Face aux drames et au popu­lisme pénal, défendre le droit à l’édu­ca­tion pour toutes et tous pour les enfants de ce pays

Face aux drames et au popu­lisme pénal, défendre le droit à l’édu­ca­tion pour toutes et tous pour les enfants de ce pays

Face aux drames et au popu­lisme pénal, défendre le droit à l’édu­ca­tion pour toutes et tous pour les enfants de ce pays

« L’ins­tru­men­ta­li­sa­tion de la justice pénale des mineur·es à des fins sécu­ri­taires tend à faire oublier l’ef­fon­dre­ment de la protec­tion de l’en­fance et des moyens qui lui sont alloués ». Un ensemble de profes­sion­nel·les du secteur social, éduca­tif de la justice et des person­na­li­tés, appelle à des rassem­ble­ments le 12 février pour dire leur oppo­si­tion à la propo­si­tion de loi Attal, exami­née à l’As­sem­blée natio­nale.

Les décla­ra­tions de ces derniers jours et qui accom­pagnent désor­mais chaque drame mettant en cause des mineur·es, viennent porter une vision parti­cu­liè­re­ment simpliste et oppor­tu­niste de la justice des enfants en France. Le choc et la tris­tesse face à de tels drames doivent avant tout guider une action publique sobre et respec­tueuse du deuil des familles de victimes. Il est néces­saire de penser la respon­sa­bi­lité collec­tive de notre société plutôt que de renon­cer aux prin­cipes éduca­tifs qui fondent le sens même de la justice des mineur·es.

Les propos tenus dans la presse par certains membres du gouver­ne­ment, tendent à norma­li­ser, voire vali­der les idées de l’ex­trême droite qui souhaitent détruire les fonde­ments d’une justice spécia­li­sée pour les enfants et les adoles­cent·es de ce pays. Il s’agit pour­tant d’un prin­cipe fonda­men­tal, à valeur consti­tu­tion­nelle et consa­cré par le droit inter­na­tio­nal (Conven­tion inter­na­tio­nale des droits de l’en­fant) qui repose sur le postu­lat qu’un·e enfant est un·e adulte en construc­tion et doit à ce titre faire l’objet d’une prise en charge et d’un suivi spéci­fique. Il doit avant tout être proté­gé·es et accom­pa­gné·es.

L’ins­tru­men­ta­li­sa­tion de la justice pénale des mineur·es à des fins sécu­ri­taires tend à faire oublier l’ef­fon­dre­ment de la protec­tion de l’en­fance et des moyens qui lui sont alloués. On comp­tait au 1er octobre 2024, 4 211 mesures éduca­tives non attri­buées. Ce sont autant de jeunes qui ont été repé­ré·es par l’ins­ti­tu­tion judi­ciaire mais qui ne sont pas seront pas accom­pa­gné·es.

S’agis­sant du domaine de la protec­tion de l’en­fance, où les déci­sions de justice ne sont pas non plus exécu­tées, la Défen­seure des Droits vient de rendre publique une « déci­sion cadre »concer­nant la situa­tion extrê­me­ment dégra­dée de la protec­tion de l’en­fance, mettant en lumière des dysfonc­tion­ne­ments graves et globaux, qui génèrent des atteintes massives aux droits de l’en­fant.

Aujourd’­hui, la justice manque de tout pour les enfants, mais prin­ci­pa­le­ment de temps éduca­tif auprès des jeunes. Cette idée est complè­te­ment éludée au profit d’un simu­lacre « d’ac­tion/réac­tion » où l’in­car­cé­ra­tion de courte durée et du choix carcé­ral salva­teur cachent une complai­sance aux idées naïves et la volonté de ne pas mettre les moyens là où ils sont utiles et néces­saires.

Il est urgent de donner à la justice et aux services de l’aide sociale à l’en­fance les moyens de proté­ger tous les enfants !

Alors que l’encre du CJPM (Code de la Justice Pénale des Mineurs) est à peine sèche voilà qu’il est remis en cause, la césure qui en a été le cœur est contes­tée, des ministres demandent la systé­ma­ti­sa­tion des peines de prisons courtes, nonobs­tant leur inef­fi­ca­cité.

