Après les légis­la­tives, faire vivre notre projet poli­tique à l’échelle locale

Les succès rencon­trés par le Nouveau Front Popu­laire et la majo­rité rela­tive qu’il obtient à l’As­sem­blée natio­nale sont une formi­dable nouvelle, qui place toute la gauche face à d’énormes respon­sa­bi­li­tés. Les syndi­cats et le mouve­ment asso­cia­tif ont égale­ment un rôle déci­sif à jouer dans cette période. Au-delà, pour toutes celles et ceux qui veulent barrer la route à l’ex­trême-droite et ne supportent plus la dérive poli­tique de ces dernières années, l’im­pli­ca­tion collec­tive sera indis­pen­sable, partout où il est possible d’agir, dans les entre­prises et les services publics, les quar­tiers ou les villages.

Loca­le­ment, nous avons vécu une incroyable mobi­li­sa­tion élec­to­rale, victo­rieuse dans la première circons­crip­tion de la Vienne et parti­cu­liè­re­ment dyna­mique dans la deuxième circons­crip­tion, même si la campagne diffa­ma­toire et mani­pu­la­trice de Sacha Houlié, Auré­lien Bour­dier et Alain Claeys leur permet d’em­por­ter la victoire. De réunions en événe­ments publics et en porte-à-porte, l’en­goue­ment était palpable. Chaque jour, de nouveaux sympa­thi­sants et sympa­thi­santes nous rejoi­gnaient, parmi lesquelles de nombreux jeunes, des femmes, des personnes raci­sées, et pour finir près de 300 mili­tantes et mili­tants se déployant dans l’en­semble de cette deuxième circons­crip­tion. Les rela­tions avec les autres forces du Nouveau Front Popu­laire sont restées placées sous le signe de la coopé­ra­tion et, dans la deuxième circons­crip­tion, la colla­bo­ra­tion rappro­chée avec le PCF s’est révé­lée aussi effi­cace que frater­nelle.

Ensemble, nous avons à nous appro­prier cette nouvelle situa­tion poli­tique et à faire fruc­ti­fier les liens créés ces dernières semaines.

Le premier ensei­gne­ment de ce scru­tin, c’est le renfor­ce­ment de l’an­crage élec­to­ral du Rassem­ble­ment natio­nal dans l’en­semble des groupes sociaux et dans toutes les régions. Le travail de légi­ti­ma­tion de l’ex­trême-droite a joué à plein, orches­tré de longue date par les intel­lec­tuels réac­tion­naires et les groupes média­tiques domi­nants, et conforté par les initia­tives poli­tiques des « répu­bli­cains » et des macro­nistes. La mobi­li­sa­tion contre le RN a été utile et, au-delà des élec­tions, il nous faudra travailler au renfor­ce­ment de la soli­da­rité anti­fas­ciste, contre le déchai­ne­ment des actes racistes, sexistes et homo­phobes.

Mais nous avons aussi à travailler sur les divi­sions qui traversent la classe ouvrière et l’en­semble de la popu­la­tion. Le déve­lop­pe­ment de l’élec­to­rat RN va de pair avec l’ac­crois­se­ment d’un clivage social qui pèse profon­dé­ment sur nos tenta­tives de réunir le sala­riat et les caté­go­ries modestes autour d’un projet progres­siste. La déses­pé­rance produite par les délo­ca­li­sa­tions indus­trielles, le recul des services publics et l’ef­fon­dre­ment du pouvoir d’achat n’en finissent plus de faire gros­sir l’agré­gat réac­tion­naire, natio­na­liste et trum­piste. Dans ce contexte, il va de soi que nous nous tenons aux côtés de celles et ceux qui sont les plus oppri­més, par le travail, par leurs condi­tions d’ha­bi­tat et par la raci­sa­tion. Mais cela ne saurait faire oublier qu’il nous faut aussi arra­cher au ressen­ti­ment une partie au moins des classes popu­laires et des petites classes moyennes qui votent RN, celles qui sont déses­pé­rées de l’école, de la lutte collec­tive et de la vie en commun.

