Le mardi 25 novembre au soir, pour clôturer la semaine nationale contre le gaspillage, nous étions cinq militants des jeunes écologistes de Poitiers à vouloir faire une petite soirée d’action. Au programme : dessins à la craie au sol, action anti-pub (post-it) et tags en mousse. Notre chemin nous a mené près des Cordeliers – centre commercial du centre-ville de Poitiers –, et nous avons voulu, devant l’entrée du centre (sous un porche), faire un dessin à la craie. Nous avons représenté de l’herbe avec des fleurs, un papillon et une coccinelle sous une inscription : « Sous les pavés, la terre ». Sur la partie basse d’un des murs, nous avons également commencé à écrire avec notre peinture naturelle et biodégradable un slogan : « Faîtes l’amour, pas les soldes ».
Nous avons été alors interceptés par le service de sécurité des Cordeliers, qui nous a fait rentrer dans leur local. Sans discussion possible, ils ont appelé la police et nous avons vu cinq policiers arriver. Ces derniers ont alors pris la main et débuté un « échange », qui n’en fût pas un.
Nous sommes de bout en bout restés polis, avons répondu aux questions qui nous étaient posées et convenus que nous allions nettoyer les dessins. Mais nous avons senti une grande hostilité et un certain mépris de la part des policiers, une réelle envie de nous infantiliser :
« On va s’occuper des gamins, les parents doivent s’inquiéter » lorsqu’ils sont arrivés.
Voici quelques bribes des échanges :
– Ah la ZAD… (avec un certain dédain, en trouvant un pin’s de la ZAD lorsqu’ils ont fouillé nos sac). Plus que de commenter chacun des pin’s présents sur un sac, un agenda a également été inspecté.
– Frotte !! (a brutalement ordonné un policier à l’un de nos militants alors qu’il était en train de nettoyer le dessin à la craie, à terre, sans rien dire. Propos vraisemblablement accompagné par un geste agressif).
– Vous êtes insolente et arrogante ! (a crié l’un des policiers à une adhérente sans raison).
– Vous n’êtes pas des citoyens, vous êtes des hors-la-loi là.
– Faut arrêter de croire dans la vie!
– Ce que vous faîtes, la vie vous le rendra. Ça se retournera contre vous.
Un plus long :
– Unicité (sur un pull)? C’est quoi ça?
– C’est le nom des services civiques.
– Ah bah vous devriez connaître le nettoyage…
Pour conclure : il semble qu’en effet, l’action en elle même peut poser problème, sachant que le centre commercial est un lieu privé. Mais malgré cela, rien ne justifiait un tel type d’échange. Nous nous répétons, mais nous sommes restés polis, avons dis merci lorsqu’ils nous ont laissés repartir… Pour nous, cela pose de graves problèmes d’expression dans une société démocratique, et d’égalité entre les citoyens. D’une part, notre action était civique et esthétique, à l’exact opposé de la dégradation. Civique car biodégradable et minime (peu d’espace utilisé, messages non agressifs…). Esthétique car originale et colorée. Les gens qui nous voyaient dessiner avec nos craies étaient agréablement surpris, voir même contents de voir que des jeunes ont des initiatives d’expression particulières. Au contraire, lors de l’échange avec les policiers, nous avons eu l’impression d’être dès le début des « ennemis », comme si il y avait une guerre entre militants de gauche et policiers. Nous persistons à penser que ça n’est pas le cas. Avant toute chose nous sommes des citoyens, nous devons nous écouter et nous respecter. Cela n’a pas été le cas et nous pensons qu’il y a eu abus. Rien ne nécessitait ces jugements de valeurs, l’infantilisation et le mépris. Il y avait vraisemblablement la volonté de nous intimider. Nous pensons que le rôle des policiers doit être plus celui de la prévention, et surtout doit demeurer dans le domaine du droit. De plus, alors qu’il est question de crise de la démocratie, de désintéressement des jeunes à la politique, nous nous rendons brutalement compte que l’expression est réprimandable. Comment s’exprimer si même avec des craies ou des mousses végétales biodégradables, sans ne rien abîmer, nous sommes condamnables? Comment l’image de la police peut elle être réhabilitée lorsque des échanges de ce type se déroulent? Lorsqu’ils semblent considérer les autres citoyens comme des ennemis potentiels? Loin de ce qui est dit dans les médias traditionnels, des abus et des provocations sont commis par les forces de l’ordre, comme ceux que nous avons vécu l’autre jour. Ce sont ces abus qui peuvent malheureusement provoquer des cas de violence, qui peuvent finir tragiquement, comme on le sait encore plus aujourd’hui.
Une fois de plus, il semble que ce sont des intérêts privés qui sont défendus. Les seuls à avoir le droit de s’exprimer dans la rue seraient les publicistes, et cela dans leur intérêt propre. Quand il s’agit de l’intérêt des citoyens, de leurs droits à s’exprimer, les restrictions sont immenses. Et tout cela est encadré par le droit.
Nous avons compris la leçon. Nous ne dessinerons plus à la craie devant les Cordeliers. Mais nous continuerons à essayer de verdir légalement la ville et de proposer aux citoyens une alternative politique à travers ce type d’action. N’oublions pas que le mouvement des jeunes écologistes est caractérisé par son pacifisme, son envie de débattre, le respect et la légalité de ces actions.
RT @Ensemble86: Chronique militante pas très joyeuse mais à partager largement: Un témoignage des jeunes écologistes de Poitiers http://t.c…
RT @Ensemble86: Chronique militante pas très joyeuse mais à partager largement: Un témoignage des jeunes écologistes de Poitiers http://t.c…
D’autres jeunes aussi sont l’objet de l’attention très rapprochée de la police, ici comme ailleurs.
Oui, il y a une volonté d’intimidation des jeunes, même armés d’une simple craie, depuis des années, à Poitiers comme ailleurs, de la part de ce gouvernement néolibéral comme de la part de celui qui le précéda. Oui, la liberté d’expression est un ennemi pour les néolibéraux.