Article du Monde du 13 juin. Extraits.
Jean-Luc Mélenchon voulait transformer les élections législatives en troisième tour de la présidentielle. A l’issue de ce premier tour, il peut au moins se targuer d’avoir déstabilisé le jeu. Dimanche 12 juin au soir, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) a bousculé le parti présidentiel. Avec 390 candidats qualifiés et une poignée de candidats victorieux dès le premier tour, elle a même devancé la coalition macroniste en engrangeant 26,11 % des suffrages exprimés au niveau national, selon le comptage du Monde. Même si la pente promet d’être raide pour convertir en majorité cette avance du premier tour, les tenants de la Nupes veulent croire que tout reste possible.
C’était le sens du discours de Jean-Luc Mélenchon, entouré dimanche des représentants de l’alliance des gauches : installer la « défaite » d’Emmanuel Macron, faire venir les abstentionnistes et sonner la mobilisation, dimanche 19 juin, dans une élection où désormais, assure-t-il, tout est possible. « La vérité, c’est que le parti présidentiel, au terme du premier tour, est battu et défait. Pour la première fois de la Ve République, un président nouvellement élu ne parvient pas à réunir une majorité à l’élection législative qui suit, a-t-il déclaré. Au vu de ce résultat, et de l’opportunité extraordinaire qu’il présente pour nos vies personnelles et pour le destin de la patrie commune, j’appelle notre peuple à déferler dimanche prochain. »
Sur le papier, comme se sont empressés de le faire remarquer ses adversaires, le score de la Nupes est semblable au total de la gauche du premier tour des législatives de 2017 (un peu plus de 25 %, en additionnant les scores des partis membres). Mais à la différence d’il y a cinq ans, les communistes, les « insoumis », les écologistes et les socialistes ont conclu un accord qui, dans sa mécanique la plus élémentaire de pacte de non-agression, a fonctionné. La première mission de la Nupes – faire élire en masse des députés – est en passe d’être remplie.
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Au fil de la soirée, toutefois, des victoires dès le premier tour sont venues ajouter à la satisfaction : Danièle Obono, de La France insoumise (LFI), dans la 17e circonscription de Paris (une partie des 18e et 19e arrondissements), Sarah Legrain (LFI) dans la 16e circonscription voisine (19e arrondissement), Sophia Chikirou (LFI) dans la 6e circonscription (une partie des 11e et 20e arrondissements), mais aussi Alexis Corbière (LFI) à Montreuil (Seine-Saint-Denis).
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Côté écologiste, la sénatrice Mélanie Vogel anticipait, dans un tweet, le paradoxe de ces législatives : « Si d’aventure ce soir la Nupes était en tête des votes au niveau national, ou à un niveau très proche de LRM [La République en marche], les Français accepteraient-ils encore longtemps de vivre dans un système non proportionnel qui pourrait quand même donner une majorité absolue à Macron ? »
Dans une semaine, en effet, quelle réserve de voix pour les candidats de gauche au second tour ? Seul un regain de mobilisation, des jeunes, des abstentionnistes, permettrait de contourner le « plafond de verre » installé en faveur de la majorité sortante. « Peut-être que des gens ne se sont pas déplacés parce qu’ils se sont dit que les dés étaient jetés… », estime l’eurodéputée de La France insoumise (LFI) Manon Aubry, pour qui Emmanuel Macron « porte une responsabilité énorme dans l’ampleur de l’abstention ». Pour la semaine qui s’ouvre, elle espère que la question posée aux électeurs, selon elle – « Pour ou contre Macron, un choix de société très limpide » –, permettra de mobiliser « au maximum, notamment chez les plus jeunes ».
Dans les duels, face au Rassemblement national, Les Républicains ou Ensemble !, le leader de la Nupes a par ailleurs laissé chacun libre : « Chacun, dans sa circonscription, appréciera quel est son devoir, et saura quoi faire de son bulletin », a-t-il lancé. En dépit des seconds tours difficiles qui se profilent, ce score a en tout cas un goût de victoire pour les membres de la Nupes, ne serait-ce que parce qu’il légitime un accord passé parfois en dépit des réticences. Au Parti socialiste, Corinne Narassiguin, numéro deux, l’assume : « C’est la preuve que cette stratégie était la bonne. Nous avons eu raison de nous engager dans cette voie-là, a-t-elle jugé. Maintenant s’ouvre un chemin pour la victoire. C’est le grand retour des duels gauche-droite. »
Julie Carriat