­caux, et des lits pour nour­ris­sons », explique Jacob Gran­ger, coor­di­na­teur des programmes d’ur­gence pour Méde­cins sans fron­tières (MSF), depuis la bande de Gaza.

(…)  le dernier avis de la Cour inter­na­tio­nale de justice, rendu le 22 octobre, (…) « Puis­sance occu­pante », l’État hébreu est dans l’obli­ga­tion « d’as­su­rer la four­ni­ture de produits essen­tiels » et de « ne pas entra­ver la four­ni­ture de ces produits ou ses services liés à la santé publique ». La CIJ a égale­ment déclaré qu’Is­raël « a l’obli­ga­tion d’ac­cep­ter et de faci­li­ter les programmes de secours four­nis par les Nations unies et ses enti­tés », condam­nant ainsi la mise au ban de l’UNRWA, colonne verté­brale de l’aide inter­na­tio­nale dans la bande de Gaza.

Seule­ment, cet avis juri­dique est pure­ment consul­ta­tif. Sans surprise, il a été rejeté par le gouver­ne­ment israé­lien. Le présent n’est donc guère encou­ra­geant. Et l’ave­nir encore plus inquié­tant aux yeux des profes­sion­nels de l’hu­ma­ni­taire.

(…)

L’aide pour­rait alors être coor­don­née par le nouveau centre de coor­di­na­tion mili­taro-civil améri­cain (CMCC) situé dans le sud d’Is­raël et destiné à « surveiller » le cessez-le-feu et les sites dans Gaza « sécu­ri­sés » par des merce­naires états-uniens. « Une sorte de Fonda­tion huma­ni­taire pour Gaza bis, s’inquiète un fonc­tion­naire de l’ONU. Avec les mêmes problèmes qui nous ont fait refu­ser de colla­bo­rer avec la GHF : l’ab­sence d’ac­cès indé­pen­dant et équi­table pour la popu­la­tion, et un contrôle poli­tique de l’aide huma­ni­taire, cette fois non seule­ment par les Israé­liens mais aussi par les Améri­cains. » Le cauche­mar recom­mencé, en pire.

Les États-Unis tiennent beau­coup à ce centre de comman­de­ment tout neuf, à leur cessez-le-feu et à leur contrôle sur l’en­semble des opéra­tions. La ribam­belle des plus hauts respon­sables, offi­ciels et offi­cieux, envoyés par Washing­ton en Israël ces derniers jours en est la preuve.

(…)

Tous sont venus signi­fier à Benya­min Néta­nya­hou que si Israël est leur allié, il n’est pas ques­tion que le cessez-le-feu et le plan rêvé par Donald Trump soient torpillés d’une manière ou d’une autre.

L’ad­mi­nis­tra­tion états-unienne, affirme le site Poli­tico, a montré sa contra­riété auprès d’un allié arabe, décla­rant qu’« Israël est hors de contrôle ». Après la mort de deux soldats dans le sud de la bande de Gaza, les auto­ri­tés israé­liennes ont accusé le Hamas, qui a nié toute respon­sa­bi­lité. Washing­ton a enjoint à son allié de mesu­rer sa réplique. Les frappes qui ont suivi ont tué plus de 40 civil·es pales­ti­nien·nes.

La contra­riété s’est muée en exas­pé­ra­tion après l’adop­tion, mercredi 22 octobre en première lecture par le parle­ment israé­lien, de deux projets de loi sur l’an­nexion formelle de la Cisjor­da­nie.(…)

Donald Trump a donné le coup de grâce lors d’une confé­rence de presse à la Maison-Blanche, répon­dant à une jour­na­liste : « Ne vous inquié­tez pas pour la Cisjor­da­nie. Israël ne va rien faire avec la Cisjor­da­nie. »

Moins de deux semaines après le sommet de Charm al-Cheikh en Égypte, nous voilà déjà bien loin des airs triom­phants affi­chés par le président des États-Unis, et sa préten­tion à avoir apporté la paix au Proche-Orient pour les siècles à venir.

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