« Le sens des colères ». Sur le blog de Clémen­tine Autain, dépu­tée FI.

Cette dépu­tée souligne le combat des idées contre l’ex­trême-droite, dans le monde entier. En ce temps de « justes colères ».

Une contri­bu­tion au débat alors que les gilets jaunes portent des reven­di­ca­tions multiples, souvent à poten­tia­li­tés anti­ca­pi­ta­listes, mais pas toujours et pas partout.

PB, 25no­vembre

 

Le temps est venu des justes colères. Elles viennent enfin pertur­ber le sinistre ordre des choses. En rage contre la vie chère et contre des diri­geants qui les méprisent, les « gilets jaunes » les expriment de manière forte et origi­nale. Infir­mières, retrai­tés, ouvriers, étudiants, #NousToutes ne sont pas en reste, mani­fes­tant à leur manière. Toutes ces révoltes légi­times traduisent diffé­rentes facettes des maux contem­po­rains. Aucune ne devrait être privi­lé­giée. C’est leur jonc­tion, et non leur sépa­ra­tion, qu’il faut penser et nour­rir. C’est par la poli­tique que se dira le sens de ces colères, si elles se prolongent ou non en issues éman­ci­pa­trices. Le rejet de la macro­nie est en marche, ouvrant une crise poli­tique majeure. À mesure que l’exas­pé­ra­tion s’ex­prime par tous les pores de la société, Emma­nuel Macron plonge dans des abîmes d’im­po­pu­la­rité. Il appa­raît désor­mais pour ce qu’il est : un arro­gant président des riches, maître d’œuvre des vieilles recettes poli­tiques des années 1990, avec un mépris du monde popu­laire tota­le­ment décom­plexé. Soyons lucides : le rejet ne fait pas une issue progres­siste. Les colères contem­po­raines donnent le ton mais ne portent pas en soi de cohé­rence. Les « gilets jaunes » sont de ce point de vue tout à fait symp­to­ma­tiques. La reven­di­ca­tion concrète contre la taxe sur les carbu­rants ou l’ex­pres­sion d’un « ras-le-bol » géné­ral disent beau­coup des failles contem­po­raines, béantes, mais ne donnent pas le sens de l’al­ter­na­tive à Macron. Deux logiques peuvent être prolon­gées à partir de cet élan contes­ta­taire. Faut-il remettre en cause l’im­pôt et les taxes ou cibler l’injus­tice fiscale ? Faut-il margi­na­li­ser le défi envi­ron­ne­men­tal ou prendre à bras le corps l’im­pé­ra­tif écolo­gique dans un esprit d’éga­lité sociale et terri­to­riale ? Du choix opéré sur ces ques­tions comme sur d’autres dépend la façon de faire société.

C’est pourquoi, sur la scène poli­tique, l’heure doit être à la confron­ta­tion des visions du monde. La poli­tique s’in­vente et se fabrique en lien avec les rapports de force à l’œuvre en termes d’hé­gé­mo­nie cultu­relle et de conflic­tua­lité sociale. Elle donne à voir et à choi­sir des inter­pré­ta­tions de ces colères et des façons de les agen­cer avec un ensemble de solu­tions qui offre une direc­tion, ou une autre.

Notre séquence histo­rique est marquée par un fait qu’il ne fait pas sous-esti­mer : l’ex­trême droite avance ses pions.

Sans doute croit-elle son heure arri­vée. La vague Trump, Bolso­naro et autres Salvini lui donne évidem­ment des ailes. Il n’est pas ques­tion de leur donner le point, ni de sous-esti­mer nos poten­tia­li­tés qui sont réelles, mais mesu­rons bien la pugna­cité et le rassem­ble­ment néces­saire pour que le brun recule dans notre pays et ailleurs. Pour cela, ma convic­tion est qu’il ne faut rien céder sur le fond, rien concé­der à leurs présup­po­sés, rien accep­ter de confu­sions ou de conni­vences avec cette gangrène réac­tion­naire, auto­ri­taire, xéno­phobe, sexiste, homo­phobe, étran­gère à l’éco­lo­gie et faus­se­ment sociale car toujours au final adepte des lois du marché C’est donc par une cohé­rence de projet, de discours, de symboles, contre leur cohé­rence de projet, de discours, de symboles que nous ferons recu­ler l’ex­trême droite. Elle n’est d’au­cun combat contre les géants de la finance et pour le droit du travail, nous devons affir­mer sans relâche que les caté­go­ries précaires et modestes, avec la société tout entière, ne peuvent vivre mieux sans une mise en cause du pouvoir du capi­tal et une exten­sion des droits et protec­tions. Elle se moque du partage des richesses, oppo­sons-lui toujours plus forte­ment ce parti pris. Elle est climato-scep­tique ou étran­gère à l’am­bi­tion envi­ron­ne­men­tale, nous devons sans relâche affir­mer notre volonté de chan­ger radi­ca­le­ment de modèle de déve­lop­pe­ment pour préser­ver l’éco­sys­tème et lutter contre le réchauf­fe­ment clima­tique. Elle pointe les immi­grés comme le mal absolu, nous devons défendre fière­ment le devoir d’hu­ma­nité. Elle prône le repli sur les fron­tières natio­nales, assu­mons notre inter­na­tio­na­lisme qui porte, loin du repli, l’exi­gence d’un monde plus juste et, loin de la globa­li­sa­tion, le désir de mondia­lité. Elle est du côté de l’ordre et de la surveillance géné­ra­li­sée, mettons en avant notre atta­che­ment viscé­ral aux liber­tés et à la démo­cra­tie. Elle est comme un pois­son dans l’eau dans la manif pour tous, redou­blons d’im­pli­ca­tion en faveur de l’éga­lité entre les sexes et les sexua­li­tés. Elle n’hé­site pas à dres­ser le peuple contre les intel­lec­tuels, nour­rit les thèses complo­tistes, affir­mons le lien néces­saire entre produc­tion intel­lec­tuelle, artis­tique, et trans­for­ma­tion sociale. Elle a pour terreau le ressen­ti­ment, ayons conscience que notre moteur est l’es­pé­rance.

En 2005, lorsque nous avons défendu le « Non » au réfé­ren­dum sur le Traité Cons­ti­tu­tion­nel Euro­péen, nous étions déjà face à la diffi­culté du Non choisi par l’ex­trême-droite. Nous avions alors réussi à prendre l’hé­gé­mo­nie cultu­relle en mettant en mouve­ment de façon auto­nome, sur nos bases, des forces sociales, poli­tiques et cultu­relles. Nous avons gagné.

Aujourd’­hui, la contes­ta­tion est mordante et gran­dis­sante, les solu­tions se cherchent mais les repères sont bous­cu­lés et les cadres tradi­tion­nels de média­tion essouf­flés. Le groupe parle­men­taire insou­mis, dans lequel je siège, pose jour après jour à l’As­sem­blée natio­nale les jalons de cette vision cohé­rente d’en­semble, sociale et écolo­giste – je note que les dépu­tés commu­nistes agissent globa­le­ment dans la même direc­tion. Nous avons besoin de ce fil à plomb et de l’ob­ses­sion visant à fédé­rer les forces sociales, poli­tiques, cultu­relles qui s’en réclament.

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