« Hold up »: un film à succès qui déforme les faits et qui ment souvent. Revue de presse: Libé­ra­tion et le Monde.

Je me permets de reco­pier les remarquables articles de Libé­ra­tion et du Monde reçus il y a quelques jour, articles d’in­té­rêt public dans le débat plura­liste qui doit se déve­lop­per à partir de données parta­gées. En les citant préci­sé­ment.

PB, 16–11–2020

Libé­ra­tion

« Le film aux accents complo­tistes de Pierre Barné­rias, qui entend dénon­cer une « mani­pu­la­tion globale » de l’épi­dé­mie par l’Etat, les médias et les scien­ti­fiques, est un succès d’au­dience sur le Net, deux jours après sa sortie.

Deux personnes masquées, avec des logos de l’AFP, LCI, BFM TV et TF1 à la place des yeux. Un sous-titre qui ne fait pas non plus dans la dentelle : « Mensonges, corrup­tions, mani­pu­la­tions : retour sur un chaos. » L’af­fiche de Hold-up donne le ton. Ce docu­men­taire, sorti mercredi en France et dont le visuel très accro­cheur a défilé depuis sur les écrans de millions de télé­phones ou d’or­di­na­teurs, entend tirer au clair les « erreurs commises au plus haut niveau » de l’Etat, des médias et de la commu­nauté scien­ti­fique dans la gestion de l’épi­dé­mie de Covid-19 en France.

Avant même sa sortie, Hold-up comp­tait déjà plusieurs milliers de mentions sur les réseaux sociaux, Face­book et Twit­ter en tête. Le tout grâce à des bandes-annonces spec­ta­cu­laires : dans l’une d’entre elles, on y voyait une sage-femme, Natha­lie Deri­vaux, émue aux larmes, commen­ter des propos du polé­miste Laurent Alexandre sur les élites (qui n’ont pour­tant aucun rapport avec le Covid, puisqu’ils ont été tenus en 2019), en le compa­rant à… Adolf Hitler. Depuis que le docu­men­taire complet est dispo­nible en ligne, à la vente ou à la loca­tion sur la plate­forme Vimeo, l’objet conti­nue de creu­ser son sillon, notam­ment grâce aux coups de projec­teur offerts par des person­na­li­tés aux profils pour le moins divers. Ici l’ani­ma­teur de Sud Radio André Bercoff ou le gilet jaune Maxime Nicolle, là l’ac­trice Sophie Marceau sur son compte Insta­gram… Sur Face­book, le lien Vimeo a égale­ment été partagé des milliers de fois, majo­ri­tai­re­ment dans des groupes se présen­tant comme pro-Raoult ou pro-gilets jaunes.

Visi­ble­ment soucieux de l’écho reçu par le docu­men­taire, plusieurs membres de la majo­rité ont réagi. Les dépu­tés Mounir Mahjoubi et Cora­lie Dubost ont dénoncé sur Twit­ter un docu­men­taire de « fake news complo­tiste », ou encore une « propa­gande complo­tiste à budget block­bus­ter ». La polé­mique nais­sante a conduit l’ex-ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy, inter­rogé dans Hold-up, à prendre ses distances : « Je n’ai pas vu ce film, et s’il y a le moindre carac­tère complo­tiste, je veux dire le plus clai­re­ment possible que je m’en déso­li­da­rise. »

« Great Reset »

La thèse prin­ci­pale de ce docu­men­taire de près de trois heures, énon­cée dans la dernière partie ? Le Forum écono­mique mondial de Davos se sert du Covid-19 (mala­die qui serait causée par un virus fabriqué par l’homme) dans le cadre d’un « plan global [pour] soumettre l’hu­ma­nité », appelé le « Great Reset ».

« Notre but, déclare l’un des produc­teurs du film, Chris­tophe Cossé, aver­tir, ou aler­ter, infor­mer la popu­la­tion de ce qui est en train de se tramer de façon tota­le­ment perni­cieuse et extrê­me­ment bien calcu­lée. » Dans une tribune, il estime ni plus ni moins que « se profilent la vacci­na­tion massive, et son corol­laire, le fichage de chaque indi­vidu. En France, en Europe, mais dans le monde entier, au prétexte d’un virus pas plus offen­sif qu’un autre Covid saison­nier ».

Trente-sept inter­ve­nants sont convoqués pour appuyer la thèse de Hold-up. Pour une bonne partie, ce sont les mêmes qui s’ex­priment dans les colonnes de France Soir, cet ancien titre de presse devenu depuis le début de l’an­née une plate­forme pro-Raoult alimen­tée par des béné­voles. Ils sont presque tous membres fonda­teurs de l’as­so­cia­tion BonSens, « lobby citoyen » qui regroupe des person­na­li­tés critiques vis-à-vis de la gestion de la crise sani­taire.

Le person­nage central du docu­men­taire ? Chris­tian Perronne, chef du service mala­dies infec­tieuses à l’hô­pi­tal Raymond-Poin­caré de Garches (Hauts-de-Seine), féroce contemp­teur de la poli­tique gouver­ne­men­tale et fervent parti­san de Didier Raoult et de son proto­cole. L’équipe derrière Hold-up reven­dique ainsi s’être « inspi­rée énor­mé­ment du travail et du livre du profes­seur », le best-seller Y a-t-il une erreur qu’ils n’ont pas commise ? (juin 2020). Avant la pandé­mie de Covid-19, Chris­tian Perronne s’était fait connaître pour ses thèses contro­ver­sées sur l’ori­gine de la mala­die de Lyme (qui serait due à une proli­fé­ra­tion cachée de tiques modi­fiées par un cher­cheur nazi). Des posi­tions qui lui avaient valu les foudres et les moque­ries de… Didier Raoult. En juin, la Société de patho­lo­gie infec­tieuse de langue française s’était égale­ment élevée contre Perronne, lui repro­chant d’avoir déclaré que les socié­tés savantes n’au­raient pas recom­mandé le recours à l’hy­droxy­chlo­roquine parce qu’elles seraient « complè­te­ment corrom­pues » et que c’est « la corrup­tion qui a plongé des dizaines de milliers de Français dans la mort ». « Une crise sani­taire ne justi­fie pas qu’on dise, ou qu’on fasse, n’im­porte quoi ! » s’étaient alors émus les spécia­listes en réac­tion.

Youtu­beur pro-Trump

Autour de lui, dans Hold-up, on retrouve la dépu­tée (ex-LREM) Martine Wonner, le direc­teur de publi­ca­tion de France Soir, Xavier Azal­bert, mais aussi la géné­ti­cienne et ancienne cher­cheuse à l’In­serm (qui s’est déso­li­da­risé de ses récentes prises de posi­tion) Alexan­dra Henrion-Caude. Cette fervente catho­lique s’est fait connaître pendant la pandé­mie grâce à un entre­tien avec la web-télé d’ex­trême droite TV Liber­tés.

Deux inter­ve­nants sont plus marqués poli­tique­ment. L’au­trice Valé­rie Bugault, qui est l’une des « person­na­li­tés phares de la chaîne » TV Liber­tés, et le youtu­beur pro-Trump Silvano Trotta, dont le travail est régu­liè­re­ment salué par le réali­sa­teur de Hold-up. Quand il ne parle pas d’un complot lié au Covid (la « plan­dé­mie », comme il l’ap­pelle), ce vidéaste plonge allè­gre­ment dans les fake news ayant trait à la récente élec­tion améri­caine (comme sur un trop grand nombre d’ins­crits dans le Wiscon­sin ou un bour­rage des urnes déce­lable dans des courbes).

Sans grande surprise, on retrouve égale­ment dans Hold-up Laurent Toubiana, fer de lance des experts « rassu­ristes », qui expliquait il y a quelques semaines que l’épi­dé­mie de Covid-19 était derrière nous. Ou Jean-Domi­nique Michel, anthro­po­logue suisse qui évoquait en mars une « hallu­ci­na­tion collec­tive » à propos de la pandé­mie.

Plus éton­nant : Monique Pinçon-Char­lot, socio­logue tradi­tion­nel­le­ment clas­sée à gauche et qui a beau­coup travaillé avec son mari sur le thème de la haute bour­geoi­sie, fait égale­ment partie du casting. Elle y critique le discours de « peur » véhi­culé par les médias et va même jusqu’à parler d’une « troi­sième guerre mondiale » et d’un « holo­causte » visant à « élimi­ner la partie la plus pauvre de l’hu­ma­nité, parce que les riches n’en ont plus besoin ».

Sans doute pour donner un côté plus « popu­laire », des chauf­feurs de taxi et de VTC, Mama­dou, Kamel et Rachid, seuls person­nages du docu­men­taire dont on ne connaî­tra que le prénom, sont inter­ca­lés entre les méde­cins (cardio­logue, gyné­co­logue, derma­to­lo­gue…), auteurs et chefs d’en­tre­prise.

Si Hold-up se présente comme une enquête jour­na­lis­tique, il ne l’est que sur la forme. Les propos des inter­ve­nants ne sont jamais ni contex­tua­li­sés ni ques­tion­nés. Surtout, si le propos reste dans un premier temps très géné­ral (comme sur la peur « entre­te­nue » par les poli­tiques) ou insiste sur des contro­verses bien établies (un long passage prend fait et cause pour l’hy­droxy­chlo­roquine en s’ap­puyant sur l’étude rétrac­tée du Lancet), il dévie peu à peu vers un complo­tisme très confus.

Cryp­to­mon­naies et 5G

Un homme présenté comme un ancien opéra­teur du rensei­gne­ment (anonyme) se vante ainsi, visage couvert, qu’une « source de l’Agence de sûreté nucléaire » lui aurait dit « que le virus avait été fabriqué ». Une affir­ma­tion qui va à l’en­contre de toute la litté­ra­ture scien­ti­fique sur le sujet, même si l’ori­gine exacte du virus est toujours incon­nue, et que l’hy­po­thèse d’un virus natu­rel échappé d’un labo­ra­toire n’a en revanche pas encore été formel­le­ment écar­tée. Un autre inter­ve­nant va jusqu’à accu­ser l’Ins­ti­tut Pasteur d’avoir fabriqué le virus, repre­nant une gros­sière intox basée sur un brevet mal compris. Là encore, il n’est jamais contre­dit. Pire, le commen­taire abonde : « Le coupable de la Covid-19 a bien été trouvé. »

A l’in­verse, le film n’évoque pas les mensonges (pour­tant bien établis) de l’Etat visant à dissu­mu­ler les faiblesses de ses stocks stra­té­giques de masques. Et pour cause : Hold-up préfère fusti­ger le port du masque, à grand renfort de micro-trot­toirs ou d’al­lé­ga­tions douteuses sur le fait que le « masque ne sert à rien quand vous n’êtes pas malade », comme le lance un homéo­pathe inter­rogé dans le docu­men­taire, oubliant un peu vite qu’il protège aussi son porteur, et que les personnes asymp­to­ma­tiques peuvent être conta­gieuses.

Dans sa dernière partie, Hold-up mute réel­le­ment, et établit un lien obscur entre nano­par­ti­cules, cryp­to­mon­naies et Covid, sur fond de déploie­ment de la 5G pendant le confi­ne­ment (là aussi, une fausse infor­ma­tion liée à une mauvaise inter­pré­ta­tion d’un décret). Le tout dans le cadre du plan machia­vé­lique « Great Reset ». Cette « grande réini­tia­li­sa­tion » n’a pour­tant rien de bien secret : il s’agit d’un projet porté par le Forum écono­mique mondial de Davos (une ONG qui réunit diri­geants d’en­tre­prises et respon­sables poli­tiques), visant à réflé­chir aux moyens d’as­su­rer une « crois­sance écono­mique plus durable » à l’oc­ca­sion de la crise écono­mique causée par la pandé­mie. Les (vrais) respon­sables de cette grande machi­na­tion, selon Hold-up ? Les coupables clas­siques des théo­ries conspi­ra­tion­nistes : Bill Gates, David Rocke­fel­ler ou le Français Jacques Attali.

Le bonus diffusé lors du géné­rique de fin réserve une surprise finale : Nadine Touzeau, décrite comme une profi­leuse, se lance dans une analyse de person­na­lité sur la seule base de… photo­gra­phies. Ainsi, Laurent Alexandre est jugé « extrê­me­ment faux » (notam­ment en raison « de la commis­sure des lèvres et au niveau de son regard ») et Anthony Fauci, chef de la cellule de crise de l’ad­mi­nis­tra­tion Trump sur le coro­na­vi­rus, est quali­fié de « suiveur ».

