Cette députée souligne le combat des idées contre l’extrême-droite, dans le monde entier. En ce temps de « justes colères ».
Une contribution au débat alors que les gilets jaunes portent des revendications multiples, souvent à potentialités anticapitalistes, mais pas toujours et pas partout.
PB, 25novembre
Le temps est venu des justes colères. Elles viennent enfin perturber le sinistre ordre des choses. En rage contre la vie chère et contre des dirigeants qui les méprisent, les « gilets jaunes » les expriment de manière forte et originale. Infirmières, retraités, ouvriers, étudiants, #NousToutes ne sont pas en reste, manifestant à leur manière. Toutes ces révoltes légitimes traduisent différentes facettes des maux contemporains. Aucune ne devrait être privilégiée. C’est leur jonction, et non leur séparation, qu’il faut penser et nourrir. C’est par la politique que se dira le sens de ces colères, si elles se prolongent ou non en issues émancipatrices. Le rejet de la macronie est en marche, ouvrant une crise politique majeure. À mesure que l’exaspération s’exprime par tous les pores de la société, Emmanuel Macron plonge dans des abîmes d’impopularité. Il apparaît désormais pour ce qu’il est : un arrogant président des riches, maître d’œuvre des vieilles recettes politiques des années 1990, avec un mépris du monde populaire totalement décomplexé. Soyons lucides : le rejet ne fait pas une issue progressiste. Les colères contemporaines donnent le ton mais ne portent pas en soi de cohérence. Les « gilets jaunes » sont de ce point de vue tout à fait symptomatiques. La revendication concrète contre la taxe sur les carburants ou l’expression d’un « ras-le-bol » général disent beaucoup des failles contemporaines, béantes, mais ne donnent pas le sens de l’alternative à Macron. Deux logiques peuvent être prolongées à partir de cet élan contestataire. Faut-il remettre en cause l’impôt et les taxes ou cibler l’injustice fiscale ? Faut-il marginaliser le défi environnemental ou prendre à bras le corps l’impératif écologique dans un esprit d’égalité sociale et territoriale ? Du choix opéré sur ces questions comme sur d’autres dépend la façon de faire société.
C’est pourquoi, sur la scène politique, l’heure doit être à la confrontation des visions du monde. La politique s’invente et se fabrique en lien avec les rapports de force à l’œuvre en termes d’hégémonie culturelle et de conflictualité sociale. Elle donne à voir et à choisir des interprétations de ces colères et des façons de les agencer avec un ensemble de solutions qui offre une direction, ou une autre.
Notre séquence historique est marquée par un fait qu’il ne fait pas sous-estimer : l’extrême droite avance ses pions.
Sans doute croit-elle son heure arrivée. La vague Trump, Bolsonaro et autres Salvini lui donne évidemment des ailes. Il n’est pas question de leur donner le point, ni de sous-estimer nos potentialités qui sont réelles, mais mesurons bien la pugnacité et le rassemblement nécessaire pour que le brun recule dans notre pays et ailleurs. Pour cela, ma conviction est qu’il ne faut rien céder sur le fond, rien concéder à leurs présupposés, rien accepter de confusions ou de connivences avec cette gangrène réactionnaire, autoritaire, xénophobe, sexiste, homophobe, étrangère à l’écologie et faussement sociale car toujours au final adepte des lois du marché C’est donc par une cohérence de projet, de discours, de symboles, contre leur cohérence de projet, de discours, de symboles que nous ferons reculer l’extrême droite. Elle n’est d’aucun combat contre les géants de la finance et pour le droit du travail, nous devons affirmer sans relâche que les catégories précaires et modestes, avec la société tout entière, ne peuvent vivre mieux sans une mise en cause du pouvoir du capital et une extension des droits et protections. Elle se moque du partage des richesses, opposons-lui toujours plus fortement ce parti pris. Elle est climato-sceptique ou étrangère à l’ambition environnementale, nous devons sans relâche affirmer notre volonté de changer radicalement de modèle de développement pour préserver l’écosystème et lutter contre le réchauffement climatique. Elle pointe les immigrés comme le mal absolu, nous devons défendre fièrement le devoir d’humanité. Elle prône le repli sur les frontières nationales, assumons notre internationalisme qui porte, loin du repli, l’exigence d’un monde plus juste et, loin de la globalisation, le désir de mondialité. Elle est du côté de l’ordre et de la surveillance généralisée, mettons en avant notre attachement viscéral aux libertés et à la démocratie. Elle est comme un poisson dans l’eau dans la manif pour tous, redoublons d’implication en faveur de l’égalité entre les sexes et les sexualités. Elle n’hésite pas à dresser le peuple contre les intellectuels, nourrit les thèses complotistes, affirmons le lien nécessaire entre production intellectuelle, artistique, et transformation sociale. Elle a pour terreau le ressentiment, ayons conscience que notre moteur est l’espérance.
En 2005, lorsque nous avons défendu le « Non » au référendum sur le Traité Constitutionnel Européen, nous étions déjà face à la difficulté du Non choisi par l’extrême-droite. Nous avions alors réussi à prendre l’hégémonie culturelle en mettant en mouvement de façon autonome, sur nos bases, des forces sociales, politiques et culturelles. Nous avons gagné.
Aujourd’hui, la contestation est mordante et grandissante, les solutions se cherchent mais les repères sont bousculés et les cadres traditionnels de médiation essoufflés. Le groupe parlementaire insoumis, dans lequel je siège, pose jour après jour à l’Assemblée nationale les jalons de cette vision cohérente d’ensemble, sociale et écologiste – je note que les députés communistes agissent globalement dans la même direction. Nous avons besoin de ce fil à plomb et de l’obsession visant à fédérer les forces sociales, politiques, culturelles qui s’en réclament.