Péti­tion: Pour le main­tien d’un ensei­gne­ment supé­rieur ouvert à tous

Pour le main­tien d’un ensei­gne­ment supé­rieur ouvert et acces­sible à tous

Contre l’aug­men­ta­tion des frais d’ins­crip­tion annuels pour les étudiants étran­gers

Pour le main­tien d’un ensei­gne­ment supé­rieur ouvert et acces­sible à tous

 

Nous, ensei­gnants cher­cheurs à l’Uni­ver­sité, titu­laires et contrac­tuels, nous oppo­sons ferme­ment à l’aug­men­ta­tion des frais d’ins­crip­tion annuels pour les étudiants étran­gers hors Union euro­péenne à comp­ter de la rentrée univer­si­taire de 2019.

Nous deman­dons le retrait immé­diat de cette mesure, annon­cée par le Premier ministre le 19 novembre dernier, lors des rencontres univer­si­taires de la fran­co­pho­nie. Le retrait s’im­pose dès lors qu’il ne s’agit pas d’une simple annonce mais bien d’une déci­sion actée, comme le présente sans aucune ambi­guïté la page d’ac­cueil bien vite actua­li­sée du site « Etudes en France ».

Par cette « déci­sion », le Premier ministre entend soumettre les étudiants « extra-euro­péens » (soit les étudiants étran­gers hors UE et accords de parte­na­riat entre établis­se­ments) au paie­ment de frais d’ins­crip­tion consi­dé­ra­ble­ment plus élevés que ceux payés par les étudiants français et euro­péens. Ainsi, il est prévu qu’à comp­ter de la rentrée 2019, les étudiants étran­gers qui s’ins­crivent pour la première fois dans un cycle supé­rieur de forma­tion à l’uni­ver­sité en France devront acquit­ter des frais d’ins­crip­tion annuels d’un montant de 2 770 euros en licence et de 3 770 euros en master et en docto­rat. Cela revient donc pour une licence en trois ans à des frais d’ins­crip­tion de 6 810 euros (sans comp­ter un éven­tuel redou­ble­ment, qui ferait monter les frais à 9 080 euros pour une licence en quatre ans). Pour deux années de master (M1 et M2) les frais seraient d’un montant de 7 540 euros. Pour le docto­rat quant à lui, soit trois ans au mini­mum (ce qui ne vaut pas pour le droit par exemple, où les thèses les plus courtes et finan­cées durent très rare­ment moins de quatre ans), les frais d’ins­crip­tion attein­draient 11 310 euros.

Cette annonce, il faut le souli­gner, entraine une viola­tion du préam­bule de la consti­tu­tion du 27 octobre 1946, dont l’ali­néa 13 est des plus clairs : « La Nation garan­tit l’égal accès de l’en­fant et de l’adulte à l’ins­truc­tion, à la forma­tion profes­sion­nelle et à la culture. L’or­ga­ni­sa­tion de l’en­sei­gne­ment public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat ». Elle est égale­ment contraire aux articles 2 et 26 de la Décla­ra­tion univer­selle des droits de l’homme, dont nous fête­rons les 70 ans ce 10 décembre, qui garan­tissent que l’ac­cès à l’en­sei­gne­ment supé­rieur est reconnu à « toute personne » sans discri­mi­na­tion notam­ment fondée sur « la fortune » en fonc­tion de ses « mérites ».

La commu­nauté des ensei­gnants cher­cheurs s’in­ter­roge et s’inquiète.

D’abord, la mesure servi­rait une « stra­té­gie d’at­trac­ti­vité pour les étudiants inter­na­tio­naux » s’in­té­grant dans un plan inti­tulé « Bien­ve­nue en France ». Cette attrac­ti­vité passe­rait par un meilleur accueil des étudiants étran­gers (il est vrai qu’en l’état il est tout à fait insa­tis­fai­sant), qui implique­rait d’avoir plus d’argent à l’uni­ver­sité et donc de faire peser sur les étudiants eux-mêmes, parce qu’ils ne sont pas euro­péens, les frais engen­drés par cette amélio­ra­tion. Or, il est pour le moins para­doxal de présen­ter comme une mesure « d’ac­cueil en France » une telle augmen­ta­tion des frais d’ins­crip­tion annuels, dont on sait perti­nem­ment qu’elle conduira à exclure les étudiants étran­gers les plus précaires , que le gouver­ne­ment ne veut mani­fes­te­ment plus voir dans nos univer­si­tés françaises. La mesure sert, au contraire, en dépit des efforts de commu­ni­ca­tion du gouver­ne­ment, une poli­tique de ferme­ture de la France à l’égard des étudiants étran­gers n’ayant pas les moyens d’ac­quit­ter de tels frais, soit à l’égard des étudiants les plus pauvres. Cette poli­tique, qui instaure un accès privi­lé­gié à l’uni­ver­sité aux étudiants étran­gers les plus riches, est contraire aux valeurs histo­riques d’uni­ver­sa­lité, d’ou­ver­ture au monde et de diver­sité cultu­relle, chères à l’uni­ver­sité française. L’ac­cès au savoir ne saurait être condi­tionné à la richesse, d’où que l’on vienne.