Derrière la caméra de ce curieux objet docu­men­taire, qui rappelle par certains aspects Zeit­geist : the Movie, autre docu­men­taire complo­tiste, sur le 11 Septembre : Pierre Barné­rias, ancien jour­na­liste (passé par TF1, Europe 1 ou Ouest-France) et réali­sa­teur ces dix dernières années de plusieurs films sur la foi, mais aussi la fin de vie et « l’au-delà ». Il a notam­ment réalisé Thana­tos, l’ul­time passage (où il recueille des témoi­gnages de « mort immi­nente ») et M et le 3e secret, un film sur la Vierge Marie qui « réalise des prodiges par milliers » et « multi­plie ces derniers temps ses appa­ri­tions ». Mais aussi Il était une foi, un docu­men­taire sur « deux jeunes diplô­més de grandes écoles partis pendant un an sur des vélos bizar­roïdes à la rencontre de commu­nau­tés chré­tiennes persé­cu­tées et oubliées ». Sur sa chaîne YouTube, Thana TV, qui compte aujourd’­hui plus de 70 000 abon­nés et a servi de rampe de lance­ment à Hold-up, le réali­sa­teur parta­geait essen­tiel­le­ment des vidéos sur le thème de l’au-delà. Mais depuis quelques mois, Thana TV s’est muée en porte-voix des « Covido-scep­tiques », multi­pliant les inter­views de scien­ti­fiques ou de soignants (que l’on retrouve dans le docu­men­taire, comme le Pr Chris­tian Perronne), et qui sont tous sur la même ligne : le gouver­ne­ment nous cache des choses et en fait beau­coup trop avec le Covid.

Aux côtés de Barné­rias, en tant que produc­teurs de Hold-up : Nico­las Réoutsky et Chris­tophe Cossé. Les deux ont beau­coup travaillé avec France Télé­vi­sions (comme réali­sa­teur ou produc­teur), notam­ment sur l’émis­sion la Carte aux trésors. Désor­mais, les deux se concentrent sur la réali­sa­tion de docu­men­taires.

Crowd­fun­ding

Comment est né ce projet, qui devrait être traduit dans sept langues, et pour­rait ainsi rapi­de­ment faire le tour du monde ?

Le film aux accents complo­tistes de Pierre Barné­rias, qui entend dénon­cer une « mani­pu­la­tion globale » de l’épi­dé­mie par l’Etat, les médias et les scien­ti­fiques, est un succès d’au­dience sur le Net, deux jours après sa sortie.

Deux personnes masquées, avec des logos de l’AFP, LCI, BFM TV et TF1 à la place des yeux. Un sous-titre qui ne fait pas non plus dans la dentelle : « Mensonges, corrup­tions, mani­pu­la­tions : retour sur un chaos. » L’af­fiche de Hold-up donne le ton. Ce docu­men­taire, sorti mercredi en France et dont le visuel très accro­cheur a défilé depuis sur les écrans de millions de télé­phones ou d’or­di­na­teurs, entend tirer au clair les « erreurs commises au plus haut niveau » de l’Etat, des médias et de la commu­nauté scien­ti­fique dans la gestion de l’épi­dé­mie de Covid-19 en France.

Avant même sa sortie, Hold-up comp­tait déjà plusieurs milliers de mentions sur les réseaux sociaux, Face­book et Twit­ter en tête. Le tout grâce à des bandes-annonces spec­ta­cu­laires : dans l’une d’entre elles, on y voyait une sage-femme, Natha­lie Deri­vaux, émue aux larmes, commen­ter des propos du polé­miste Laurent Alexandre sur les élites (qui n’ont pour­tant aucun rapport avec le Covid, puisqu’ils ont été tenus en 2019), en le compa­rant à… Adolf Hitler. Depuis que le docu­men­taire complet est dispo­nible en ligne, à la vente ou à la loca­tion sur la plate­forme Vimeo, l’objet conti­nue de creu­ser son sillon, notam­ment grâce aux coups de projec­teur offerts par des person­na­li­tés aux profils pour le moins divers. Ici l’ani­ma­teur de Sud Radio André Bercoff ou le gilet jaune Maxime Nicolle, là l’ac­trice Sophie Marceau sur son compte Insta­gram… Sur Face­book, le lien Vimeo a égale­ment été partagé des milliers de fois, majo­ri­tai­re­ment dans des groupes se présen­tant comme pro-Raoult ou pro-gilets jaunes.

Visi­ble­ment soucieux de l’écho reçu par le docu­men­taire, plusieurs membres de la majo­rité ont réagi. Les dépu­tés Mounir Mahjoubi et Cora­lie Dubost ont dénoncé sur Twit­ter un docu­men­taire de « fake news complo­tiste », ou encore une « propa­gande complo­tiste à budget block­bus­ter ». La polé­mique nais­sante a conduit l’ex-ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy, inter­rogé dans Hold-up, à prendre ses distances : « Je n’ai pas vu ce film, et s’il y a le moindre carac­tère complo­tiste, je veux dire le plus clai­re­ment possible que je m’en déso­li­da­rise. »

« Great Reset »

La thèse prin­ci­pale de ce docu­men­taire de près de trois heures, énon­cée dans la dernière partie ? Le Forum écono­mique mondial de Davos se sert du Covid-19 (mala­die qui serait causée par un virus fabriqué par l’homme) dans le cadre d’un « plan global [pour] soumettre l’hu­ma­nité », appelé le « Great Reset ».

« Notre but, déclare l’un des produc­teurs du film, Chris­tophe Cossé, aver­tir, ou aler­ter, infor­mer la popu­la­tion de ce qui est en train de se tramer de façon tota­le­ment perni­cieuse et extrê­me­ment bien calcu­lée. » Dans une tribune, il estime ni plus ni moins que « se profilent la vacci­na­tion massive, et son corol­laire, le fichage de chaque indi­vidu. En France, en Europe, mais dans le monde entier, au prétexte d’un virus pas plus offen­sif qu’un autre Covid saison­nier ».

Trente-sept inter­ve­nants sont convoqués pour appuyer la thèse de Hold-up. Pour une bonne partie, ce sont les mêmes qui s’ex­priment dans les colonnes de France Soir, cet ancien titre de presse devenu depuis le début de l’an­née une plate­forme pro-Raoult alimen­tée par des béné­voles. Ils sont presque tous membres fonda­teurs de l’as­so­cia­tion BonSens, « lobby citoyen » qui regroupe des person­na­li­tés critiques vis-à-vis de la gestion de la crise sani­taire.

Le person­nage central du docu­men­taire ? Chris­tian Perronne, chef du service mala­dies infec­tieuses à l’hô­pi­tal Raymond-Poin­caré de Garches (Hauts-de-Seine), féroce contemp­teur de la poli­tique gouver­ne­men­tale et fervent parti­san de Didier Raoult et de son proto­cole. L’équipe derrière Hold-up reven­dique ainsi s’être « inspi­rée énor­mé­ment du travail et du livre du profes­seur », le best-seller Y a-t-il une erreur qu’ils n’ont pas commise ? (juin 2020). Avant la pandé­mie de Covid-19, Chris­tian Perronne s’était fait connaître pour ses thèses contro­ver­sées sur l’ori­gine de la mala­die de Lyme (qui serait due à une proli­fé­ra­tion cachée de tiques modi­fiées par un cher­cheur nazi). Des posi­tions qui lui avaient valu les foudres et les moque­ries de… Didier Raoult. En juin, la Société de patho­lo­gie infec­tieuse de langue française s’était égale­ment élevée contre Perronne, lui repro­chant d’avoir déclaré que les socié­tés savantes n’au­raient pas recom­mandé le recours à l’hy­droxy­chlo­roquine parce qu’elles seraient « complè­te­ment corrom­pues » et que c’est « la corrup­tion qui a plongé des dizaines de milliers de Français dans la mort ». « Une crise sani­taire ne justi­fie pas qu’on dise, ou qu’on fasse, n’im­porte quoi ! » s’étaient alors émus les spécia­listes en réac­tion.

Youtu­beur pro-Trump

Autour de lui, dans Hold-up, on retrouve la dépu­tée (ex-LREM) Martine Wonner, le direc­teur de publi­ca­tion de France Soir, Xavier Azal­bert, mais aussi la géné­ti­cienne et ancienne cher­cheuse à l’In­serm (qui s’est déso­li­da­risé de ses récentes prises de posi­tion) Alexan­dra Henrion-Caude. Cette fervente catho­lique s’est fait connaître pendant la pandé­mie grâce à un entre­tien avec la web-télé d’ex­trême droite TV Liber­tés.

Deux inter­ve­nants sont plus marqués poli­tique­ment. L’au­trice Valé­rie Bugault, qui est l’une des « person­na­li­tés phares de la chaîne » TV Liber­tés, et le youtu­beur pro-Trump Silvano Trotta, dont le travail est régu­liè­re­ment salué par le réali­sa­teur de Hold-up. Quand il ne parle pas d’un complot lié au Covid (la « plan­dé­mie », comme il l’ap­pelle), ce vidéaste plonge allè­gre­ment dans les fake news ayant trait à la récente élec­tion améri­caine (comme sur un trop grand nombre d’ins­crits dans le Wiscon­sin ou un bour­rage des urnes déce­lable dans des courbes).

Sans grande surprise, on retrouve égale­ment dans Hold-up Laurent Toubiana, fer de lance des experts « rassu­ristes », qui expliquait il y a quelques semaines que l’épi­dé­mie de Covid-19 était derrière nous. Ou Jean-Domi­nique Michel, anthro­po­logue suisse qui évoquait en mars une « hallu­ci­na­tion collec­tive » à propos de la pandé­mie.

Plus éton­nant : Monique Pinçon-Char­lot, socio­logue tradi­tion­nel­le­ment clas­sée à gauche et qui a beau­coup travaillé avec son mari sur le thème de la haute bour­geoi­sie, fait égale­ment partie du casting. Elle y critique le discours de « peur » véhi­culé par les médias et va même jusqu’à parler d’une « troi­sième guerre mondiale » et d’un « holo­causte » visant à « élimi­ner la partie la plus pauvre de l’hu­ma­nité, parce que les riches n’en ont plus besoin ».

Sans doute pour donner un côté plus « popu­laire », des chauf­feurs de taxi et de VTC, Mama­dou, Kamel et Rachid, seuls person­nages du docu­men­taire dont on ne connaî­tra que le prénom, sont inter­ca­lés entre les méde­cins (cardio­logue, gyné­co­logue, derma­to­lo­gue…), auteurs et chefs d’en­tre­prise.

Si Hold-up se présente comme une enquête jour­na­lis­tique, il ne l’est que sur la forme. Les propos des inter­ve­nants ne sont jamais ni contex­tua­li­sés ni ques­tion­nés. Surtout, si le propos reste dans un premier temps très géné­ral (comme sur la peur « entre­te­nue » par les poli­tiques) ou insiste sur des contro­verses bien établies (un long passage prend fait et cause pour l’hy­droxy­chlo­roquine en s’ap­puyant sur l’étude rétrac­tée du Lancet), il dévie peu à peu vers un complo­tisme très confus.

Cryp­to­mon­naies et 5G

Un homme présenté comme un ancien opéra­teur du rensei­gne­ment (anonyme) se vante ainsi, visage couvert, qu’une « source de l’Agence de sûreté nucléaire » lui aurait dit « que le virus avait été fabriqué ». Une affir­ma­tion qui va à l’en­contre de toute la litté­ra­ture scien­ti­fique sur le sujet, même si l’ori­gine exacte du virus est toujours incon­nue, et que l’hy­po­thèse d’un virus natu­rel échappé d’un labo­ra­toire n’a en revanche pas encore été formel­le­ment écar­tée. Un autre inter­ve­nant va jusqu’à accu­ser l’Ins­ti­tut Pasteur d’avoir fabriqué le virus, repre­nant une gros­sière intox basée sur un brevet mal compris. Là encore, il n’est jamais contre­dit. Pire, le commen­taire abonde : « Le coupable de la Covid-19 a bien été trouvé. »

A l’in­verse, le film n’évoque pas les mensonges (pour­tant bien établis) de l’Etat visant à dissu­mu­ler les faiblesses de ses stocks stra­té­giques de masques. Et pour cause : Hold-up préfère fusti­ger le port du masque, à grand renfort de micro-trot­toirs ou d’al­lé­ga­tions douteuses sur le fait que le « masque ne sert à rien quand vous n’êtes pas malade », comme le lance un homéo­pathe inter­rogé dans le docu­men­taire, oubliant un peu vite qu’il protège aussi son porteur, et que les personnes asymp­to­ma­tiques peuvent être conta­gieuses.