Non seule­ment l’en­fer­me­ment conduit à un plus grand nombre de réité­ra­tions que toute autre prise en charge mais il induit égale­ment d’im­por­tantes séquelles chez les enfants et les adoles­cent·es (Cf : étude d’Alice Simon sur les effets de l’in­car­cé­ra­tion 2023 : Les effets de l’en­fer­me­ment sur les mineurs déte­nus | minis­tère de la Justice).

Profes­sion­nel·les du secteur social éduca­tif, de la justice, du médico-social, de l’édu­ca­tion, asso­cia­tions de défense des droits humains, huma­nistes, parents, nous soute­nons des lois et des moyens pour éduquer nos enfants plutôt que pour les enfer­mer.

Nous appe­lons à la mobi­li­sa­tion et au sursaut pour défendre le droit à l’édu­ca­tion les enfants de ce pays. Nous appe­lons à des rassem­ble­ments partout en France devant les tribu­naux le 12 février 2025 et devant l’As­sem­blée natio­nale pour dire notre oppo­si­tion à la propo­si­tion de loi Attal.

Premier·es Signa­taires :

Orga­ni­sa­tions :
SNPES-PJJ/FSU ; Syndi­cats des Avocats de France ; Syndi­cat de la Magis­tra­ture ; Obser­va­toire Inter­na­tio­nal des Prisons – Section Française (OIP) ; CFDT INTERCO ; UNSa SPJJ ; la FNUJA ; le SNEPAP-FSU ; la Ligue des Droits de l’Homme ; l’Ap­pel des appels ; SNUEP-FSU, ANJAP ; Asso­cia­tion des Anciens du GENEPI, Fédé­ra­tion Syndi­cale Unitaire, ARAPEJ 41 ; Le Mouve­ment Natio­nal Le Cri ; Emmaüs

Person­na­li­tés :
Domi­nique Attias avocate et Prési­dente du Conseil d’Ad­mi­nis­tra­tion de la Fonda­tion des Avocats Euro­péens ; Basile de Bure, jour­na­liste et auteur de « la justice est-elle la même pour tous ? » ; Mathieu Palain, jour­na­liste et auteur de « Sale gosse », Blan­dine Rinkel, écri­vaine ; « Vince l’édu­ca­teur spécial », créa­teur de contenu ; Hervé Hamon, ancien président du Tribu­nal Pour Enfant de Paris ; Roland Gori, profes­seur hono­raire de psycho­pa­tho­lo­gie à l’uni­ver­sité, psycha­na­lyste, président de l’Ap­pel des appels ; Louise Tour­ret, jour­na­liste, écri­vaine et produc­trice de « Être et savoir » sur France Culture ; Lolita Rivé, profes­seure des écoles, jour­na­liste et produc­trice de « C’est quoi l’amour, maîtresse ? » ; Sylvain Lhuis­sier, auteur de « Décar­ce­rer  » ; Mahir Guven, écri­vain et éditeur, auteur de « Grand frère » (Prix Goncourt du premier roman 2018), et « Rien de person­nel  » ; Antoine Gentil, ensei­gnant spécia­lisé, fonda­teur du dispo­si­tif expé­ri­men­tal Star­ter (Acadé­mie de Grenoble), auteur de « Classe répa­ra­toire  » ; Mireille Stissi Direc­trice Inter­ré­gio­nale hono­raire de la Protec­tion Judi­ciaire de la Jeunesse ; Mairesse de Laval-en-Belle­donne ; Maître Benoit David, Avocat au barreau de Paris, Lyes Louf­fok, Mili­tant pour les droits des enfants ; Caro­line Chevé, Secré­taire Géné­rale de la FSU ; Natha­lie Tehio, prési­dente de la LDH et avocate ; Evelyne Sire-Marin, vice-prési­dente de la LDH et magis­trate hono­raire ; Stéphane Danan­cier (dit Pavo), dessi­na­teur de la presse sociale

https://blogs.media­part.fr/les-invites-de-media­part/blog/100225/face-aux-drames-et-au-popu­lisme-penal-defendre-le-droit-l-educa­tion-pour-toutes-et-tou

