Source : Fuite en avant de la recapitalisation d’Areva | Le Club de Mediapart
Nous ne voulons pas remplir le tonneau percé des Danaïdes !
4,5 milliards d’euros : c’est le montant des économies que le gouvernement prétend réaliser sur le budget de l’État… Et c’est aussi la somme qu’il doit consacrer à la recapitalisation des différentes entités d’Areva cette année. Le 12 juillet, l’État a injecté 2 milliards d’euros au capital d’Areva SA. Il doit encore abonder NewCo, le « Nouvel Areva », de 2,5 milliards d’ici fin juillet.
Il faut souligner l’hypocrisie du gouvernement qui feint de découvrir une mauvaise gestion d’Areva connue de tous et qui fustige le poids de cette opération pour les finances publiques. Cela fait maintenant des années que la situation catastrophique du groupe, embourbé dans le chantier de l’EPR d’Olkiluoto et dans le scandale d’Uramin, a éclaté au grand jour.
Le bon sens aurait alors exigé d’acter cette faillite et d’en finir avec cette filière coûteuse, dangereuse et promise à un déclin inexorable. Mais c’est bien le cabinet même d’Emmanuel Macron, alors en poste à Bercy, qui a proposé de camoufler cette banqueroute en recapitalisant Areva et en prévoyant son rachat partiel par EDF.
C’est d’ailleurs ce montage financier qui a créé les conditions d’un véritable hold-up sur la sûreté. La Commission Européenne ne pouvait donner son approbation à cette opération qu’à condition que la cuve de l’EPR de Flamanville, affectée d’un grave défaut, soit déclarée apte au service. Une pression démesurée reposait alors sur l’Autorité de sûreté nucléaire : allait-elle prendre le risque de faire tomber toute la filière nucléaire comme un château de cartes en refusant son accord ?
Areva n’avait pas forgé cette cuve selon les règles de l’art et avait placé l’ASN devant le fait accompli ; ce défaut réduisait considérablement la résistance d’un équipement pourtant censé être à toute épreuve. Pourtant, le « gendarme du nucléaire » a passé l’éponge et délivré un premier avis évoquant une sûreté « suffisante ». Quelques jours après, alors que cet avis n’était pas réputé définitif et devait encore être soumis à consultation, l’augmentation de capital était réalisée. Quel crédit accorder, dans ces conditions, à l’indépendance de l’ASN ?
La France en est donc là, dans cette situation absurde où un réacteur dangereux pourrait être mis en service et une entreprise délinquante et polluante renflouée. Les contribuables vont continuer à alimenter le tonneau des Danaïdes pour financer une fuite en avant dangereuse et vide de sens. Et pour trouver à tout prix les milliards manquants, la chasse aux coupes dans le budget a commencé. Fait symbolique, l’aide publique au développement sera amputée de 141 millions d’euros. Au lieu de réduire les inégalités Nord-Sud, on préfère donc soutenir une entreprise qui exploite le Niger, pays le plus pauvre du monde, et dont les mines d’uranium polluent des régions entières ?
Cette fuite en avant est promise à perdurer, au vu de la situation financière catastrophique de l’ensemble de la filière nucléaire et des projets délirants dans lesquels elle s’est lancée tête baissée : rafistolage coûteux de centrales en fin de vie (100 milliards d’euros selon la Cour des Comptes), poursuite du chantier enlisé d’Olkiluoto, projets de deux EPR à Hinkley Point (22,3 milliards prévus)… Et qui viendra compenser les provisions insuffisantes pour le démantèlement des centrales (chiffré de manière optimiste à 75 milliards par EDF) ? Pour la gestion des déchets radioactifs, avec un projet CIGÉO aussi dangereux que coûteux évalué à 35 milliards par l’Andra ? Sans parler de la « modernisation » de l’arsenal nucléaire (déjà 3,9 milliards d’euros pour 2017, somme appelée à doubler) ?
Cessons d’alimenter ce puits sans fond. Arrêtons de porter à bout de bras une filière moribonde et son pendant militaire inutile et néfaste : arrêtons les frais, sortons vite du nucléaire civil et militaire !