Dans sa dernière partie, Hold-up mute réel­le­ment, et établit un lien obscur entre nano­par­ti­cules, cryp­to­mon­naies et Covid, sur fond de déploie­ment de la 5G pendant le confi­ne­ment (là aussi, une fausse infor­ma­tion liée à une mauvaise inter­pré­ta­tion d’un décret). Le tout dans le cadre du plan machia­vé­lique « Great Reset ». Cette « grande réini­tia­li­sa­tion » n’a pour­tant rien de bien secret : il s’agit d’un projet porté par le Forum écono­mique mondial de Davos (une ONG qui réunit diri­geants d’en­tre­prises et respon­sables poli­tiques), visant à réflé­chir aux moyens d’as­su­rer une « crois­sance écono­mique plus durable » à l’oc­ca­sion de la crise écono­mique causée par la pandé­mie. Les (vrais) respon­sables de cette grande machi­na­tion, selon Hold-up ? Les coupables clas­siques des théo­ries conspi­ra­tion­nistes : Bill Gates, David Rocke­fel­ler ou le Français Jacques Attali.

Le bonus diffusé lors du géné­rique de fin réserve une surprise finale : Nadine Touzeau, décrite comme une profi­leuse, se lance dans une analyse de person­na­lité sur la seule base de… photo­gra­phies. Ainsi, Laurent Alexandre est jugé « extrê­me­ment faux » (notam­ment en raison « de la commis­sure des lèvres et au niveau de son regard ») et Anthony Fauci, chef de la cellule de crise de l’ad­mi­nis­tra­tion Trump sur le coro­na­vi­rus, est quali­fié de « suiveur ».

Derrière la caméra de ce curieux objet docu­men­taire, qui rappelle par certains aspects Zeit­geist : the Movie, autre docu­men­taire complo­tiste, sur le 11 Septembre : Pierre Barné­rias, ancien jour­na­liste (passé par TF1, Europe 1 ou Ouest-France) et réali­sa­teur ces dix dernières années de plusieurs films sur la foi, mais aussi la fin de vie et « l’au-delà ». Il a notam­ment réalisé Thana­tos, l’ul­time passage (où il recueille des témoi­gnages de « mort immi­nente ») et M et le 3e secret, un film sur la Vierge Marie qui « réalise des prodiges par milliers » et « multi­plie ces derniers temps ses appa­ri­tions ». Mais aussi Il était une foi, un docu­men­taire sur « deux jeunes diplô­més de grandes écoles partis pendant un an sur des vélos bizar­roïdes à la rencontre de commu­nau­tés chré­tiennes persé­cu­tées et oubliées ». Sur sa chaîne YouTube, Thana TV, qui compte aujourd’­hui plus de 70 000 abon­nés et a servi de rampe de lance­ment à Hold-up, le réali­sa­teur parta­geait essen­tiel­le­ment des vidéos sur le thème de l’au-delà. Mais depuis quelques mois, Thana TV s’est muée en porte-voix des « Covido-scep­tiques », multi­pliant les inter­views de scien­ti­fiques ou de soignants (que l’on retrouve dans le docu­men­taire, comme le Pr Chris­tian Perronne), et qui sont tous sur la même ligne : le gouver­ne­ment nous cache des choses et en fait beau­coup trop avec le Covid.

Aux côtés de Barné­rias, en tant que produc­teurs de Hold-up : Nico­las Réoutsky et Chris­tophe Cossé. Les deux ont beau­coup travaillé avec France Télé­vi­sions (comme réali­sa­teur ou produc­teur), notam­ment sur l’émis­sion la Carte aux trésors. Désor­mais, les deux se concentrent sur la réali­sa­tion de docu­men­taires.

Crowd­fun­ding

Comment est né ce projet, qui devrait être traduit dans sept langues, et pour­rait ainsi rapi­de­ment faire le tour du monde ? « C’est un film initié par Pierre, avec qui on échan­geait beau­coup pendant le premier confi­ne­ment sur cette situa­tion extra­or­di­naire, raconte à Libé­ra­tion Chris­tophe Cossé, pour qui le succès autour du film s’ex­plique par le manque de plura­lisme des médias sur l’épi­dé­mie. Il n’y a pas eu de travail de fond sur ce sujet, comme on pour­rait l’exi­ger de l’en­semble de nos rédac­tions. Il n’y a surtout eu aucun plura­lisme. Les voix disso­nantes sur la situa­tion sani­taire ont toutes été rapi­de­ment isolées. Il faut croire que les gens qui nous soutiennent avaient besoin ou envie d’avoir d’autres regards que celui qui nous est proposé pour le moment. »

Quid du plura­lisme dans Hold-up, où toutes les personnes tiennent, à peu de chose près, le même discours ? « Il n’y avait abso­lu­ment aucune inten­tion, aucun calcul de notre part. On a donné la parole à des gens qui avaient besoin d’une tribune, justi­fie-t-il. On n’avait jamais imaginé l’im­pact que pour­rait avoir ce film, ça nous dépasse un petit peu. »

Pour finan­cer ce projet, les trois hommes ont choisi le crowd­fun­ding. A raison : leur objec­tif de 20 000 euros sur la plate­forme Ulule a été atteint en quatre jours et le projet a fina­le­ment été financé à 914 % (un peu plus de 182 970 euros collec­tés, auxquels il faut ajou­ter plus de 100 000 euros sur Tipeee pour le seul mois de novembre). Lancée fin août, la campagne de crowd­fun­ding a été large­ment parta­gée sur Face­book. Hold-up a ainsi remporté un succès bien plus impor­tant que leur précé­dent projet qui avait récol­té… moins de 400 euros sur un objec­tif de 30 000.

Dix contre-véri­tés véhi­cu­lées par « Hold-up »

Par Service Check­news

L’équipe « CheckNews » de « Libé­ra­tion » a passé au crible, minute par minute, les affir­ma­tions des nombreux inter­ve­nants du docu­men­taire.

L’idée géné­rale du docu­men­taire Hold-up, selon laquelle la pandé­mie servi­rait un dessein caché (et assez fumeux) des auto­ri­tés, ne relève pas de la critique factuelle. Le propre des discours conspi­ra­tion­nistes, ne s’ap­puyant sur aucun élément tangible, étant qu’il échappe au fact-checking. Pour autant, tout au long de ses deux heures quarante-trois, le docu distille, dans la bouche de ses nombreux inter­ve­nants, quan­tité d’in­for­ma­tions erro­nées, trom­peuses, qui, elles, peuvent être aisé­ment infir­mées. Flori­lège non exhaus­tif.

1. L’OMS ne préco­nise pas le port du masque pour le grand public (à 5 min)

« La France n’ap­plique pas les recom­man­da­tions de l’OMS. L’OMS ne dit pas que tout le monde doit mettre un masque », affirme Astrid Stuckel­ber­ger, « docteure en méde­cine et profes­seure univer­si­taire ». Les recom­man­da­tions, dont la dernière version date du 20 octobre, sont pour­tant claires : « Si le Covid-19 se propage dans votre commu­nauté, proté­gez-vous en prenant quelques précau­tions simples, comme main­te­nir une distance physique avec autrui, porter un masque, bien venti­ler les pièces […]. Consi­dé­rez le port du masque comme normal lorsque vous êtes avec d’autres personnes. » Et de préco­ni­ser le port du masque en tissu en popu­la­tion géné­rale, et le masque chirur­gi­cal pour les personnes à risque, ainsi qu’en cas de symp­tômes évoca­teurs de la mala­die. En juin, l’OMS conseillait déjà aux auto­ri­tés « d’en­cou­ra­ger le port du masque par le grand public dans des situa­tions et lieux parti­cu­liers, dans le cadre d’une approche globale de lutte contre la trans­mis­sion du Sars-CoV-2 ». 

2. Le confi­ne­ment n’a servi à rien (à 8 min)

C’est une des thèses marte­lées tout au long du docu­men­taire : le confi­ne­ment, en plus d’être liber­ti­cide, est inutile sur le plan sani­taire. Les auteurs en ont la preuve, courbe de morta­lité de l’In­see à l’ap­pui : « Le virus a parti­cu­liè­re­ment sévi du 15 mars au 15 avril, période où nous étions tous confi­nés grâce à une mesure histo­rique censée ne pas faire appa­raître cette courbe », note la voix off. C’est effec­ti­ve­ment après l’en­trée en vigueur du confi­ne­ment (le 17 mars) que le pic de morta­lité est apparu. Ce qui, sauf à ne pas comprendre la dyna­mique d’une épidé­mie, ne prouve pas que le confi­ne­ment n’a servi à rien. Car les décès inter­viennent, en moyenne, trois semaines après la conta­mi­na­tion. Il est donc logique que le pic du nombre de morts, apparu à la fin de la première semaine d’avril, ait eu lieu trois semaines après l’ins­tau­ra­tion du confi­ne­ment, qui corres­pon­dait, lui, au pic des conta­mi­na­tions.

3. La Suède n’a pas confiné et compte beau­coup moins de morts que nous (à 10 min)

« Quant à la Suède, qui n’a pas confiné, les chiffres parlent d’eux-mêmes », explique la voix off, soucieuse de souli­gner, en termes de décès, la diffé­rence entre la France et ce pays scan­di­nave. Et de montrer une info­gra­phie selon laquelle la Suède a connu un pic à 111 morts au prin­temps, tandis que la France affi­chait un sommet à 1 438 morts le 15 avril. Problème : le « pic français » du 15 avril n’a pas grand sens. Ce jour-là, les données incluent le bilan quoti­dien des morts à l’hô­pi­tal (514), mais aussi et surtout celui des Ehpad (924 morts), qui n’est, lui, remonté que tous les trois ou quatre jours, et qui repré­sente donc plusieurs jours de décès cumu­lés. Ainsi, les chiffres, pris en moyenne sur sept jours, afin de lisser les soubre­sauts statis­tiques propres à chaque pays, montrent un pic suédois de 99 morts le 16 avril, tandis que l’Hexa­gone connaît le sien, avec 974 morts, le 9 avril.

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Rapporté à la taille de chaque popu­la­tion, cela donne un pic de 97 morts pour 100 000 habi­tants en Suède, contre 145 morts pour 100 000 habi­tants en France. Soit un pic 1,5 fois plus impor­tant pour la France par rapport à la Suède, contre 13 fois plus impor­tant dans le docu­men­taire. Et encore, le pic Français, à ce moment-là, est gonflé par la remon­tée tardive des décès dans les Ehpad, qui ne sera mise en place que début avril. Car sur toute la première vague, et pas seule­ment au moment du pic, la Suède comp­tait, en cumulé, davan­tage de morts que la France : au 18 juin, elle enre­gis­trait ainsi 494 morts par million d’ha­bi­tants, contre 442 par million d’ha­bi­tants pour la France.

Par ailleurs, dire que la Suède n’a pas confiné, c’est aller un peu vite en besogne. Certes, le pays n’a pas connu de confi­ne­ment strict comme la plupart des pays euro­péens. Mais sa popu­la­tion a d’elle-même réduit, sur « recom­man­da­tions » du gouver­ne­ment, une grande partie de ses inter­ac­tions sociales. Par ailleurs, lors de la première vague, les lycées et facs ont été fermés et les rassem­ble­ments de plus de 50 personnes, tout comme les visites dans les maisons de retraite, étaient inter­dits. 

4. La « déla­tion rému­né­rée » des méde­cins (à 38 min)

Les méde­cins ont été inci­tés finan­ciè­re­ment à signa­ler les cas contacts de leurs patients, affirme le docu­men­taire. Une « déla­tion rému­né­rée », dénonce la voix off. Pour illus­trer le propos : une capture d’écran d’un article de CheckNews. Détail cocasse, ce dernier expliquait le contraire. En effet, si cette piste a été un temps évoquée, elle a vite été aban­don­née. Et notre article était ainsi titré : « Fina­le­ment, les méde­cins ne béné­fi­cie­ront pas d’une prime au signa­le­ment des cas contacts ». Ce qui témoigne, de la part des auteurs, d’une gros­sière mani­pu­la­tion.

5. L’OMS inter­dit les autop­sies (à 39 min)

Le docu­men­taire s’in­ter­roge sur la possi­bi­lité d’une évalua­tion fiable du nombre de morts du Covid-19. L’en­do­cri­no­logue et gyné­co­logue Violaine Guérin l’af­firme : « Il faut réali­ser qu’on a inter­dit les autop­sies. » Pour quelle raison, inter­roge l’in­ter­vie­weur ? « Instruc­tion de l’OMS, etc. » Une allé­ga­tion là encore menson­gère. L’OMS n’in­ter­dit pas les autop­sies, puisqu’elle en préci­sait dès mars les moda­li­tés : « Les procé­dures de sécu­rité appliquées aux personnes décé­dées infec­tées par le virus du Covid-19 doivent être compa­tibles avec celles utili­sées pour n’im­porte quelle autop­sie de personne décé­dée de mala­die respi­ra­toire aiguë. Si une personne est morte pendant la période de conta­gio­sité du virus du Covid-19 […] des mesures de protec­tion respi­ra­toire supplé­men­taires seront néces­saires pendant les actes géné­rant des aéro­sols. » Il est simple­ment précisé que « s’il est pris la déci­sion d’au­top­sier un corps présumé ou confirmé infecté par le virus du Covid-19, les établis­se­ments de santé doivent véri­fier que des mesures de sécu­rité sont en place pour proté­ger les personnes qui pratique­ront l’au­top­sie ».

