Monsieur ROUSSET, je reçois votre assimilation du combat des opposants à la LGV à une « fatwa », comme l’insulte de trop, un mépris intolérable pour mon engagement citoyen et mon droit à l’expression, pour la défense duquel je croyais que nous étions « tous Charlie » il y seulement une semaine ! Sans compter que votre accusation de « fatwa » est une instrumentalisation honteuse des dramatiques évènements que la France vient de vivre.
Voici la lettre ouverte que notre ami Christian Lanneau a adressé au Président du conseil régional d’Aquitaine, Rousset (parue dans la Nouvelle République, édition de la Vienne, en larges extraits):
S’il vous plait, un peu de retenue et de respect Monsieur Rousset !
Monsieur ROUSSET, je suis un opposant au projet de LGV entre Poitiers-Limoges, que je considère comme une aberration économique, un risque d’endettement insupportable pour nos collectivités locales et l’Etat, un danger pour l’environnement, une relégation pour les territoires ruraux du Sud-Vienne et du Nord-Limousin. Mon combat contre ce projet, qui a été décidé et conduit dans le secret par les locataires de l’Elysée depuis 2003, n’est pas un djihad contre le TGV ou la mobilité, mais l’expression démocratique et la défense d’une autre conception de la société que la vôtre, héritée d’un système économique régit par la seule valeur de l’argent et par la sacrosainte croissance qui nous ont conduits à la catastrophe sociale et écologique actuelle.
L’inutilité du projet a été dénoncée depuis le débat public ouvert en 2006, par les collectifs limousins et poitevins contre le projet et avec eux des milliers de citoyens qui depuis 6 ans tentent de faire entendre leurs arguments. Arguments pertinents que partagent trois instances qui font autorité dans notre république, l’Autorité Environnementale, la Chambre nationale des comptes et le Conseil d’Etat. Leurs experts et magistrats, censés éclairer le gouvernement avant qu’il ne prenne ses décisions, émettent tous un avis défavorable à la construction d’une ligne ferroviaire à grande vitesse entre Poitiers et Limoges, vu selon eux, l’absence et la grande difficulté de financement du projet et les risques qu’il fait courir à l’environnement sur les 110 kilomètres des territoires traversés particulièrement sensibles du point de vue de la biodiversité et des équilibres hydrologiques.
Cela n’a pas empêché le Président de la République, avec son gouvernement de déclarer le projet de LGV Poitiers-Limoges d’utilité publique, ce qui constitue un déni de démocratie sans précédent dans la conduite d’un tel projet. Qui plus est, les signatures requises du Premier ministre, de la ministre de l’Ecologie et du secrétaire d’Etat aux transports ont été apposées au bas du décret le 10 janvier, soit au pire moment des attentats terroristes contre lesquels ils étaient tous mobilisés. Comme de très nombreux opposants au projet, j’ai ressenti ce fait du prince, à ce moment-là de grande tension dans notre pays, comme un abus de pouvoir lâche et provocateur, un défi et une insulte à la démocratie citoyenne.
C’est pourquoi, Monsieur ROUSSET, je reçois votre assimilation du combat des opposants à la LGV à une « fatwa », comme l’insulte de trop, un mépris intolérable pour mon engagement citoyen et mon droit à l’expression, pour la défense duquel je croyais que nous étions « tous Charlie » il y seulement une semaine ! Sans compter que votre accusation de « fatwa » est une instrumentalisation honteuse des dramatiques évènements que la France vient de vivre. C’est à désespérer des élites politiques de notre pays, devenus autistes aux réalités vécues par les habitants de nos villes et de nos campagnes Plus profondément, en prétendant que les opposants à la LGV mèneraient une « fatwa » vous lever le voile de votre mépris pour la démocratie à chaque fois qu’elle peut constituer un obstacle à vos objectifs politiques ou à ceux de vos amis.
Je tiens cependant à vous rassurer, mon désespoir devant tant d’incompréhension et de mépris politiques ne me conduiront pas au djihad contre la LGV Poitiers-Limoges ou contre d’autres grands projets inutiles, ni contre la respectable institution régionale dont vous briguez la Présidence. Par contre, je peux vous assurer de ma détermination à continuer de lutter à la fois contre la construction d’une LGV entre Poitiers-Limoges et pour le développement des trains du quotidien que sont notamment les TER Poitiers-Limoges, Bordeaux-Angoulême et Angoulême-Limoges actuellement laissés à l’abandon et pourtant indispensables, eux, au développement harmonieux des territoires de notre future grande région Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin.
Si danger d’intégrisme il y a dans cette affaire, il n’est pas à chercher du côté des opposants à la LGV Poitiers-Limoges.
Christian LANNEAU
Poitiers le 19 janvier 2015