Un article provenant du site ami « entre les lignes, entre les mots ».
De nombreux coupables pour Aylan et les millions d’autres…
L’Europe a été secouée ces dernières semaines par deux catastrophes successives qui ont secoué l’opinion publique. Tout d’abord, le 28 aout, les corps de 71 personnes, probablement des Syriens, ont été retrouvé dans un camion abandonné sur une autoroute en Autriche. Parmi les 71 individus, il y avait 59 hommes, huit femmes et quatre enfants, une fillette âgée d’un ou deux ans et trois garçons âgés de 8, 9 ou 10 ans. Quelques jours après, c’était l’image du corps inanimé d’Aylan Kurdi, un enfant Kurde de Syrie âgé de 3 ans, sur une plage turque, qui a suscité une émotion massive à travers l’Europe. Sa mère et son frère Ghalib 5 ans sont également morts lors du naufrage de l’embarcation, seul le père a survécu.
L’histoire de la famille du petit Aylan reflète la tragédie du peuple syrien. Le père d’Aylan, Abduallah Kurdi, avait d’abord été emprisonnée et torturé par les services de sécurité du régime Assad. Il a du vendre son échoppe à Damas afin de soudoyer les membres des services de sécurité pour le laisser sortir. Cela lui a coûté environ 25.000 $. Il a ensuite quitté Damas pour Alep, pour la quitter peu après à cause des bombardements constant des avions du régime Assad. Il se retrouve alors avec sa famille dans sa ville natale Kobani. Cela ne sera malheureusement qu’un court répit, l’Etat Islamique commence son offensive sur la ville et pousse la famille Kurdi au départ à nouveau, cette fois ci la Turquie. Là-bas, il ne reçoit aucune aide du gouvernement turc et après le refus du Canada d’accorder à Abdullah Kurdi et son frère l’asile où leur sœur vit, la famille décide alors de quitter le pays en achetant pour 6000$ à un passeur 4 places dans une embarcation de fortune pour rejoindre les iles grecques de Kos.
L’histoire de la famille Kurdi est l’histoire de millions de famille en Syrie qui ont été poussées à quitter leurs pays à cause en premier lieu de la barbarie du régime Assad qui massacre et bombarde de manière continue des villes et régions entières en Syrie depuis le début du soulèvement il y a plus de 4 ans. Lors des six premiers mois de l’année 2015, les hélicoptères du régime Assad ont largué 10,423 des barils explosifs sur différentes régions du pays, tandis que ce sont les forces du régime qui ont tué presque 90% des civils sur cette même période, 7 fois plus que l’Etat Islamique
L’apparition progressive des forces fondamentalistes islamiques réactionnaires du type de l’Etat Islamique et Al-Qaida ont également provoqué le départ forcé de nombreuses populations à cause de leurs pratiques et de leur autoritarisme. Plus de la moitié de la population syrienne est aujourd’hui déplacée (à l’intérieur ou l’extérieur du pays), tandis que plus de 80% de la population en Syrie vit autour ou en dessous du seuil de pauvreté. Le taux de chômage est supérieur à 50% alors que l’espérance de vie a été réduite de 20 ans.
Il faut dénoncer ces forces contre révolutionnaires, ancien régimes et forces islamiques fondamentalistes qui sont les premiers responsables des déplacements forcés de millions de personnes, et apporter notre soutien aux révolutionnaires dans la région qui les combattent.
Sans nier la responsabilité des passeurs dans les drames successifs qui ont touchés les personnes fuyant les guerres et les oppressions, ce sont néanmoins les politiques racistes et sécuritaires de l’Union Européenne (UE) en matière de migration qui sont également responsables de cette situation.
La politique de fermeture des frontières pousse des centaines de milliers de personnes fuyant la guerre et la misère à utiliser des moyens illégaux et dangereux pour tenter de rejoindre les pays européens. Le peu de réfugiés qui arrivent en Europe, l’immense majorité restant dans les pays hors de l’UE, doivent faire face à violence de la police – le « camp de la jungle » à Calais, en France; la construction par la Hongrie d’une clôture de quatre mètres de haut sur les 175 kilomètres de sa frontière avec la Serbie, ou les opérations navales menées par la compagnie Frontex en mer Egée et en Méditerranée qui ont fini en tragédies avec des milliers de personnes mortes noyées.