6. On nous prévoyait 500 000 morts au Royaume-Uni (à 57 min)

Surfant sur l’idée que les auto­ri­tés ont voulu géné­rer la peur, l’in­fec­tio­logue Chris­tian Perronne raille « le plus grand canu­lar » de l’épi­dé­mie : la projec­tion, par Neil Fergu­son, de 500 000 morts au Royaume Uni. Les modé­li­sa­tions de l’épi­dé­mio­lo­giste star de l’Im­pe­rial College of London ont bien pesé dans les déci­sions des Etats euro­péens (y compris en France) de prendre des mesures sévères pour endi­guer l’épi­dé­mie. Mais l’ar­gu­ment selon lequel la projec­tion s’est révé­lée fausse parce que le Royaume-Uni n’a pas connu l’hé­ca­tombe annon­cée est absurde. La modé­li­sa­tion enten­dait évaluer le risque encouru si aucune mesure n’était prise contre l’épi­dé­mie. Certes, on ne saura jamais ce qu’il serait advenu si le confi­ne­ment n’avait pas été décrété. Mais c’est pour éviter qu’il y ait 500 000 morts qu’il a été décidé.

7. Laurent Toubiana a prédit la fin de l’épi­dé­mie (à 1 h 12)

« J’ai pu donner le moment où l’épi­dé­mie allait atteindre son pic, j’ai pu donner aussi le moment où elle allait atteindre la fin. Je l’ai écrit, et je n’ai pas lu cela dans une boule de cris­tal : je l’ai déduit de mes connais­sances de la mala­die », fanfa­ronne l’épi­dé­mio­lo­giste Laurent Toubiana. Dans un texte écrit le 11 mars, le cher­cheur de l’In­serm explique : « Il est très possible d’es­pé­rer que l’épi­dé­mie atteigne son pic en Europe avant la fin mars, et avec une fin de l’épi­dé­mie vers la fin avril 2020. » Si le pic de l’épi­dé­mie, en France par exemple, a bien été atteint début avril, la « fin », elle, se fait encore atten­dre… Mercredi, et pour ne parler que des décès, l’Hexa­gone connais­sait 385 morts dus au Covid (en moyenne sur sept jours), soit 74 % du pic de la première vague (514 morts le 8 avril). Toubiana se targue donc d’avoir prédit la fin d’une épidé­mie… qui n’est pas finie.

8. Avec le Rivo­tril, l’Etat a orga­nisé l’eu­tha­na­sie des seniors (à 1 h 14)

C’est Serge Rader, phar­ma­cien et figure du mouve­ment anti­vac­cin, qui l’af­firme, à propos des personnes âgées en Ehpad : « On leur a préparé la seringue de Rivo­tril avec un arrêté à la clé, pour les ache­ver complè­te­ment. » L’af­fir­ma­tion fait écho à une intox large­ment relayée depuis des mois, selon laquelle l’Etat aurait orga­nisé l’eu­tha­na­sie des personnes âgées en auto­ri­sant par décret l’uti­li­sa­tion du Rivo­tril, un séda­tif utilisé en soins pallia­tifs. Un décret a bien été publié fin mars, pour faci­li­ter la dispen­sa­tion de la molé­cule. Mais il ne visait pas à rendre possible l’eu­tha­na­sie – illé­gale – mais à pallier la pénu­rie de mida­zo­lam, une autre molé­cule pour laquelle les hôpi­taux crai­gnaient une érosion des stocks, utili­sée pour endor­mir les patients en réani­ma­tion, mais aussi en soins pallia­tifs, pour adou­cir la fin de vie des malades.

A LIRE AUSSILa promo­tion du film assu­rée par France Soir

9. L’Ins­ti­tut Pasteur a créé le virus (à 1 h 52)

Jean-Bernard Four­tillan, connu pour avoir récem­ment mené un essai clinique sauvage sur plus de 350 malades de Parkin­son et Alzhei­mer (et proche du docteur Henri Joyeux, figure du mouve­ment anti­vac­cin), affirme, lui, que le Sars-CoV-1, puis le Sars-CoV-2, ont été créés en insé­rant une « séquence d’ADN de la mala­ria » dans un virus peu dange­reux. Le respon­sable ? L’ins­ti­tut Pasteur, qui aurait déposé un brevet vieux de quinze ans sur le sujet. Problème : ces brevets sont des docu­ments publics, qui comportent par exemple des descrip­tions de séquences d’un coro­na­vi­rus de 2002 (respon­sable du Sras) et des premières pistes pour trou­ver un vaccin. Quoi qu’il en soit, « on n’in­vente pas un virus », comme l’ex­plique Olivier Schwartz, direc­teur de l’unité virus et immu­nité de l’Ins­ti­tut Pasteur, ajou­tant qu’il existe des centaines, voire des milliers de brevets de ce genre chaque année. Le 2 novembre, le tribu­nal correc­tion­nel de Senlis a d’ailleurs condamné pour diffa­ma­tion un homme qui avait diffusé les mêmes accu­sa­tions contre l’Ins­ti­tut Pasteur. Il a écopé d’une amende de 5 000 euros avec sursis et 1 euro de dommages et inté­rêts.

10. Les tests Covid exis­taient déjà en 2015 (à 1 h 52)

Dans la même veine que ces vrais-faux brevets, est reprise l’idée selon laquelle des tests PCR détec­tant le virus exis­taient bien avant l’ap­pa­ri­tion de la mala­die. Au moins depuis 2015, enchaîne l’in­ter­ve­nant, en bran­dis­sant des images issues d’une base de données de la Banque mondiale, censées montrer que des « tests Covid » ont été vendus avant cette année. En réalité, pour aider les pays à avoir une idée globale des stocks et échanges des produits en tension pendant la crise, comme les réac­tifs utili­sés dans les tests, les codes de ces biens commer­ciaux ont été mis à jour pour être regrou­pés sur une même page de la banque mondiale et inti­tu­lés Covid-19. Et ce sont des produits commer­cia­li­sés depuis des années qui se sont retrou­vés sous cette appel­la­tion. La rumeur a pris telle­ment d’am­pleur, à l’au­tomne, que la Banque mondiale a dû modi­fier en urgence ses pages pour faire appa­raître ces produits sous le nom « tests médi­caux » et non plus « test Covid ». Cette fois, Jean-Bernard Four­tillan en rajoute une couche puisqu’il parle de « brevet sur les tests pour détec­ter le Covid » déposé en 2015. Comme l’ont expliqué nos confrères d’AFP Factuel il y a quelques semaines, il s’agit d’un brevet sur les tech­niques d’ana­lyse de données biomé­triques mis à jour en 2020 permet­tant d’uti­li­ser ces tech­niques dans le cadre du Covid, comme le permet la régle­men­ta­tion améri­caine. 

La suite et fin du docu­men­taire se perd entre le trans­hu­ma­nisme, la 5G, ou l’avè­ne­ment prochain d’un gouver­ne­ment mondial à la faveur de la pandé­mie (dont on parle de moins en moins). Les trois derniers quarts d’heure ne semblent même plus prétendre repo­ser sur des faits, rendant sans objet l’exa­men factuel des propos tenus.

Covid-19 : les contre-véri­tés de « Hold-up », docu­men­taire à succès qui prétend dévoi­ler la face cachée de l’épi­dé­mie

Le film, diffusé en ligne depuis mercredi, promet de racon­ter l’his­toire secrète de l’épi­dé­mie due au coro­na­vi­rus. En réalité, il s’af­fran­chit des faits à de multiples reprises. Inven­taire.

Par Adrien Séné­cat et Assma Maad  Les Déco­deurs  Le Monde

Le Covid-19 ne serait guère plus qu’une « grip­pette », les mesures sani­taires prises depuis le prin­temps n’au­raient aucun sens et les citoyens du monde entier se seraient fait berner par une élite corrom­pue. Voilà, à gros traits, ce que prétend dévoi­ler le docu­men­taire Hold-up, retour sur un chaos (dispo­nible en version payante en ligne depuis mercredi 11 novembre), réalisé par Pierre Barné­rias. Très attendu, il a recueilli plusieurs centaines de milliers d’eu­ros de finan­ce­ment parti­ci­pa­tif, sa bande-annonce a déjà été vue plus de 400 000 fois sur YouTube et il est très large­ment partagé sur les réseaux sociaux.

Pendant un peu plus de deux heures quarante, les auteurs prétendent racon­ter l’his­toire secrète du Covid-19. Une ribam­belle d’in­vi­tés y défile, dont certains noms pres­ti­gieux comme l’an­cien ministre de la santé français Philippe Douste-Blazy, qui a, cepen­dant, pris ses distances avec le contenu du film.

Ce récit pros­père sur plusieurs contro­verses bien réelles autour de la pandé­mie, comme les inter­ro­ga­tions sur l’ori­gine du virus, qui n’est toujours pas tran­chée et les discours fluc­tuants des auto­ri­tés sani­taires sur l’uti­lité du port du masque. Mais loin d’ap­pro­fon­dir ces débats, Hold-up multi­plie les affir­ma­tions approxi­ma­tives, voire complè­te­ment fausses. Nous en avons sélec­tionné sept exemples.

Ce que dit le docu­men­taire

Le film remet en ques­tion l’en­semble des mesures sani­taires prises en France et ailleurs pour lutter contre l’épi­dé­mie de Covid-19. Notam­ment dans cet extrait où il est ques­tion de chiffres, graphique à l’ap­pui :INFOGRAPHIE LE MONDE

« Ces courbes appar­tiennent à l’In­see. Elles corres­pondent au nombre de morts total en 2018, 2019 et 2020 de mars à septembre. Le virus a donc parti­cu­liè­re­ment sévi du 15 mars au 15 avril, période où nous étions tous confi­nés grâce à une mesure histo­rique censée ne pas faire appa­raître cette courbe. »

POURQUOI C’EST FAUX

La première période de confi­ne­ment en France a débuté le 17 mars. Et il est vrai que le nombre de décès à l’hô­pi­tal a augmenté dans les trois semaines qui ont suivi, pour atteindre son niveau le plus élevé.

Mais il est simpliste d’en conclure que le confi­ne­ment n’au­rait eu aucune utilité sur la propa­ga­tion du virus. En effet, les consé­quences d’une telle mesure ne peuvent être immé­diates. Les patients qui décèdent à l’hô­pi­tal à une date donnée ont été conta­mi­nés en moyenne entre trois et quatre semaines plus tôt. Le « pic » de morta­lité observé du 15 mars au 15 avril corres­pond donc à la circu­la­tion du virus très active avant la mi-mars, que le confi­ne­ment avait juste­ment voca­tion à arrê­ter. Des études ont d’ailleurs estimé que le nombre réel de cas de Covid-19 en France au mois de mars était des dizaines de fois supé­rieur au nombre de cas confir­més par les tests réali­sés en faible nombre à l’époque.

Le taux de repro­duc­tion du virus dans la popu­la­tion (c’est-à-dire le nombre d’in­di­vi­dus qu’une personne infec­tée conta­mine) a dras­tique­ment baissé pendant le confi­ne­ment du prin­temps, passant d’en­vi­ron 3 à 0,7, selon les spécia­listes. Si l’on peut critiquer les effets du confi­ne­ment sur l’éco­no­mie et la société, voire inter­ro­ger sa part exacte dans la décrue de l’épi­dé­mie au prin­temps, les affir­ma­tions de Hold-up en la matière sont bien éloi­gnées des faits.

  • L’ac­cu­sa­tion infon­dée contre le docteur Fauci sur la chlo­roquine et le SRAS

Ce que dit le docu­men­taire

La contro­verse sur le recours à l’hy­droxy­chlo­roquine est l’un des éléments centraux de Hold-up. Le docu­men­taire défend la thèse selon laquelle il exis­te­rait un « achar­ne­ment » contre le proto­cole de Didier Raoult, pour­tant jugé effi­cace par plusieurs inter­ve­nants comme Chris­tian Perronne ou Philippe Douste-Blazy. Parmi les respon­sables dési­gnés de cette cabale suppo­sée, desti­née à favo­ri­ser l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique, figurent des méde­cins français, comme Karine Lacombe, mais aussi l’Amé­ri­cain Anthony Fauci.

