Le Printemps de la Psychiatrie, le 28 septembre 2021:
« La psychiatrie humaniste étouffée par la santé mentale de laboratoires
Alors que se clôturent les Assises de la santé mentale, la psychiatrie se voit refoulée
de ce « moment historique ».
Résumons.
1) Aucune concertation des acteurs de terrain ne se sera tenu en dehors du
questionnaire orientant les réponses dans le sens attendu par le gouvernement. Les
grands débats d’ampleur n’auront pas vu le jour à part quelques remarques
compatissantes et condescendantes du Ministre de la Santé sur les professionnels
qui attachent et enferment les usagers de la psychiatrie publique. A l’image de
toutes les pseudos concertations des dernières années, ces Assises présentent une
parodie de construction démocratique pour un exercice de communication
calibré.
Or, la démocratie aurait besoin que les droits fondamentaux et la Constitution
soient respectés et fassent l’objet de discussion. Or, les droits fondamentaux sont
bafoués au quotidien dans les services de psychiatrie, faute de formation, faute
d’une société accueillante pour les plus en difficulté, faute de moyens humains et
matériels. Ces errements servent au gouvernement pour expliquer qu’il faut arrêter
d’investir dans les institutions et notamment dans les dispositifs de psychiatrie
publiques.
2)Pire, le gouvernement repassera un article de loi réformant la contention
isolement dans le projet de loi de finance de la Sécurité Sociale 2022 (PLFSS) . Les
mêmes maux engendrant les mêmes remèdes, nous appelons les parlementaires à
se saisir de la question sous la forme d’une saisine au Conseil Constitutionnel pour
cavalier législatif. Rappelons que l’an passé, l’article 84 du PLFSS 2021 avait été
déclaré inconstitutionnel par les sages quelques mois plus tard car le contrôle du
juge était aléatoire. Les patientes et patients pourront continuer à rester enfermés
et attachés, du moment que les procédures sont respectées, pas besoin de
remettre en question ces pratiques, ce qu’elles disent du degré d’abandon des
personnes les plus fragiles et du degré d’irresponsabilité du gouvernement. Plus la
psychiatrie se détache des des problématiques relationnelles, plus elle attache les
corps et contraint les personnes.
3) Le décret d’application réformant le financement de la psychiatrie doit paraître
en fin de semaine. Il met en place une tarification de l’activité (T2A) psychiatrique
avec une mesure d’égalité territoriale à la discrétion des Agences Régionales de
Santé et du Ministère. Ce scandale sanitaire et financier aura les même effets (Communiqué de presse du Printemps de la Psychiatrie du 28 septembre 2021)
destructeurs que la T2A sur la santé publique telles qu’elles ont été révélées lors de
la crise covid faisant passer la psychiatrie d’une logique de soin à une gestion de
flux.
4) La réforme de l’irresponsabilité pénale n’aura pas été discutée alors qu’elle est
une rupture majeure dans les rapports entre justice et psychiatrie
5) Les promoteurs de « la santé mentale » remportent le marché avec la création
de plateformes, d’applications numériques tandis que se meurent les pratiques
humanistes mettant au coeur de la psychiatrie les liens thérapeutiques de
confiance, la relation inter-individuelle (le temps qu’il faut), les droits des patients…
Plus de virtuel, moins de réel. Plus d’écran, moins de soignants et
d’accompagnants sont les slogans conclusifs de ces Assises. Des start-up de la
santé mentale pour remédier au crash down de la psychiatrie.
6) L’attractivité de la psychiatrie ne sera pas résolue par les appels séducteurs du
Ministre. Si la psychiatrie et la pédo-psychiatrie connaissent une crise de vocation
c’est précisément du fait de la disparition de l’interdisciplinarité avec les sciences
humaines, de la déperdition du sens de l’accueil, et de la nécessité de l’écoute.
Pour celles et ceux qui sont trop malades pour se conformer au modèle de la santé
mentale, cette nouvelle psychiatrie remet au goût du jour la place des soignants
comme bras droit de la sécurité publique. Nouvelle forme de stigmatisation se
faisant au nom de la déstigmatisation.
Ainsi, la psychiatrie se dissout d’une part dans la santé mentale positive et son bien-
être de façade et d’autre part dans une cérébrologie où ce ne sont pas les
interrelations humaines qui organisent les soins mais l’objectivation des cerveaux
dysfonctionnels permettant de traiter des flux plutôt que des personnes.
La santé mentale telle que promue depuis dix ans par l’Institut Montaigne et
FondaMental ont raflé la mise en détournant l’attention des grandes questions de
société.
A l’issue de ces Assises anesthésiantes vendant du rêve pour nous condamner à un
cauchemar, le Printemps de la Psychiatrie en appelle au réveil des forces
réellement progressistes pour donner vie à une psychiatrie et une pédopsychiatrie
dignes d’une société de droit, humaine et démocratique.
Nous voulons :
– l’abolition de la contention physique
– l’arrêt de la mise en place de la tarification de l’activité en psychiatrie
– l’arrêt de la criminalisation de la maladie mentale (réforme de l’irresponsabilité
pénale, fichier Hopsyweb, croisement avec les fichiers S)
– l’arrêt de la vente à la découpe du service public au profit du privé lucratif et de
start-up de la santé mentale
– le recrutement de professionnels pour répondre au besoin de soins relationnels
– un investissement dans le pluralisme des formations et des approches
Le Printemps de la Psychiatrie
printempsdelapsychiatrie@gmail.com
https://printempsdelapsychiatrie.org