Publié le 31 août 2021 |
Luc Reinette est fondateur du CIPN (Comité International des Peuples Noirs) et militant indépendantiste https://www.karibinfo.com/index.php/2021/08/29/opinion-en-mon-ame-et-conscience/
« Assis au chevet de ma mère âgée de 102 ans, placée sous oxygène depuis plus d’un an pour raisons de santé, mais forte de toutes ses facultés en dehors de la marche, nous regardions ensemble sur l’écran de télévision le reportage sidérant réalisé dans les coulisses des Urgences et de la Réanimation du CHU, lorsque soudain elle me posa cette question : « Et tu ne dis rien ? »
Je lui expliquai que j’étais un simple militant et que l’Organisation à laquelle j’appartiens (FKNG) s’était déjà exprimée, qu’elle avait adopté une position de neutralité vis-à-vis du vaccin, mais avait demandé aux Guadeloupéens, de par leur condition de colonisés, d’exercer leur droit à la souveraineté pour sortir du cadre français, car dans ces moments exceptionnels que nous vivons et face à l’obligation vaccinale et à l’application chez nous du Pass sanitaire, il n’y avait pas d’autre choix que de se soumettre ou se démettre. (…)
Depuis cette entrevue, habité par une conscience malheureuse, tout en restant à l‘écoute du monde, je me suis quelque peu retiré de celui-ci en m’asseyant tantôt face aux montagnes majestueuses de notre Pays pour en contempler les contours, tantôt face à la mer – comme je le faisais avec mon vieux père jadis- pour scruter l’horizon et y trouver une réponse. Que faire, et que dire dans ce tumulte général ?
La haine insensée et irrationnelle qui caractérise actuellement les relations entre Guadeloupéens, et les fakes-news qui abreuvent les réseaux sociaux (souvent reprises par des personnes à priori intelligentes) ont alors convoqué dans mon esprit deux tragédies humaines qui me hantent encore.
La première c’est la tragédie du RWANDA (…) La seconde, c’est la tragédie du SIDA en Afrique du Sud, où le Président d’alors Mr Thabo MBEKI (1999–2008), personnage décrit comme froid, arrogant, autocratique, voire paranoïaque, a nié publiquement le lien de causalité entre VIH et SIDA, et refusé en conséquence de fournir des médicaments anti-sida (antirétroviraux) à son peuple. (…)
Ici en Guadeloupe, nous sommes lassés – en spectateurs impuissants et blasés – de voir chaque semaine sur nos écrans des étrangers en la personne d’un Préfet colonial, Monsieur Rochatte, d’une Directrice de l’ARS au comportement martial, Madame Deux et d’une Rectrice Madame Gangloff-Ziegler, rigide comme une barre, prétendre parler au nom des politiques d’ici et décider doctement de nos vies en égrenant des chiffres, alors que des Guadeloupéens seraient mieux à même d’occuper ces fonctions.
Je dis bien Préfet colonial, qui, alors que notre voisin Haïti vient à nouveau d’être frappé par un violent séisme, n’a pas daigné répondre à une demande d’audience présentée par une demi-douzaine d’organisations politiques et associatives visant à faire cesser les violations aux droits de l’Homme dont sont victimes chez nous les expatriés haïtiens. C’est le même qui vient de s’opposer à l’ouverture d’une Ecole Panafricaine par l’Association RACINES, au motif qu’elle serait subversive ! En cela il ne diffère pas de l’un de ses prédécesseurs qui en 2008 avait expulsé le petit JEPHTE, écolier alors âgé de 4 ans, en direction d’Haïti, pays qui venait d’être frappé et dévasté par 3 cyclones successifs ! Nous sommes par ailleurs fiers d’être de ceux qui ont réussi à faire revenir en Guadeloupe le petit JEPHTE…
(…)
Une leçon de plus pour ceux qui pensaient qu’en Pays dominé on pouvait envisager une certaine « domiciliation du pouvoir » en additionnant simplement les compétences respectives de Collectivités que des journalistes avisés devraient cesser de présenter comme Majeures, mais tout simplement comme principales, les Français nous considérant toujours comme des mineurs devant demander la permission..
Disons-le tout net, la gestion de la crise Covid chez nous par la France a été défaillante et préjudiciable à maints égards ; en témoignent les excellents résultats obtenus par nos voisins de la Caraïbe soumis aux mêmes contraintes virales, mais dotés d’un pouvoir de décision que nous n’avons pas.