Ce dernier est un expert en mala­dies infec­tieuses et le pilier de la « task force » mise en place par le gouver­ne­ment améri­cain pour lutter contre le Covid-19. Dans le docu­men­taire, il est accusé d’avoir changé son fusil d’épaule sur l’hy­droxy­chlo­roquine : « Hier, il faisait la promo­tion de l’hy­droxy­chlo­roquine dans une épidé­mie simi­laire. Aujourd’­hui, il la combat. Pour quelles raisons ? »

POURQUOI C’EST INFONDÉ

Aux Etats-Unis, Anthony Fauci a été la cible de multiples théo­ries complo­tistes, dès lors qu’il a, depuis le mois de mars, publique­ment ques­tionné l’ef­fi­ca­cité de la chlo­roquine et de son dérivé, l’hy­droxy­chlo­roquine, contre le Covid-19. L’idée selon laquelle il aurait, à cette occa­sion, défendu une ligne inverse à celle qui était la sienne, lors l’épi­dé­mie de SRAS, a circulé sur les réseaux sociaux anglo­phones, avant d’être reprise en France.

D’où vient cette rumeur ? Plusieurs sites de véri­fi­ca­tion améri­cains ont repéré au prin­temps des publi­ca­tions virales affir­mant que l’im­mu­no­logue améri­cain défen­dait l’ef­fi­ca­cité de la chlo­roquine et l’hy­droxy­chlo­roquine depuis 2005. Selon eux, des inter­nautes ont déterré une étude de 2005 qui suggère que la chlo­roquine est « un puis­sant inhi­bi­teur de l’in­fec­tion et de la propa­ga­tion » du SARS-CoV, respon­sable de l’épi­dé­mie de SRAS qui a sévi essen­tiel­le­ment en Chine entre 2002 et 2004.

Cette étude a été publiée par une revue scien­ti­fique, The Viro­logy Jour­nal, puis indexée par la Biblio­thèque natio­nale de méde­cine des Insti­tuts natio­naux de la santé aux Etats-Unis. Anthony Fauci est direc­teur depuis 1984 de l’un d’entre eux : l’Ins­ti­tut natio­nal des aller­gies et mala­dies infec­tieuses. A ce titre, il n’au­rait pas pu igno­rer cette publi­ca­tion scien­ti­fique, et connais­sait donc les effets béné­fiques de la chlo­roquine sur les coro­na­vi­rus, selon la rumeur.

Or, cette présen­ta­tion des faits est inexacte. D’une part, l’étude en ques­tion explique que la chlo­roquine a des proprié­tés anti­vi­rales dans le cadre de tests in vitro, à l’aide de cellules en culture. Mais l’ex­pé­rience n’a pas été menée sur des malades du SRAS, elle ne prouve donc pas l’ef­fi­ca­cité de la molé­cule sur les humains, comme l’a rappelé l’un des coau­teurs de cette étude, inter­rogé en août par l’Agence France-Presse (AFP). D’autre part, le Viro­logy Jour­nal est une revue qui appar­tient à l’édi­teur britan­nique scien­ti­fique BioMed Central. Elle n’a aucun lien avec les insti­tu­tions gouver­ne­men­tales sani­taires améri­caines ou avec le docteur Fauci, qui n’a lui-même pas pris posi­tion sur le sujet, à l’époque, à notre connais­sance.

  • Un imagi­naire pic de morta­lité après le « Lancet­gate »

Ce que dit le docu­men­taire

Le 22 mai, la revue scien­ti­fique The Lancet publiait une étude souli­gnant des effets délé­tères de la prise d’hy­droxy­chlo­roquine chez les patients hospi­ta­li­sés pour Covid-19. Mais cette publi­ca­tion a été rétrac­tée le 4 juin, le jour­nal jugeant que les données utili­sées étaient sujettes à caution. L’af­faire, rebap­ti­sée « Lancet­gate », a dura­ble­ment enta­ché l’image de la revue.

Dans Hold-up, le méde­cin Chris­tian Perronne va beau­coup plus loin. Selon lui, cette étude scien­ti­fique a eu des consé­quences sani­taires désas­treuses en dissua­dant les méde­cins de pres­crire l’hy­droxy­chlo­roquine un peu partout dans le monde, notam­ment en Suisse et dans d’autres pays euro­péens, en Asie et en Amérique. Après la publi­ca­tion, « on a vu un pic de morta­lité pendant deux-trois semaines qui était l’ef­fet Lancet, puisque les gens avaient arrêté de pres­crire », affirme le profes­seur Perronne, qui assure aussi que la rétrac­ta­tion de l’ar­ticle aurait permis de faire repar­tir la morta­lité à la baisse.

POURQUOI C’EST FAUX

Compte tenu du délai entre la conta­mi­na­tion et un éven­tuel décès, cela revient à étudier s’il y a pu avoir un pic de morta­lité très ponc­tuel dans certains pays au cours du mois de juin. Or, aucun pic de morta­lité n’a pu être observé entre fin mai et fin juin dans les pays comme la France, l’Ita­lie, l’Es­pagne ou la Suisse, comme l’af­firme Chris­tian Perronne.

Quant aux pays plus dure­ment touchés par l’épi­dé­mie à cette période, comme le Brésil ou le Chili, on n’y constate pas pour autant de pic de morta­lité limité à quelques semaines qui pour­rait suggé­rer un lien avec un arrêt de l’uti­li­sa­tion de tel ou tel trai­te­ment. Au niveau mondial, le nombre de morts était d’en­vi­ron 4 000 par jour en moyenne en juin, contre envi­ron 5 000 en mai et en juillet.

  • L’in­tox du Rivo­tril et de l’eu­tha­na­sie des personnes âgées

Ce que dit le docu­men­taire

Pour évoquer le sort de « nos anciens, inter­dits d’hos­pi­ta­li­sa­tion pendant le confi­ne­ment », corrélé au « nombre de morts a[yant] explosé dans les Ehpad », le docu­men­taire tend le micro au phar­ma­cien Serge Rader. Pour lui, l’au­to­ri­sa­tion par le gouver­ne­ment de la vente en phar­ma­cie du médi­ca­ment séda­tif Rivo­tril est la porte ouverte à une léga­li­sa­tion de l’eu­tha­na­sie des personnes âgées : « Non seule­ment on ne les a pas amenés en réani­ma­tion, mais on leur a préparé la seringue de Rivo­tril avec un arrêté à la clé pour les ache­ver complè­te­ment alors qu’ils étaient déjà en détresse respi­ra­toire. »Le pharmacien Serge Rader, dans le film documentaire « Hold-up ».Le phar­ma­cien Serge Rader, dans le film docu­men­taire « Hold-up ». CAPTURE D’ÉCRAN HOLD UP

POURQUOI C’EST FAUX

Cette accu­sa­tion a déjà été portée aupa­ra­vant par Serge Rader. Il n’est pas le seul : le député UDI Meyer Habib avait dénoncé sur son compte Twit­ter ce « permis légal d’eu­tha­na­sier en France », une allé­ga­tion qui avait été reprise en nombre sur les réseaux sociaux.

Pourquoi une telle polé­mique ? Le gouver­ne­ment a adopté un décret le 28 mars donnant droit aux phar­ma­cies d’of­fi­cine de dispen­ser sous « forme injec­table » le Rivo­tril aux patients atteints du Covid-19 ou suscep­tibles de l’être. L’objec­tif est « la prise en charge pallia­tive des patients confron­tés à un état asphyxique et ne pouvant être admis en réani­ma­tion, ou pour lesquels une déci­sion de limi­ta­tion de trai­te­ments actifs a été prise »expliquait la Fédé­ra­tion des phar­ma­ciens d’of­fi­cine (FSPF).

Cette faci­lité de pres­crip­tion s’est donc justi­fiée par la volonté d’amé­lio­rer le confort d’un malade en fin de vie, hors du cadre hospi­ta­lier. Il ne s’agis­sait pas d’une injec­tion létale, d’une eutha­na­sie.

Cet amal­game a été dénoncé par Olivier Véran, qui a pointé des accu­sa­tions « honteuses » début novembre : « On ne pouvait plus utili­ser les médi­ca­ments de confort de fin de vie pour des gens qui allaient mourir, a expliqué le ministre de la santé. Il y avait deux options : ou on lais­sait les gens mourir d’ago­nie dans les Ehpad (…), ou on les accom­pa­gnait pour les soula­ger avec un autre médi­ca­ment qu’est le Rivo­tril, conforme aux recom­man­da­tions de la Société française d’ac­com­pa­gne­ment et de soins pallia­tifs. »

  • L’exemple enjo­livé de la Suède

Ce que dit le docu­men­taire

Le cas spéci­fique de la Suède, qui a adopté une stra­té­gie sani­taire atypique, est régu­liè­re­ment cité dans le docu­men­taire comme la preuve que le Covid-19 ne serait, fina­le­ment, pas très dange­reux. C’est notam­ment ce qu’af­firme Michael Levitt, lauréat en 2013 du prix Nobel de chimie :

« Ce que nous n’avons pas compris je pense, c’est que le coro­na­vi­rus ne se déve­lop­pait pas très rapi­de­ment. D’une certaine manière, la Suède a décidé à la mi-mars de ne pas inter­ve­nir. (…) Il est devenu assez clair début avril qu’ils avaient pris la bonne déci­sion. C’était une merveilleuse expé­rience. »

POURQUOI C’EST PLUS COMPLIQUÉ

Contrai­re­ment à bon nombre de pays, la Suède n’a pas édicté de mesure contrai­gnante de confi­ne­ment de la popu­la­tion. Mais le pays n’a pas adopté pour autant une posture de lais­ser-faire total vis-à-vis de l’épi­dé­mie. Simple­ment, beau­coup de mesures qui étaient des obli­ga­tions ailleurs (par exemple, en matière de distan­cia­tion physique ou de limi­ta­tion des rassem­ble­ments) s’y sont décli­nées sous forme de recom­man­da­tions, en misant sur le sens des respon­sa­bi­li­tés de la popu­la­tion.

Avec quelle effi­ca­cité ? Diffi­cile, à ce stade, d’en juger. Mais, rapporté à la popu­la­tion du pays, le bilan humain de l’épi­dé­mie n’est pas négli­geable : il est de 600 morts pour un million d’ha­bi­tants au 12 novembre, ce qui est, certes, un peu moins que la France (635), mais beau­coup plus que chez les voisins finlan­dais (66) et norvé­gien (53). Le tableau est donc, en tout cas, bien moins idyl­lique que ne l’in­dique le docu­men­taire.Lire aussi  Covid-19 : la Suède, le Dane­mark et la Finlande ont-ils une « recette » pour mieux lutter contre l’épi­dé­mie ?

  • Une fausse infor­ma­tion sur des « camps d’in­ter­ne­ment » Covid au Canada

Ce que dit le docu­men­taire

Parmi les preuves des suppo­sées dérives de la lutte contre l’épi­dé­mie, le docu­men­taire affirme que « ce virus va jusqu’à faire construire des futurs camps d’in­ter­ne­ment au Canada ». Suit alors l’ex­trait d’une inter­ven­tion du député cana­dien Randy Hillier, un membre du parle­ment provin­cial de l’On­ta­rio sur le sujet : « Où ces camps seront-ils construits ? Combien de personnes seront-elles déte­nues ? Et pour quelles raisons ces personnes seraient-elles gardées dans des camps d’iso­le­ment ? »

POURQUOI C’EST FAUX

L’in­ter­ven­tion de Randy Hillier au parle­ment provin­cial a eu lieu le 7 octobre. D’après Radio Canada Inter­na­tio­nal, sa remarque portait au départ sur les « centres », qui sont géné­ra­le­ment des chambres d’hô­tel mises à dispo­si­tion des personnes qui entrent sur le terri­toire cana­dien et n’ont pas d’autre endroit où effec­tuer leur isole­ment obli­ga­toire de quatorze jours à leur arri­vée sur le terri­toire. M. Hillier a alors demandé si les citoyens cana­diens « devraient se prépa­rer à des camps d’in­ter­ne­ment ».

Mais contrai­re­ment à ce que suggère ce parle­men­taire, le gouver­ne­ment cana­dien ne porte aucun projet de créer des « camps d’in­ter­ne­ment » de Cana­diens. Le premier ministre, Justin Trudeau, y a lui-même répondu, dénonçant une campagne de « désin­for­ma­tion ».

  • Un prétendu test pour détec­ter le Covid-19 dès 2015

Ce que dit le docu­men­taire

Autre thèse avan­cée par le docu­men­taire : un cercle d’ini­tiés aurait eu connais­sance de l’exis­tence du coro­na­vi­rus SARS-CoV-2 bien avant 2019. Jean-Bernard Four­tillan, un ancien profes­seur de chimie théra­peu­tique (par ailleurs mis en cause dans une affaire d’es­sais cliniques douteux), assure qu’il a récem­ment « décou­vert que l’on avait pris un brevet sur les tests pour détec­ter la mala­die Covid-19 le 13 octobre 2015. Donc ils connais­saient le virus… » Le supposé brevet appa­raît alors à l’image, comme une preuve de son affir­ma­tion.Ce document, montré dans le documentaire « Hold-up », est censé prouver qu’un brevet destiné à diagnostiquer le Covid-19 avait déjà vu le jour en 2015.Ce docu­ment, montré dans le docu­men­taire « Hold-up », est censé prou­ver qu’un brevet destiné à diagnos­tiquer le Covid-19 avait déjà vu le jour en 2015. CAPTURE D’ECRAN HOLD UP

POURQUOI C’EST FAUX

Le brevet évoqué dans le docu­men­taire existe bel et bien, mais son origine et ses fina­li­tés ont été défor­mées par M. Four­tillan.