Il faut néanmoins relever que malgré leur situation difficile, un grand nombre de ces réfugiés se sont organisés pour résister et protester face aux attaques policières et sécuritaires des états de l’UE que ce soit contre les persécutions à la gare ferroviaire de Budapest, dans les camps de Calais et en Grèce, et sur la frontière hongroise. En Suisse romande, nous avons également pu voir les réfugiés se mobiliser et participer aux luttes contre leurs conditions de vies et les renvois.
En même temps, la propagande raciste et islamophobe de l’extrême droite européenne n’a cessé de caractériser tous les réfugiés syriens et autres comme des terroristes en puissances comme Nigel Farage, leader du Parti de l’indépendance du Royaume-Uni qui a averti que ceux qui fuient était probablement des « extrémistes de l’Etat Islamique ou d’autres groupes djihadistes ». Ces dirigeants ne sont pas différents dans leur propagande que le dictateur Assad qui a écrit sur twitter il y a quelques jours : « Le terrorisme ne s’arrêtera pas là, il s’exportera à travers l’immigration illégale ».
Si l’extrême droite ne les caractérise pas comme terroristes, ils les accusent de menacer les racines « chrétiennes » de l’Europe. Le Premier ministre hongrois Viktor Orba, a déclaré que l’afflux massif de migrants menace les « racines chrétiennes » de l’Europe. La cheffe du mouvement fasciste du Front National, Marine Le Pen, a de son côté appelé à la fermeture complète des frontières.
Les morts qui se sont accumulé dans le passé sur les routes ou dans la mer Méditerranée n’ont rien changé, cela sera t’ il différent cette fois? L’UE continuera t’ elle de construire sa forteresse, et de mener sa guerre contre les droits humains, tout en poursuivant ses politiques impérialistes, responsables aussi des problèmes politiques et économiques qui sont à l’origine de la fuite des migrants? Selon moi il ne faut pas compter sur les dirigeant européens, mais au contraire construire les résistances.
L’émotion suscitée par ces évènements tragiques ont provoqué des mobilisations de soutiens aux migrants et réfugiés à travers l’Europe qui contrastent singulièrement avec celles de leurs dirigeants. Plus de 20.000 personnes ont manifesté à Vienne, en Autriche, pour accueillir les réfugiés, tandis que des rassemblements populaires ont eu lieu en Europe pour témoigner de l’indignation populaire face à ces politiques. Des milliers de manifestants se sont mobilisés contre le racisme en Allemagne. De grandes quantités d’aides ont été recueillies dans les lieux de travail et au sein de nombreuses communautés en Grande-Bretagne pour être emmenés dans des camps de réfugiés en France. Sans le soutien des populations locales en Grèce, Macédoine et la Serbie les réfugiés en provenance de Syrie n’auraient pas pu atteindre Budapest, affrontant la police aux frontières et dans les gares.
Cette solidarité est bienvenue et doit être saluée, mais cela n’est pas suffisant. Face aux dérive xénophobes et sécuritaires de l’UE, il faut nous organiser et nous battre, aux côtés des sans-papiers et des réfugiés pour imposer l’ouverture des frontières, la libre circulation et l’accueil digne des personnes fuyant les guerres, les oppressions et la misère sociale. Il faut mettre un terme aux camps, aux politiques racistes et surtout remettre en cause le système capitaliste à l’origine de ces catastrophes.
Les mots de la révolutionnaire Rosa Luxemburg résonnent aujourd’hui d’une vérité sans appel: « D’ordinaire un cadavre est quelque chose de muet et de peu remarquable. Mais il en est qui crient plus fort que des trompettes et éclairent plus que les flambeaux. A bas l’infâme régime social qui engendre des pareilles horreurs ! »
Joseph Daher, 6 septembre 2015