« HOMMAGE
Pendant que d’autres vont vous rendre hommage, moi, Monsieur François MICHELIN, je vais le rendre à ceux qui vous ont permis d’exister.
Je rends hommage aux centaines de milliers de travailleurs anonymes qui ont fait votre fortune et celle de la Maison Michelin.
Je rends hommage aux militants de la C.G.T. et aux travailleurs du siècle dernier qui ont été licenciés, interdits de travail, voir déportés en 1939–1945, comme le communiste Robert MARCHADIER.
Je rends hommage aux dizaines de milliers de licenciés économiques abusifs.
Je rends hommage aux 2500 travailleurs reconnus en maladies professionnelles.
Je rends hommage aux 250 malades de l’amiante dont la plupart sont décédés. `
Je rends hommage à tous ceux qui ont été empoisonnés par l’industrie du caoutchouc : benzène, toluène, hydrocarbure, amines aromatiques, radioactivité, fumées, vulcanisations, etc…
Je rends hommage à ceux qui ont combattu la » Cagoule » au sein de votre usine, pendant que certains de vos cadres montaient régulièrement à Paris pour organiser ce mouvement fasciste destiné à renverser la République. Vous avez poursuivi une étroite relation avec la branche la plus conservatrice de l’Eglise, puisque nombre d’observateurs ont pu vous voir au monastère intégriste de Randol proche de Clermont-Ferrand.
Je rends hommage aux » pisses-vinaigres » que j’étais pour vous, vous ayant tenu tête.
Je rends hommage aux syndicalistes que vous avez haït et décrit comme » les verts dans le fruit « .
Je rends hommage aux 189 licenciés reconduit en taxi, dont certains se sont suicidés suite à ce scandale.
Je rends hommage aux travailleurs vietnamiens qui ont été assassinés dans vos plantations après avoir connus l’enfer de conditions de travail rappelant l’esclavage le plus ignoble.
Je rends hommage à ceux qui se sont suicidés, au travail ou à leur domicile, suite au harcèlement mis en place contre eux.
Je rends hommage à ceux qui, comme moi, ont eu leur carrière bloquée et ont été discriminés pour, je cite : » Ne respecte pas les valeurs de l’entreprise » .
Je rends hommage aux syndicalistes, anarchistes, communistes, chrétiens etc… qui ont été victimes de discriminations au travail permanentes.
Je rends hommage aux 7500 licenciés qui ont fait grimper la Bourse pour vos profits, et qui se résume à cette expression méprisante de « licenciements boursiers ».
Je rends hommage également à ceux qui, aujourd’hui, luttent dans vos usines de par le monde.
Pour conclure :
Vous venez de décéder à la maison de retraite « les Petites Sœurs des Pauvres » aux Carmes, comme apparemment un pauvre gueux. Jusqu’au bout, vous avez véhiculé votre image de l’homme humble. J’ose espérer que vous avez déclaré un mécénat pour dons aux œuvres religieuses.
Mais, vous faites partie de la grande bourgeoisie industrielle et financière malgré vos airs de simplicité, cet habillage n’a trompé que ceux qui ne voulaient pas voir et ceux que cela arrangeait.
Oui, j’ai appris sous vos ordres que les lois de la République ne s’appliquent pas derrière les portes de vos usines et coffres. Ce qui s’applique, c’est le système Michelin dit de la Maison : » L’autorité ne se partage pas, elle s’incarne « .
Oui, Monsieur vous m’avez haït avec votre système Maison, parce que je partageais les idées de la C.G.T. et du parti communiste. Vous me considériez comme un ennemi de l’intérieur, un terroriste. Effectivement, j’en étais un, qui combattait la terreur que vous faisiez subir aux salariés qui ne se conformaient pas dans le moule de la Maison.
Aujourd’hui, je vous rends la monnaie de la pièce comme pendant les grandes grèves contre l’augmentation de notre prix horaire » 20 centimes de francs « .
Oui, Monsieur nous ne sommes pas de la même classe sociale, je fais partie des gueux et je reste debout avec ma classe, celle des travailleurs.
Oui, Monsieur combien de fois ai-je entendu cette phrase venant d’un tel qui était brimé, de mauvaises conditions de travail, ou après une injustice de la hiérarchie. : » Ah ! Si François savait tout cela, ça changerait « . Votre paternalisme fonctionnait bien.
Mais, Monsieur, vous saviez tout cela, car vous étiez le Patron, c’est vous qui dirigiez le navire et donc toute la philosophie Maison. Comme le dit Yvan LEVAÏ dans le film » Paroles de Bibs » :
» bien sur qu’ils en ont fracassé du monde dans l’usine, mais la morale est sauve, le Patron est là et il va à la messe le dimanche « .
Oui, Monsieur, le jour de votre enterrement, je ferais la fête avec mes amis, comme les mineurs Gallois pour le décès de la mère THATCHER . Je vous dois bien cela pour tout le mépris que vous avez montré à mon égard.
Je ne regrette rien, si cela était à refaire, je le referais.
Un gueux, ouvrier et syndicaliste Michelin,
Jean-Pierre SEREZAT »