Il s’agit au départ d’un brevet déposé par Richard A. Roth­schild aux Etats-Unis le 13 octobre 2015, lequel est consul­table ici. Il y est ques­tion de systèmes d’ana­lyses de données biomé­triques. A cette date, on n’y trouve aucune réfé­rence au Covid-19 ou à un coro­na­vi­rus.

En revanche, M. Roth­schild a formulé, depuis, plusieurs ajouts à ce brevet, comme l’y auto­rise le système améri­cain de propriété intel­lec­tuelle. La dernière en date remonte au 17 mai 2020, et est inti­tu­lée « System and Method for Testing for COVID-19 ». Il y a donc bien, cette fois, un lien avec la pandé­mie actuelle, mais large­ment ulté­rieur aux prémices de celles-ci.

Si la rumeur a pros­péré, c’est en fait à cause d’une confu­sion, invo­lon­taire ou pas, dans les dates mention­nées sur le brevet. La « Prio­ri­teits­da­tum » (date de prio­rité) mise en exergue dans le docu­men­taire, qui est bien le 13 octobre 2015, est en fait la date de dépôt du brevet initial. La date de dépôt de la version actua­li­sée du brevet est, elle, visible sous la mention « filing date » : il s’agit du 17 mai 2020.

Adrien Séné­cat et Assma Maad

 (…)

Quid du plura­lisme dans Hold-up, où toutes les personnes tiennent, à peu de chose près, le même discours ? « Il n’y avait abso­lu­ment aucune inten­tion, aucun calcul de notre part. On a donné la parole à des gens qui avaient besoin d’une tribune, justi­fie-t-il. On n’avait jamais imaginé l’im­pact que pour­rait avoir ce film, ça nous dépasse un petit peu. »

Pour finan­cer ce projet, les trois hommes ont choisi le crowd­fun­ding. A raison : leur objec­tif de 20 000 euros sur la plate­forme Ulule a été atteint en quatre jours et le projet a fina­le­ment été financé à 914 % (un peu plus de 182 970 euros collec­tés, auxquels il faut ajou­ter plus de 100 000 euros sur Tipeee pour le seul mois de novembre). Lancée fin août, la campagne de crowd­fun­ding a été large­ment parta­gée sur Face­book. Hold-up a ainsi remporté un succès bien plus impor­tant que leur précé­dent projet qui avait récol­té… moins de 400 euros sur un objec­tif de 30 000.

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Libé­ra­tion

Dix contre-véri­tés véhi­cu­lées par « Hold-up »

Par Service Check­news

L’équipe « CheckNews » de « Libé­ra­tion » a passé au crible, minute par minute, les affir­ma­tions des nombreux inter­ve­nants du docu­men­taire.

L’idée géné­rale du docu­men­taire Hold-up, selon laquelle la pandé­mie servi­rait un dessein caché (et assez fumeux) des auto­ri­tés, ne relève pas de la critique factuelle. Le propre des discours conspi­ra­tion­nistes, ne s’ap­puyant sur aucun élément tangible, étant qu’il échappe au fact-checking. Pour autant, tout au long de ses deux heures quarante-trois, le docu distille, dans la bouche de ses nombreux inter­ve­nants, quan­tité d’in­for­ma­tions erro­nées, trom­peuses, qui, elles, peuvent être aisé­ment infir­mées. Flori­lège non exhaus­tif.

1. L’OMS ne préco­nise pas le port du masque pour le grand public (à 5 min)

« La France n’ap­plique pas les recom­man­da­tions de l’OMS. L’OMS ne dit pas que tout le monde doit mettre un masque », affirme Astrid Stuckel­ber­ger, « docteure en méde­cine et profes­seure univer­si­taire ». Les recom­man­da­tions, dont la dernière version date du 20 octobre, sont pour­tant claires : « Si le Covid-19 se propage dans votre commu­nauté, proté­gez-vous en prenant quelques précau­tions simples, comme main­te­nir une distance physique avec autrui, porter un masque, bien venti­ler les pièces […]. Consi­dé­rez le port du masque comme normal lorsque vous êtes avec d’autres personnes. » Et de préco­ni­ser le port du masque en tissu en popu­la­tion géné­rale, et le masque chirur­gi­cal pour les personnes à risque, ainsi qu’en cas de symp­tômes évoca­teurs de la mala­die. En juin, l’OMS conseillait déjà aux auto­ri­tés « d’en­cou­ra­ger le port du masque par le grand public dans des situa­tions et lieux parti­cu­liers, dans le cadre d’une approche globale de lutte contre la trans­mis­sion du Sars-CoV-2 ». 

2. Le confi­ne­ment n’a servi à rien (à 8 min)

C’est une des thèses marte­lées tout au long du docu­men­taire : le confi­ne­ment, en plus d’être liber­ti­cide, est inutile sur le plan sani­taire. Les auteurs en ont la preuve, courbe de morta­lité de l’In­see à l’ap­pui : « Le virus a parti­cu­liè­re­ment sévi du 15 mars au 15 avril, période où nous étions tous confi­nés grâce à une mesure histo­rique censée ne pas faire appa­raître cette courbe », note la voix off. C’est effec­ti­ve­ment après l’en­trée en vigueur du confi­ne­ment (le 17 mars) que le pic de morta­lité est apparu. Ce qui, sauf à ne pas comprendre la dyna­mique d’une épidé­mie, ne prouve pas que le confi­ne­ment n’a servi à rien. Car les décès inter­viennent, en moyenne, trois semaines après la conta­mi­na­tion. Il est donc logique que le pic du nombre de morts, apparu à la fin de la première semaine d’avril, ait eu lieu trois semaines après l’ins­tau­ra­tion du confi­ne­ment, qui corres­pon­dait, lui, au pic des conta­mi­na­tions.

3. La Suède n’a pas confiné et compte beau­coup moins de morts que nous (à 10 min)

« Quant à la Suède, qui n’a pas confiné, les chiffres parlent d’eux-mêmes », explique la voix off, soucieuse de souli­gner, en termes de décès, la diffé­rence entre la France et ce pays scan­di­nave. Et de montrer une info­gra­phie selon laquelle la Suède a connu un pic à 111 morts au prin­temps, tandis que la France affi­chait un sommet à 1 438 morts le 15 avril. Problème : le « pic français » du 15 avril n’a pas grand sens. Ce jour-là, les données incluent le bilan quoti­dien des morts à l’hô­pi­tal (514), mais aussi et surtout celui des Ehpad (924 morts), qui n’est, lui, remonté que tous les trois ou quatre jours, et qui repré­sente donc plusieurs jours de décès cumu­lés. Ainsi, les chiffres, pris en moyenne sur sept jours, afin de lisser les soubre­sauts statis­tiques propres à chaque pays, montrent un pic suédois de 99 morts le 16 avril, tandis que l’Hexa­gone connaît le sien, avec 974 morts, le 9 avril.

A LIRE AUSSIQue sait-on du docu­men­taire « Hold-up », qui dénonce une « mani­pu­la­tion » mondiale sur le Covid-19 ?

Rapporté à la taille de chaque popu­la­tion, cela donne un pic de 97 morts pour 100 000 habi­tants en Suède, contre 145 morts pour 100 000 habi­tants en France. Soit un pic 1,5 fois plus impor­tant pour la France par rapport à la Suède, contre 13 fois plus impor­tant dans le docu­men­taire. Et encore, le pic Français, à ce moment-là, est gonflé par la remon­tée tardive des décès dans les Ehpad, qui ne sera mise en place que début avril. Car sur toute la première vague, et pas seule­ment au moment du pic, la Suède comp­tait, en cumulé, davan­tage de morts que la France : au 18 juin, elle enre­gis­trait ainsi 494 morts par million d’ha­bi­tants, contre 442 par million d’ha­bi­tants pour la France.

Par ailleurs, dire que la Suède n’a pas confiné, c’est aller un peu vite en besogne. Certes, le pays n’a pas connu de confi­ne­ment strict comme la plupart des pays euro­péens. Mais sa popu­la­tion a d’elle-même réduit, sur « recom­man­da­tions » du gouver­ne­ment, une grande partie de ses inter­ac­tions sociales. Par ailleurs, lors de la première vague, les lycées et facs ont été fermés et les rassem­ble­ments de plus de 50 personnes, tout comme les visites dans les maisons de retraite, étaient inter­dits. 

4. La « déla­tion rému­né­rée » des méde­cins (à 38 min)

Les méde­cins ont été inci­tés finan­ciè­re­ment à signa­ler les cas contacts de leurs patients, affirme le docu­men­taire. Une « déla­tion rému­né­rée », dénonce la voix off. Pour illus­trer le propos : une capture d’écran d’un article de CheckNews. Détail cocasse, ce dernier expliquait le contraire. En effet, si cette piste a été un temps évoquée, elle a vite été aban­don­née. Et notre article était ainsi titré : « Fina­le­ment, les méde­cins ne béné­fi­cie­ront pas d’une prime au signa­le­ment des cas contacts ». Ce qui témoigne, de la part des auteurs, d’une gros­sière mani­pu­la­tion.

5. L’OMS inter­dit les autop­sies (à 39 min)

Le docu­men­taire s’in­ter­roge sur la possi­bi­lité d’une évalua­tion fiable du nombre de morts du Covid-19. L’en­do­cri­no­logue et gyné­co­logue Violaine Guérin l’af­firme : « Il faut réali­ser qu’on a inter­dit les autop­sies. » Pour quelle raison, inter­roge l’in­ter­vie­weur ? « Instruc­tion de l’OMS, etc. » Une allé­ga­tion là encore menson­gère. L’OMS n’in­ter­dit pas les autop­sies, puisqu’elle en préci­sait dès mars les moda­li­tés : « Les procé­dures de sécu­rité appliquées aux personnes décé­dées infec­tées par le virus du Covid-19 doivent être compa­tibles avec celles utili­sées pour n’im­porte quelle autop­sie de personne décé­dée de mala­die respi­ra­toire aiguë. Si une personne est morte pendant la période de conta­gio­sité du virus du Covid-19 […] des mesures de protec­tion respi­ra­toire supplé­men­taires seront néces­saires pendant les actes géné­rant des aéro­sols. » Il est simple­ment précisé que « s’il est pris la déci­sion d’au­top­sier un corps présumé ou confirmé infecté par le virus du Covid-19, les établis­se­ments de santé doivent véri­fier que des mesures de sécu­rité sont en place pour proté­ger les personnes qui pratique­ront l’au­top­sie ».

6. On nous prévoyait 500 000 morts au Royaume-Uni (à 57 min)

Surfant sur l’idée que les auto­ri­tés ont voulu géné­rer la peur, l’in­fec­tio­logue Chris­tian Perronne raille « le plus grand canu­lar » de l’épi­dé­mie : la projec­tion, par Neil Fergu­son, de 500 000 morts au Royaume Uni. Les modé­li­sa­tions de l’épi­dé­mio­lo­giste star de l’Im­pe­rial College of London ont bien pesé dans les déci­sions des Etats euro­péens (y compris en France) de prendre des mesures sévères pour endi­guer l’épi­dé­mie. Mais l’ar­gu­ment selon lequel la projec­tion s’est révé­lée fausse parce que le Royaume-Uni n’a pas connu l’hé­ca­tombe annon­cée est absurde. La modé­li­sa­tion enten­dait évaluer le risque encouru si aucune mesure n’était prise contre l’épi­dé­mie. Certes, on ne saura jamais ce qu’il serait advenu si le confi­ne­ment n’avait pas été décrété. Mais c’est pour éviter qu’il y ait 500 000 morts qu’il a été décidé.

7. Laurent Toubiana a prédit la fin de l’épi­dé­mie (à 1 h 12)

« J’ai pu donner le moment où l’épi­dé­mie allait atteindre son pic, j’ai pu donner aussi le moment où elle allait atteindre la fin. Je l’ai écrit, et je n’ai pas lu cela dans une boule de cris­tal : je l’ai déduit de mes connais­sances de la mala­die », fanfa­ronne l’épi­dé­mio­lo­giste Laurent Toubiana. Dans un texte écrit le 11 mars, le cher­cheur de l’In­serm explique : « Il est très possible d’es­pé­rer que l’épi­dé­mie atteigne son pic en Europe avant la fin mars, et avec une fin de l’épi­dé­mie vers la fin avril 2020. » Si le pic de l’épi­dé­mie, en France par exemple, a bien été atteint début avril, la « fin », elle, se fait encore atten­dre… Mercredi, et pour ne parler que des décès, l’Hexa­gone connais­sait 385 morts dus au Covid (en moyenne sur sept jours), soit 74 % du pic de la première vague (514 morts le 8 avril). Toubiana se targue donc d’avoir prédit la fin d’une épidé­mie… qui n’est pas finie.

