Texte de trois camarades d’Ensemble insoumis.
La réforme présentée par le Ministre Blanquer au Conseil supérieur de l’Education le mercredi 10 octobre 2018 consacre au travers de nouvelles grilles horaires et des regroupements de spécialités la destruction de l’enseignement professionnel public.
Ce n’est pas un hasard si elle s’accompagne dès la rentrée prochaine de la suppression de 2600 postes dans le second degré, dont un très grand nombre dans les LP. Elle organise la casse de diplômes fondés sur une logique globale de qualification, au profit d’une logique étroite de certification partielle des compétences. En effet, sous le prétexte commode de l’insertion des jeunes, elle vise explicitement « l’employabilité » au détriment de la construction d’un véritable parcours de formation générale et professionnelle au lycée et au-delà. Elle généralise à tous les établissements la mise en concurrence par l’apprentissage de l’enseignement professionnel sous statut scolaire. Elle programme l’appauvrissement dramatique des contenus de formation générale (Humanités, Culture scientifique et mathématique, Enseignement des arts) et professionnelle (éco-gestion, prévention santé environnement, spécialités professionnelles). Elle vise enfin, dans la continuité de Parcoursup’, le blocage des possibilités de poursuite d’étude pour la très grande majorité nos élèves…
Les enjeux sont matériels avec un impact sur les structures (l’offre de formation) et les postes (le nombre des enseignants et les effectifs par classe), ainsi que sur les horaires avec une réduction de 9 à 11 semaines de formation sur trois ans en Baccalauréat professionnel (- 380 heures en moyenne), de 6 à 7 semaines en CAP sur deux ans tout cela dans une logique de réduction des moyens et de suppressions de postes. En baccalauréat professionnel ce sont notamment 20 % des horaires d’enseignement général qui s’évanouissent en fumée. En CAP les réductions d’horaires en enseignement général avoisinent les 50 % !
Comment mieux dire que ce qui gouverne cette réforme c’est le mépris le plus total pour une voie de formation qui scolarise plus de 650 000 jeunes pour leur immense majorité issu.es des classes populaires…
Mais si la réforme du lycée professionnel est bien sûr mise au service des suppressions de postes elle constitue en même temps une réaction radicale par rapport à l’acquis qu’a représenté la création du Baccalauréat professionnel, et l’invention des Lycée professionnels en lieu et place des Centre d’Education Technique (CET). C’est le retour assumé à la marginalité au sein du système éducatif d’une voie de formation au rabais et à moindre coût, dont la vocation est d’ouvrir la porte de l’apprentissage, de fermer celle de l’enseignement supérieur et de pousser à l’insertion professionnelle dans des conditions de profonde déqualification. Il n’est pas indifférent de noter dans ce contexte qu’elle accompagne le gel jusqu’à 2020 de la carte de l’éducation prioritaire, alors que les Lycées professionnels comme les Lycées Généraux et Technologiques relevant de l’éducation prioritaire ne bénéficient plus depuis deux ans déjà d’aucun classement de ce type.
Malgré l’opposition majoritaire des organisations représentées au Conseil Supérieur de l’Education, le Ministre a confirmé sa volonté de commencer son application à la rentrée prochaine, en septembre 2019 donc, dans les classes de seconde.
Le 27 septembre dernier une première mobilisation unitaire, associant notamment la CGT Educ’action, le SNUEP-FSU et SUD éducation a donné lieu à une première grève de la Voie Pro’ et à des rassemblements, à Paris, Toulouse et Marseille notamment. De nouveau le 9 octobre de nombreuses équipes de lycée professionnel étaient en grève.
L’urgence est à la construction d’un large front du secteur. Structuré démocratiquement, prenant appui sur une coordination des établissements mobilisés et susceptible, avec les organisations syndicales en lutte contre la réforme, de vaincre la résistance de celles qui ont pris le parti mortel de l’accompagnement et d’entraîner largement les personnels d’enseignement et d’éducation des lycées professionnels. Le 12 novembre est la prochaine occasion pour cela. Il doit permettre de progresser localement dans la construction d’un tel front, associant largement à la mobilisation et à la lutte les parents et les élèves.
Il doit aussi permettre de poser à une échelle nouvelle notre exigence du retrait de cette réforme et de gagner a minima un moratoire sur son application à la rentrée 2019.
Myriam Martin, Emmanuelle Johsua, Emmanuel Arvois