Le mouve­ment insou­mis reste un pôle de rassem­ble­ment pour une véri­table alter­na­tive poli­tique, sociale, écolo­gique et démo­cra­tique. Nous avons pu une nouvelle fois le mesu­rer à travers l’en­goue­ment suscité par notre campagne dans la deuxième circons­crip­tion. Que ces nouveaux mili­tants et mili­tantes soient en affi­nité avec le style clivant de la direc­tion de notre mouve­ment ou qu’ils en soient critiques, ils et elles ont en commun d’adhé­rer aux grandes lignes de force de notre programme et à la cohé­rence de nos enga­ge­ments sur le terrain, loin des luttes d’égos et des pratiques bureau­cra­tiques. En dépit des péri­pé­ties propres à chaque élec­tion, et malgré les violentes campagnes de déni­gre­ment dont nous sommes l’objet, nous ne pouvons qu’être frap­pés par l’exis­tence durable de ce courant d’opi­nion en phase avec la société de notre temps. Il nous revient de mener désor­mais deux chan­tiers de front : celui de la muta­tion démo­cra­tique de notre mouve­ment à l’échelle natio­nale et celui d’une construc­tion démo­cra­tique de masse à l’échelle locale, inté­grant la jeunesse et les quar­tiers popu­laires.

Le rassem­ble­ment de la gauche et des écolo­gistes a une nouvelle fois montré son utilité. Au-delà de la méca­nique élec­to­rale, il répond à une aspi­ra­tion d’une large partie de nos élec­to­rats, exas­pé­rés par le spec­tacle de la divi­sion. Nous en connais­sons les limites. Chacune des forces en présence cultive l’am­bi­tion d’être le centre de gravité de la recom­po­si­tion en cours et alterne entre moments isola­tion­nistes et moments unitaires. Et même les plus enga­gés d’entre nous se retrouvent pério­dique­ment placés en spec­ta­teurs et spec­ta­trices du feuille­ton de l’union et de la désunion. C’est là une concep­tion archaïque de la poli­tique. Sans travail en commun à la base, rien de solide et de durable ne sera construit. Débattre et agir ensemble, en ouvrant grand les portes aux nouveaux et aux nouvelles venues, est à la fois une néces­sité démo­cra­tique, une condi­tion de notre effi­ca­cité, et le moyen d’ap­pro­fon­dir les débats qui demeurent entre nous, qu’il s’agisse des raisons qui ont conduit au désastre du mandat de François Hollande ou des prises de posi­tion jugées trop clivantes de la direc­tion de notre mouve­ment.

A Poitiers, cette construc­tion unitaire à la base doit néces­sai­re­ment se conju­guer avec le projet que nous souhai­tons porter pour les muni­ci­pales de 2026. Le bilan de l’équipe Poitiers collec­tif est pour le moins contrasté et il existe un sérieux risque que cette équipe soit battue par le conglo­mé­rat préten­du­ment « socia­liste » ou de « gauche », consti­tué par A. Claeys, A. Bour­dier et S. Houlié. Dans ce contexte, la posi­tion la plus juste et la plus effi­cace pour gagner est de travailler à une offre poli­tique qui ouvre une nouvelle pers­pec­tive pour Poitiers et Grand Poitiers, prenant réso­lu­ment en compte les besoins et les exigences portées par les habi­tants et les habi­tants, dans leur diver­sité. Un projet fait d’éco­lo­gie popu­laire, de démo­cra­tie sociale et de soli­da­rité concrète, qui implique des collec­tifs d’ha­bi­tants, des syndi­ca­listes et des béné­voles asso­cia­tifs. Une offre poli­tique qui barre la route aux revan­chards de l’an­cienne gauche sans s’en­fer­mer dans les contra­dic­tions de l’ac­tuelle équipe muni­ci­pale. Un projet qui parvienne fina­le­ment à rassem­bler l’en­semble de la gauche, en propo­sant une pratique diffé­rente du pouvoir, dans une arti­cu­la­tion étroite entre nos ambi­tions sociales, écolo­giques et démo­cra­tiques.

L’ur­gence, c’est de faire vivre notre projet poli­tique à l’échelle locale, sans outrance et sans rallie­ment, avec la certi­tude tranquille que, loin des cari­ca­tures, nous repré­sen­tons un courant qui apporte une réponse aux attentes ou à l’exas­pé­ra­tion de nombre de nos conci­toyennes et conci­toyens. Avec la volonté d’en découdre avec le pouvoir de la finance, des multi­na­tio­nales qui délo­ca­lisent et de l’agro-indus­trie qui pille nos ressources, mais avec le souci de convaincre par l’exem­pla­rité de nos pratiques, en montrant que, plus que jamais, nous sommes une force réso­lu­ment fédé­ra­trice.

Bertrand Geay

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