8. Avec le Rivo­tril, l’Etat a orga­nisé l’eu­tha­na­sie des seniors (à 1 h 14)

C’est Serge Rader, phar­ma­cien et figure du mouve­ment anti­vac­cin, qui l’af­firme, à propos des personnes âgées en Ehpad : « On leur a préparé la seringue de Rivo­tril avec un arrêté à la clé, pour les ache­ver complè­te­ment. » L’af­fir­ma­tion fait écho à une intox large­ment relayée depuis des mois, selon laquelle l’Etat aurait orga­nisé l’eu­tha­na­sie des personnes âgées en auto­ri­sant par décret l’uti­li­sa­tion du Rivo­tril, un séda­tif utilisé en soins pallia­tifs. Un décret a bien été publié fin mars, pour faci­li­ter la dispen­sa­tion de la molé­cule. Mais il ne visait pas à rendre possible l’eu­tha­na­sie – illé­gale – mais à pallier la pénu­rie de mida­zo­lam, une autre molé­cule pour laquelle les hôpi­taux crai­gnaient une érosion des stocks, utili­sée pour endor­mir les patients en réani­ma­tion, mais aussi en soins pallia­tifs, pour adou­cir la fin de vie des malades.

A LIRE AUSSILa promo­tion du film assu­rée par France Soir

9. L’Ins­ti­tut Pasteur a créé le virus (à 1 h 52)

Jean-Bernard Four­tillan, connu pour avoir récem­ment mené un essai clinique sauvage sur plus de 350 malades de Parkin­son et Alzhei­mer (et proche du docteur Henri Joyeux, figure du mouve­ment anti­vac­cin), affirme, lui, que le Sars-CoV-1, puis le Sars-CoV-2, ont été créés en insé­rant une « séquence d’ADN de la mala­ria » dans un virus peu dange­reux. Le respon­sable ? L’ins­ti­tut Pasteur, qui aurait déposé un brevet vieux de quinze ans sur le sujet. Problème : ces brevets sont des docu­ments publics, qui comportent par exemple des descrip­tions de séquences d’un coro­na­vi­rus de 2002 (respon­sable du Sras) et des premières pistes pour trou­ver un vaccin. Quoi qu’il en soit, « on n’in­vente pas un virus », comme l’ex­plique Olivier Schwartz, direc­teur de l’unité virus et immu­nité de l’Ins­ti­tut Pasteur, ajou­tant qu’il existe des centaines, voire des milliers de brevets de ce genre chaque année. Le 2 novembre, le tribu­nal correc­tion­nel de Senlis a d’ailleurs condamné pour diffa­ma­tion un homme qui avait diffusé les mêmes accu­sa­tions contre l’Ins­ti­tut Pasteur. Il a écopé d’une amende de 5 000 euros avec sursis et 1 euro de dommages et inté­rêts.

10. Les tests Covid exis­taient déjà en 2015 (à 1 h 52)

Dans la même veine que ces vrais-faux brevets, est reprise l’idée selon laquelle des tests PCR détec­tant le virus exis­taient bien avant l’ap­pa­ri­tion de la mala­die. Au moins depuis 2015, enchaîne l’in­ter­ve­nant, en bran­dis­sant des images issues d’une base de données de la Banque mondiale, censées montrer que des « tests Covid » ont été vendus avant cette année. En réalité, pour aider les pays à avoir une idée globale des stocks et échanges des produits en tension pendant la crise, comme les réac­tifs utili­sés dans les tests, les codes de ces biens commer­ciaux ont été mis à jour pour être regrou­pés sur une même page de la banque mondiale et inti­tu­lés Covid-19. Et ce sont des produits commer­cia­li­sés depuis des années qui se sont retrou­vés sous cette appel­la­tion. La rumeur a pris telle­ment d’am­pleur, à l’au­tomne, que la Banque mondiale a dû modi­fier en urgence ses pages pour faire appa­raître ces produits sous le nom « tests médi­caux » et non plus « test Covid ». Cette fois, Jean-Bernard Four­tillan en rajoute une couche puisqu’il parle de « brevet sur les tests pour détec­ter le Covid » déposé en 2015. Comme l’ont expliqué nos confrères d’AFP Factuel il y a quelques semaines, il s’agit d’un brevet sur les tech­niques d’ana­lyse de données biomé­triques mis à jour en 2020 permet­tant d’uti­li­ser ces tech­niques dans le cadre du Covid, comme le permet la régle­men­ta­tion améri­caine. 

La suite et fin du docu­men­taire se perd entre le trans­hu­ma­nisme, la 5G, ou l’avè­ne­ment prochain d’un gouver­ne­ment mondial à la faveur de la pandé­mie (dont on parle de moins en moins). Les trois derniers quarts d’heure ne semblent même plus prétendre repo­ser sur des faits, rendant sans objet l’exa­men factuel des propos tenus

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Le Monde

Covid-19 : les contre-véri­tés de « Hold-up », docu­men­taire à succès qui prétend dévoi­ler la face cachée de l’épi­dé­mie

Le film, diffusé en ligne depuis mercredi, promet de racon­ter l’his­toire secrète de l’épi­dé­mie due au coro­na­vi­rus. En réalité, il s’af­fran­chit des faits à de multiples reprises. Inven­taire.

Par Adrien Séné­cat et Assma Maad  Les Déco­deurs  Le Monde

Le Covid-19 ne serait guère plus qu’une « grip­pette », les mesures sani­taires prises depuis le prin­temps n’au­raient aucun sens et les citoyens du monde entier se seraient fait berner par une élite corrom­pue. Voilà, à gros traits, ce que prétend dévoi­ler le docu­men­taire Hold-up, retour sur un chaos (dispo­nible en version payante en ligne depuis mercredi 11 novembre), réalisé par Pierre Barné­rias. Très attendu, il a recueilli plusieurs centaines de milliers d’eu­ros de finan­ce­ment parti­ci­pa­tif, sa bande-annonce a déjà été vue plus de 400 000 fois sur YouTube et il est très large­ment partagé sur les réseaux sociaux.

Pendant un peu plus de deux heures quarante, les auteurs prétendent racon­ter l’his­toire secrète du Covid-19. Une ribam­belle d’in­vi­tés y défile, dont certains noms pres­ti­gieux comme l’an­cien ministre de la santé français Philippe Douste-Blazy, qui a, cepen­dant, pris ses distances avec le contenu du film.

Ce récit pros­père sur plusieurs contro­verses bien réelles autour de la pandé­mie, comme les inter­ro­ga­tions sur l’ori­gine du virus, qui n’est toujours pas tran­chée et les discours fluc­tuants des auto­ri­tés sani­taires sur l’uti­lité du port du masque. Mais loin d’ap­pro­fon­dir ces débats, Hold-up multi­plie les affir­ma­tions approxi­ma­tives, voire complè­te­ment fausses. Nous en avons sélec­tionné sept exemples.

Ce que dit le docu­men­taire

Le film remet en ques­tion l’en­semble des mesures sani­taires prises en France et ailleurs pour lutter contre l’épi­dé­mie de Covid-19. Notam­ment dans cet extrait où il est ques­tion de chiffres, graphique à l’ap­pui :INFOGRAPHIE LE MONDE

« Ces courbes appar­tiennent à l’In­see. Elles corres­pondent au nombre de morts total en 2018, 2019 et 2020 de mars à septembre. Le virus a donc parti­cu­liè­re­ment sévi du 15 mars au 15 avril, période où nous étions tous confi­nés grâce à une mesure histo­rique censée ne pas faire appa­raître cette courbe. »

POURQUOI C’EST FAUX

La première période de confi­ne­ment en France a débuté le 17 mars. Et il est vrai que le nombre de décès à l’hô­pi­tal a augmenté dans les trois semaines qui ont suivi, pour atteindre son niveau le plus élevé.

Mais il est simpliste d’en conclure que le confi­ne­ment n’au­rait eu aucune utilité sur la propa­ga­tion du virus. En effet, les consé­quences d’une telle mesure ne peuvent être immé­diates. Les patients qui décèdent à l’hô­pi­tal à une date donnée ont été conta­mi­nés en moyenne entre trois et quatre semaines plus tôt. Le « pic » de morta­lité observé du 15 mars au 15 avril corres­pond donc à la circu­la­tion du virus très active avant la mi-mars, que le confi­ne­ment avait juste­ment voca­tion à arrê­ter. Des études ont d’ailleurs estimé que le nombre réel de cas de Covid-19 en France au mois de mars était des dizaines de fois supé­rieur au nombre de cas confir­més par les tests réali­sés en faible nombre à l’époque.

Le taux de repro­duc­tion du virus dans la popu­la­tion (c’est-à-dire le nombre d’in­di­vi­dus qu’une personne infec­tée conta­mine) a dras­tique­ment baissé pendant le confi­ne­ment du prin­temps, passant d’en­vi­ron 3 à 0,7, selon les spécia­listes. Si l’on peut critiquer les effets du confi­ne­ment sur l’éco­no­mie et la société, voire inter­ro­ger sa part exacte dans la décrue de l’épi­dé­mie au prin­temps, les affir­ma­tions de Hold-up en la matière sont bien éloi­gnées des faits.

  • L’ac­cu­sa­tion infon­dée contre le docteur Fauci sur la chlo­roquine et le SRAS

Ce que dit le docu­men­taire

La contro­verse sur le recours à l’hy­droxy­chlo­roquine est l’un des éléments centraux de Hold-up. Le docu­men­taire défend la thèse selon laquelle il exis­te­rait un « achar­ne­ment » contre le proto­cole de Didier Raoult, pour­tant jugé effi­cace par plusieurs inter­ve­nants comme Chris­tian Perronne ou Philippe Douste-Blazy. Parmi les respon­sables dési­gnés de cette cabale suppo­sée, desti­née à favo­ri­ser l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique, figurent des méde­cins français, comme Karine Lacombe, mais aussi l’Amé­ri­cain Anthony Fauci.

Ce dernier est un expert en mala­dies infec­tieuses et le pilier de la « task force » mise en place par le gouver­ne­ment améri­cain pour lutter contre le Covid-19. Dans le docu­men­taire, il est accusé d’avoir changé son fusil d’épaule sur l’hy­droxy­chlo­roquine : « Hier, il faisait la promo­tion de l’hy­droxy­chlo­roquine dans une épidé­mie simi­laire. Aujourd’­hui, il la combat. Pour quelles raisons ? »

POURQUOI C’EST INFONDÉ

Aux Etats-Unis, Anthony Fauci a été la cible de multiples théo­ries complo­tistes, dès lors qu’il a, depuis le mois de mars, publique­ment ques­tionné l’ef­fi­ca­cité de la chlo­roquine et de son dérivé, l’hy­droxy­chlo­roquine, contre le Covid-19. L’idée selon laquelle il aurait, à cette occa­sion, défendu une ligne inverse à celle qui était la sienne, lors l’épi­dé­mie de SRAS, a circulé sur les réseaux sociaux anglo­phones, avant d’être reprise en France.

D’où vient cette rumeur ? Plusieurs sites de véri­fi­ca­tion améri­cains ont repéré au prin­temps des publi­ca­tions virales affir­mant que l’im­mu­no­logue améri­cain défen­dait l’ef­fi­ca­cité de la chlo­roquine et l’hy­droxy­chlo­roquine depuis 2005. Selon eux, des inter­nautes ont déterré une étude de 2005 qui suggère que la chlo­roquine est « un puis­sant inhi­bi­teur de l’in­fec­tion et de la propa­ga­tion » du SARS-CoV, respon­sable de l’épi­dé­mie de SRAS qui a sévi essen­tiel­le­ment en Chine entre 2002 et 2004.

Cette étude a été publiée par une revue scien­ti­fique, The Viro­logy Jour­nal, puis indexée par la Biblio­thèque natio­nale de méde­cine des Insti­tuts natio­naux de la santé aux Etats-Unis. Anthony Fauci est direc­teur depuis 1984 de l’un d’entre eux : l’Ins­ti­tut natio­nal des aller­gies et mala­dies infec­tieuses. A ce titre, il n’au­rait pas pu igno­rer cette publi­ca­tion scien­ti­fique, et connais­sait donc les effets béné­fiques de la chlo­roquine sur les coro­na­vi­rus, selon la rumeur.