Soyons conscients du fait qu’au moment même ou nous parlons ou que nous écrivons, notre Pays subit de plein fouet une invasion de type inconnu à ce jour et à laquelle il faut collectivement résister : c’est là l’URGENCE ! Et l’envahisseur est ce variant Delta dont la progression chez nous est fulgurante !
Il faut désormais considérer que le champ de bataille est partout…
Le champ de bataille est partout, dans les Cliniques et Hôpitaux du Pays où les Aides-soignants, les Infirmiers, les Médecins, et les Directeurs se battent jour et nuit, jusqu’à épuisement, contre le virus pour sauver des vies dans notre Pays où 60% des personnes souffrent de surpoids (donc de comorbidités) et où 30% sont en situation d’obésité. Ils méritent tous notre respect… (…)
Alors, oui, ma conviction profonde c’est que le meilleur bouclier dont nous disposons aujourd’hui pour nous défendre c’est le vaccin, qu’il soit américain, chinois, cubain ou demain guadeloupéen.
J’affirme que le vaccin est nécessaire, même s’il n’est pas suffisant : Il ne constitue pas l’alpha et l’oméga, mais sauve très souvent la vie, à défaut de protéger totalement du virus.
J’affirme que nos « rimèd razyé » sont utiles, même s’ils ne sont pas suffisants : ils nous rendent plus forts et plus résistants.
J’affirme qu’il n’y a ni incompatibilité ni opposition entre les deux, que l’on peut se faire vacciner comme je l’ai fait et utiliser à bon escient notre pharmacopée pour renforcer nos défenses. Le Dr Henri JOSEPH dont nous admirons tous les travaux et l’engagement pour le Pays nous indique bien que le médicament contre le Covid, objet de ses recherches, n’est pas encore prêt.
La question essentielle que je voudrais poser à mes camarades patriotes est celle-la : Nous nous battons pour l’accession à la souveraineté de notre Pays et c’est là une cause partagée et sacrée. Et si à l’instar de nos voisins Cubains, Barbadiens, Dominicais, Ste Luciens ou Trinidadiens nous étions en charge de notre Pays et avions comme eux la mission de garder à tout prix notre Peuple en vie, ne serions-nous pas favorables à un vaccin qui nous préserve collectivement ?
Qui pourra soutenir que la réponse ne serait pas OUI et que notre préconisation ne serait pas la vaccination la plus large ? Qui pourrait soutenir que nous dirions à chacun de faire comme bon lui semble ? Alors osons penser comme si nous étions libres ! (…)
Nous sommes en réalité des milliards à travers le monde à être confrontés à cet ennemi commun qu’est le COVID, ennemi malin et mutant en permanence. La Guadeloupe n’est pas une Ile séparée du monde et les Hommes, les Femmes et les Enfants d’ici ne diffèrent pas de ceux d’ailleurs. Nous sommes des humains, tout simplement des humains partageant une même Planète et un même désir impérieux de vie.
Je réaffirme ici – s’il en étant besoin – et en forme de mise en garde, mon opposition catégorique à l’obligation vaccinale et au Pass sanitaire qui bloqueraient notre vie sociale et économique et transformeraient la Guadeloupe en un univers anxiogène, irrespirable et privatif de liberté.
J’ai conscience que mon propos réconfortera certains et déplaira à d’autres. J’ai conscience aussi du fait que je perdrai des amis et aussi des camarades de longue date, tout en me faisant de nouveaux ennemis. J’en serai navré, mais persisterai dans ma conviction, ayant toujours pour unique guide l’intérêt supérieur de mon Peuple et de mon Pays. A ceux qui mettraient en doute ma loyauté à la cause nationale – et c’est leur droit – je dirai que la cause nationale dont nous nous réclamons, plus haut encore que la loyauté exige de la droiture, donc du courage pour dire ou pour faire les choses, même lorsqu’elles dérangent.
Et pour le reste, comme disait une poétesse Sud Américaine dont j’ai oublié le nom : « Je vole au dessus des querelles, car j’ai longtemps fréquenté les oiseaux. »
J’assume ici ma parole libérée et donc ma part de vérité dictée par mes seules convictions, car je suis persuadé que chacun d’entre nous a quelque part un devoir de responsabilité vis-à-vis du Pays, devoir qu’il assume ou pas, à travers ses actes, à travers ses silences ou à travers ses paroles.
Luc Reinette