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L’ap­pel de plus de 100 orga­ni­sa­tions pour un grand minis­tère de l’en­fance : « Les enfants devraient être les premiers
à être proté­gés par l’ac­tion publique »

Les services publics de l’en­fance se dété­riorent dange­reu­se­ment, et la réponse poli­tique n’est pas à la hauteur de la crise, alertent, dans une tribune au « Monde », une centaine d’or­ga­ni­sa­tions du secteur qui rappellent que 3 000 mesures de protec­tion ordon­nées par les magis­trats pour des enfants en danger ne sont pas exécu­tées faute de moyens.
Nous traver­sons une période d’ins­ta­bi­lité démo­cra­tique et de fragi­lité écono­mique et sociale sans précé­dent dont les enfants paient le prix fort. L’état des lieux fait froid dans le dos : plus de 3 millions d’en­fants vivent sous le seuil de pauvreté, soit 1 enfant sur 5 (8 sur 10 à Mayotte), au moins 2 000 d’entre eux vivent à la rue et 40 000 dans des héber­ge­ments d’ur­gence, des milliers d’en­fants restent non scola­ri­sés (dont près de 30% des enfants en situa­tion de handi­cap), l’ac­cès des plus défa­vo­ri­sés à l’offre cultu­relle et de loisirs se restreint, l’im­pact crois­sant des tech­no­lo­gies numé­riques peine à être régulé, 1,6 million d’en­fants et d’ado­les­cents souffrent de troubles psychiques et des milliers de mineurs isolés restent sans protec­tion.

Dans le même temps, les multiples rema­nie­ments, la disso­lu­tion de l’As­sem­blée natio­nale et la consti­tu­tion d’un quatrième gouver­ne­ment en l’es­pace d’un an ont inter­rompu la conti­nuité de l’ac­tion publique en faveur de l’en­fance et la main­tiennent dans une situa­tion d’in­cer­ti­tude. Le comité inter­mi­nis­té­riel à l’en­fance ne s’est pas réuni depuis la fin de 2023, et l’en­fance est systé­ma­tique­ment absente des débats poli­tiques.

Face à cette sombre réalité, la réponse publique n’est pas à la hauteur. Les services publics de l’en­fance se dété­riorent dange­reu­se­ment : la protec­tion de l’en­fance connaît une crise inédite, l’offre de soins et de préven­tion décline, la justice pénale des mineurs pour­suit son tour­nant répres­sif, les logiques de renta­bi­lité conta­minent progres­si­ve­ment l’ac­cueil des jeunes enfants, l’ac­cès à l’hé­ber­ge­ment et au loge­ment est entravé. En outre, la préca­ri­sa­tion et la pénu­rie de profes­sion­nels affectent l’en­semble des secteurs de l’en­fance, y compris l’en­sei­gne­ment.

L’im­pact sur la vie des enfants et l’ef­fec­ti­vité de leurs droits est réel, et les tendances alar­mantes se confirment : la morta­lité infan­tile s’ac­croît pour la première fois depuis des décen­nies, 600 000 enfants supplé­men­taires sont tombés dans la pauvreté ces dix dernières années, le recours à l’aide alimen­taire gran­dit, les expul­sions loca­tives se multi­plient, comme le recours des enfants aux urgences pour troubles psychiques. Nous vivons désor­mais dans un pays où 3 000 mesures de protec­tion ordon­nées par les magis­trats pour des enfants en danger ne sont pas exécu­tées faute de moyens.