Or, cette présen­ta­tion des faits est inexacte. D’une part, l’étude en ques­tion explique que la chlo­roquine a des proprié­tés anti­vi­rales dans le cadre de tests in vitro, à l’aide de cellules en culture. Mais l’ex­pé­rience n’a pas été menée sur des malades du SRAS, elle ne prouve donc pas l’ef­fi­ca­cité de la molé­cule sur les humains, comme l’a rappelé l’un des coau­teurs de cette étude, inter­rogé en août par l’Agence France-Presse (AFP). D’autre part, le Viro­logy Jour­nal est une revue qui appar­tient à l’édi­teur britan­nique scien­ti­fique BioMed Central. Elle n’a aucun lien avec les insti­tu­tions gouver­ne­men­tales sani­taires améri­caines ou avec le docteur Fauci, qui n’a lui-même pas pris posi­tion sur le sujet, à l’époque, à notre connais­sance.

  • Un imagi­naire pic de morta­lité après le « Lancet­gate »

Ce que dit le docu­men­taire

Le 22 mai, la revue scien­ti­fique The Lancet publiait une étude souli­gnant des effets délé­tères de la prise d’hy­droxy­chlo­roquine chez les patients hospi­ta­li­sés pour Covid-19. Mais cette publi­ca­tion a été rétrac­tée le 4 juin, le jour­nal jugeant que les données utili­sées étaient sujettes à caution. L’af­faire, rebap­ti­sée « Lancet­gate », a dura­ble­ment enta­ché l’image de la revue.

Dans Hold-up, le méde­cin Chris­tian Perronne va beau­coup plus loin. Selon lui, cette étude scien­ti­fique a eu des consé­quences sani­taires désas­treuses en dissua­dant les méde­cins de pres­crire l’hy­droxy­chlo­roquine un peu partout dans le monde, notam­ment en Suisse et dans d’autres pays euro­péens, en Asie et en Amérique. Après la publi­ca­tion, « on a vu un pic de morta­lité pendant deux-trois semaines qui était l’ef­fet Lancet, puisque les gens avaient arrêté de pres­crire », affirme le profes­seur Perronne, qui assure aussi que la rétrac­ta­tion de l’ar­ticle aurait permis de faire repar­tir la morta­lité à la baisse.

POURQUOI C’EST FAUX

Compte tenu du délai entre la conta­mi­na­tion et un éven­tuel décès, cela revient à étudier s’il y a pu avoir un pic de morta­lité très ponc­tuel dans certains pays au cours du mois de juin. Or, aucun pic de morta­lité n’a pu être observé entre fin mai et fin juin dans les pays comme la France, l’Ita­lie, l’Es­pagne ou la Suisse, comme l’af­firme Chris­tian Perronne.

Quant aux pays plus dure­ment touchés par l’épi­dé­mie à cette période, comme le Brésil ou le Chili, on n’y constate pas pour autant de pic de morta­lité limité à quelques semaines qui pour­rait suggé­rer un lien avec un arrêt de l’uti­li­sa­tion de tel ou tel trai­te­ment. Au niveau mondial, le nombre de morts était d’en­vi­ron 4 000 par jour en moyenne en juin, contre envi­ron 5 000 en mai et en juillet.

  • L’in­tox du Rivo­tril et de l’eu­tha­na­sie des personnes âgées

Ce que dit le docu­men­taire

Pour évoquer le sort de « nos anciens, inter­dits d’hos­pi­ta­li­sa­tion pendant le confi­ne­ment », corrélé au « nombre de morts a[yant] explosé dans les Ehpad », le docu­men­taire tend le micro au phar­ma­cien Serge Rader. Pour lui, l’au­to­ri­sa­tion par le gouver­ne­ment de la vente en phar­ma­cie du médi­ca­ment séda­tif Rivo­tril est la porte ouverte à une léga­li­sa­tion de l’eu­tha­na­sie des personnes âgées : « Non seule­ment on ne les a pas amenés en réani­ma­tion, mais on leur a préparé la seringue de Rivo­tril avec un arrêté à la clé pour les ache­ver complè­te­ment alors qu’ils étaient déjà en détresse respi­ra­toire. »Le pharmacien Serge Rader, dans le film documentaire « Hold-up ».Le phar­ma­cien Serge Rader, dans le film docu­men­taire « Hold-up ». CAPTURE D’ÉCRAN HOLD UP

POURQUOI C’EST FAUX

Cette accu­sa­tion a déjà été portée aupa­ra­vant par Serge Rader. Il n’est pas le seul : le député UDI Meyer Habib avait dénoncé sur son compte Twit­ter ce « permis légal d’eu­tha­na­sier en France », une allé­ga­tion qui avait été reprise en nombre sur les réseaux sociaux.

Pourquoi une telle polé­mique ? Le gouver­ne­ment a adopté un décret le 28 mars donnant droit aux phar­ma­cies d’of­fi­cine de dispen­ser sous « forme injec­table » le Rivo­tril aux patients atteints du Covid-19 ou suscep­tibles de l’être. L’objec­tif est « la prise en charge pallia­tive des patients confron­tés à un état asphyxique et ne pouvant être admis en réani­ma­tion, ou pour lesquels une déci­sion de limi­ta­tion de trai­te­ments actifs a été prise »expliquait la Fédé­ra­tion des phar­ma­ciens d’of­fi­cine (FSPF).

Cette faci­lité de pres­crip­tion s’est donc justi­fiée par la volonté d’amé­lio­rer le confort d’un malade en fin de vie, hors du cadre hospi­ta­lier. Il ne s’agis­sait pas d’une injec­tion létale, d’une eutha­na­sie.

Cet amal­game a été dénoncé par Olivier Véran, qui a pointé des accu­sa­tions « honteuses » début novembre : « On ne pouvait plus utili­ser les médi­ca­ments de confort de fin de vie pour des gens qui allaient mourir, a expliqué le ministre de la santé. Il y avait deux options : ou on lais­sait les gens mourir d’ago­nie dans les Ehpad (…), ou on les accom­pa­gnait pour les soula­ger avec un autre médi­ca­ment qu’est le Rivo­tril, conforme aux recom­man­da­tions de la Société française d’ac­com­pa­gne­ment et de soins pallia­tifs. »

  • L’exemple enjo­livé de la Suède

Ce que dit le docu­men­taire

Le cas spéci­fique de la Suède, qui a adopté une stra­té­gie sani­taire atypique, est régu­liè­re­ment cité dans le docu­men­taire comme la preuve que le Covid-19 ne serait, fina­le­ment, pas très dange­reux. C’est notam­ment ce qu’af­firme Michael Levitt, lauréat en 2013 du prix Nobel de chimie :

« Ce que nous n’avons pas compris je pense, c’est que le coro­na­vi­rus ne se déve­lop­pait pas très rapi­de­ment. D’une certaine manière, la Suède a décidé à la mi-mars de ne pas inter­ve­nir. (…) Il est devenu assez clair début avril qu’ils avaient pris la bonne déci­sion. C’était une merveilleuse expé­rience. »

POURQUOI C’EST PLUS COMPLIQUÉ

Contrai­re­ment à bon nombre de pays, la Suède n’a pas édicté de mesure contrai­gnante de confi­ne­ment de la popu­la­tion. Mais le pays n’a pas adopté pour autant une posture de lais­ser-faire total vis-à-vis de l’épi­dé­mie. Simple­ment, beau­coup de mesures qui étaient des obli­ga­tions ailleurs (par exemple, en matière de distan­cia­tion physique ou de limi­ta­tion des rassem­ble­ments) s’y sont décli­nées sous forme de recom­man­da­tions, en misant sur le sens des respon­sa­bi­li­tés de la popu­la­tion.

Avec quelle effi­ca­cité ? Diffi­cile, à ce stade, d’en juger. Mais, rapporté à la popu­la­tion du pays, le bilan humain de l’épi­dé­mie n’est pas négli­geable : il est de 600 morts pour un million d’ha­bi­tants au 12 novembre, ce qui est, certes, un peu moins que la France (635), mais beau­coup plus que chez les voisins finlan­dais (66) et norvé­gien (53). Le tableau est donc, en tout cas, bien moins idyl­lique que ne l’in­dique le docu­men­taire.Lire aussi  Covid-19 : la Suède, le Dane­mark et la Finlande ont-ils une « recette » pour mieux lutter contre l’épi­dé­mie ?

  • Une fausse infor­ma­tion sur des « camps d’in­ter­ne­ment » Covid au Canada

Ce que dit le docu­men­taire

Parmi les preuves des suppo­sées dérives de la lutte contre l’épi­dé­mie, le docu­men­taire affirme que « ce virus va jusqu’à faire construire des futurs camps d’in­ter­ne­ment au Canada ». Suit alors l’ex­trait d’une inter­ven­tion du député cana­dien Randy Hillier, un membre du parle­ment provin­cial de l’On­ta­rio sur le sujet : « Où ces camps seront-ils construits ? Combien de personnes seront-elles déte­nues ? Et pour quelles raisons ces personnes seraient-elles gardées dans des camps d’iso­le­ment ? »

POURQUOI C’EST FAUX

L’in­ter­ven­tion de Randy Hillier au parle­ment provin­cial a eu lieu le 7 octobre. D’après Radio Canada Inter­na­tio­nal, sa remarque portait au départ sur les « centres », qui sont géné­ra­le­ment des chambres d’hô­tel mises à dispo­si­tion des personnes qui entrent sur le terri­toire cana­dien et n’ont pas d’autre endroit où effec­tuer leur isole­ment obli­ga­toire de quatorze jours à leur arri­vée sur le terri­toire. M. Hillier a alors demandé si les citoyens cana­diens « devraient se prépa­rer à des camps d’in­ter­ne­ment ».

Mais contrai­re­ment à ce que suggère ce parle­men­taire, le gouver­ne­ment cana­dien ne porte aucun projet de créer des « camps d’in­ter­ne­ment » de Cana­diens. Le premier ministre, Justin Trudeau, y a lui-même répondu, dénonçant une campagne de « désin­for­ma­tion ».

  • Un prétendu test pour détec­ter le Covid-19 dès 2015

Ce que dit le docu­men­taire

Autre thèse avan­cée par le docu­men­taire : un cercle d’ini­tiés aurait eu connais­sance de l’exis­tence du coro­na­vi­rus SARS-CoV-2 bien avant 2019. Jean-Bernard Four­tillan, un ancien profes­seur de chimie théra­peu­tique (par ailleurs mis en cause dans une affaire d’es­sais cliniques douteux), assure qu’il a récem­ment « décou­vert que l’on avait pris un brevet sur les tests pour détec­ter la mala­die Covid-19 le 13 octobre 2015. Donc ils connais­saient le virus… » Le supposé brevet appa­raît alors à l’image, comme une preuve de son affir­ma­tion.Ce document, montré dans le documentaire « Hold-up », est censé prouver qu’un brevet destiné à diagnostiquer le Covid-19 avait déjà vu le jour en 2015.Ce docu­ment, montré dans le docu­men­taire « Hold-up », est censé prou­ver qu’un brevet destiné à diagnos­tiquer le Covid-19 avait déjà vu le jour en 2015. CAPTURE D’ECRAN HOLD UP

POURQUOI C’EST FAUX

Le brevet évoqué dans le docu­men­taire existe bel et bien, mais son origine et ses fina­li­tés ont été défor­mées par M. Four­tillan.

Il s’agit au départ d’un brevet déposé par Richard A. Roth­schild aux Etats-Unis le 13 octobre 2015, lequel est consul­table ici. Il y est ques­tion de systèmes d’ana­lyses de données biomé­triques. A cette date, on n’y trouve aucune réfé­rence au Covid-19 ou à un coro­na­vi­rus.

En revanche, M. Roth­schild a formulé, depuis, plusieurs ajouts à ce brevet, comme l’y auto­rise le système améri­cain de propriété intel­lec­tuelle. La dernière en date remonte au 17 mai 2020, et est inti­tu­lée « System and Method for Testing for COVID-19 ». Il y a donc bien, cette fois, un lien avec la pandé­mie actuelle, mais large­ment ulté­rieur aux prémices de celles-ci.

Si la rumeur a pros­péré, c’est en fait à cause d’une confu­sion, invo­lon­taire ou pas, dans les dates mention­nées sur le brevet. La « Prio­ri­teits­da­tum » (date de prio­rité) mise en exergue dans le docu­men­taire, qui est bien le 13 octobre 2015, est en fait la date de dépôt du brevet initial. La date de dépôt de la version actua­li­sée du brevet est, elle, visible sous la mention « filing date » : il s’agit du 17 mai 2020.

Adrien Séné­cat et Assma Maad

Une réflexion sur « « Hold up »: un film à succès qui déforme les faits et qui ment souvent. Revue de presse: Libé­ra­tion et le Monde. »

  1. Merci d’avoir fait ce travail de compilation d’articles de presse .
    Ce jour Lucie DELAPORTE publie deux articles : »Hold -Up parodie d’investigation « et « les Qanon et l’extrème droite en embuscade »qui mettent en lumière de façon très claire et argumentée ce qui ce joue derrière ce type de documentaire.A lire absolument.

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