Besoin d’un élan collec­tif
La cause et les droits de l’en­fant sont l’af­faire de tous mais en premier lieu des déci­deurs publics qui portent la respon­sa­bi­lité d’agir pour l’in­té­rêt supé­rieur de l’en­fant et l’ef­fec­ti­vité de ses droits. Les enfants devraient être les premiers à être proté­gés par l’ac­tion publique. C’est pourquoi nous appe­lons à l’avè­ne­ment d’un grand minis­tère de l’en­fance de plein exer­cice, chef d’or­chestre d’une stra­té­gie globale inter­mi­nis­té­rielle et décloi­son­née, assu­rant un conti­nuum entre Hexa­gone et outre-mer. C’est la condi­tion pour faire de l’en­fance une poli­tique prio­ri­taire dotée de moyens suffi­sants. Ce minis­tère devra égale­ment inté­grer les enfants accom­pa­gnés dans le cadre de la poli­tique de déve­lop­pe­ment et d’ac­tion huma­ni­taire de la France.

L’an­nonce, en décembre 2024, de la créa­tion d’un haut-commis­sa­riat à l’en­fance, tout en lais­sant espé­rer une atten­tion plus soute­nue des pouvoirs publics, n’offre pas de garan­tie équi­va­lente à celle d’un minis­tère dédié, que ce soit en matière de préro­ga­tives gouver­ne­men­tales ou dans les moyens humains et finan­ciers pour mener des poli­tiques ambi­tieuses.

La cause a aussi besoin d’un élan collec­tif, porté par la société dans son ensemble. Les enfants eux-mêmes doivent pouvoir parti­ci­per à cette grande entre­prise et faire entendre leur voix. En tant que premiers concer­nés, ils ont un savoir unique, qui s’ap­puie sur leur vécu et leur expé­rience du quoti­dien, et ils ont le droit de voir leur opinion prise en compte dans les déci­sions qui les concernent, y compris poli­tiques.

Une conven­tion citoyenne visible et rassem­bleuse pour­rait s’ar­ti­cu­ler autour de demandes fortes : le respect inté­gral de la Conven­tion inter­na­tio­nale des droits de l’en­fant et des recom­man­da­tions du Comité des droits de l’en­fant des Nations unies, l’éra­di­ca­tion de la pauvreté infan­tile, la lutte active pour la protec­tion des enfants contre toute forme de violences, des services publics revi­ta­li­sés, acces­sibles à tous et dotés de moyens humains et finan­ciers consé­quents, et la sauve­garde effec­tive de notre envi­ron­ne­ment et du vivant sur Terre, pour un monde accueillant pour les géné­ra­tions futures.

Nous appe­lons donc le gouver­ne­ment à lancer une conven­tion citoyenne en faveur de l’en­fance et des géné­ra­tions futures. Cette initia­tive inédite pourra propo­ser de grandes orien­ta­tions et une poli­tique ambi­tieuse sur le temps long pour lever les obstacles et les freins au déve­lop­pe­ment et à l’épa­nouis­se­ment des enfants, pour éradiquer les insé­cu­ri­tés de tous ordres qui les affectent, et pour offrir à tous les enfants toutes les condi­tions pour bien gran­dir et chemi­ner vers leur pleine éman­ci­pa­tion.

Premiers signa­taires : Adeline Hazan, prési­dente d’Uni­cef France ; Pierre Sues­ser, coor­di­na­teur du collec­tif Cons­truire ensemble la poli­tique de l’en­fance ; Florine Pruchon, coor­di­na­trice de la Dyna­mique pour les droits des enfants ; Stéphane Alexandre, copré­sident du Réseau natio­nal des junior asso­cia­tions ; Alain Barrault, président de l’Of­fice central de la coopé­ra­tion à l’école ; Doro­thée Boulogne, prési­dente de CEMEA France ; Françoise Dumont, prési­dente d’hon­neur de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Daniel Gold­berg, président de l’Union natio­nale inter­fé­dé­rale des œuvres et orga­nismes privés non lucra­tifs sani­taires et sociaux ; Marie-Aleth Grard, prési­dente d’ATD Quart-Monde ; Abdel­krim Mesbahi, président de la Fédé­ra­tion des conseils de parents d’élèves.
Paris, le 11 janvier 2025
Lire la tribune sur LE MONDE
https://www.ldh-france.org/11-fevrier-2025-tribune-collec­tive-lappel-de-plus-de-100-orga­ni­sa­tions-pour-un-grand-minis­tere-de-lenfance-les-enfants-devraient-etre-les-premiers-a-etre-proteges-par/

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