Ensuite, l’éten­due de l’« augmen­ta­tion » et les moda­li­tés ayant permis de rete­nir un tel niveau de frais d’ins­crip­tion annuels inter­rogent. Parler d’aug­men­ta­tion des frais d’ins­crip­tion annuels est un euphé­misme. On passe d’une somme de 170 euros annuels pour une année de Licence à une somme plus de 13 fois supé­rieure à ce montant. De la même manière pour l’ins­crip­tion en Master et en docto­rat, il ne saurait non plus s’agir d’une simple augmen­ta­tion. Il importe de bien comprendre la portée de la déci­sion annon­cée : il s’agit d’un chan­ge­ment de para­digme qui ne dit pas son nom et qui pour­rait – suite logique des choses – être étendu à l’en­semble des étudiants, y compris les étudiants français. Ce chan­ge­ment fait passer l’uni­ver­sité française à l’ère de l’ac­cès fondé sur un critère écono­mique, modèle qui lui est par essence étran­ger. En outre, nous nous inter­ro­geons sur les montants rete­nus. En quoi le fait d’aug­men­ter une inscrip­tion en licence de 2100 euros par an pour un étudiant étran­ger lui permet­tra-t-il de facto, de béné­fi­cier d’un meilleur accueil et d’une meilleure prise en charge ? Cet argent sera-t-il affecté direc­te­ment à cet accueil et par quel méca­nisme ? Pourquoi ces sommes ont-elles été rete­nues et pas d’autres, moins impor­tantes ou, à l’in­verse, plus impor­tantes ? Sur quels éléments s’est-on basé pour faire ce savant calcul ?

Enfin, la procé­dure d’adop­tion d’une telle mesure nous paraît critiquable. Si les ensei­gnants-cher­cheurs étaient consul­tés, ils pour­raient témoi­gner de l’ex­tra­or­di­naire richesse intel­lec­tuelle, scien­ti­fique, cultu­relle et humaine que la présence d’étu­diants « extra-euro­péens » repré­sente dans leurs salles de classe et leurs amphi­théâtres. Ils pour­raient expri­mer égale­ment leur rejet d’un modèle d’en­sei­gne­ment qui laisse de côté l’étran­ger démuni, sous couvert de ratio­na­li­sa­tion budgé­taire. Tel n’est pas le modèle de l’Uni­ver­sité que ces ensei­gnants-cher­cheurs avaient à l’es­prit lorsqu’ils/elles ont embrassé la carrière et tel est pour­tant le tour­nant que cette mesure non-concer­tée et impo­sée de manière unila­té­rale souhaite faire prendre à la recherche et à l’en­sei­gne­ment supé­rieurs en France.

 

Pour toutes ces raisons, nous exigeons que le gouver­ne­ment aban­donne cette mesure, indigne de notre Insti­tu­tion et de ses valeurs d’ac­cès indis­cri­miné au savoir, quel que soit l’âge, le sexe, la reli­gion, la natio­na­lité et le niveau de richesse écono­mique.

 

PS : Nous invi­tons les signa­taires suivants à se mention­ner en commen­taire dessous cette tribune après avoir signé.

 

Une réflexion sur « Péti­tion: Pour le main­tien d’un ensei­gne­ment supé­rieur ouvert à tous »

  1. Cette mesure choquante  et illogique n’est franchement pas bienvenue dans la situation actuelle où la francophonie est en perte de vitesse, ce qui apparait très net en Afrique du Nord : facteurs d’impacts désastreux pour les publications en français, diminution des moyens alloués aux institutions françaises à l’étranger, multiplication des investissements onéreux pour des enseignements en anglais en France au lieu de favoriser l’accueil des étrangers, enseignement de l’anglais comme seule langue vivante alors que les Anglais ne sont plus dans l’Europe, etc.

    Cette mesure me parait anticonstitutionnelle et devrait être rejetée par le Sénat. Elle est contreproductive, sachant l’importance que l’Afrique va avoir sur le plan économique dans les prochaines décénies.

    L’essentiel est d’avoir des laboratoires plein d’étudiants comme des ruches, même si les moyens sont limités. Des laboratoires déserts avec quelques étudiants nantis, ce n’est pas l’idée que je me fais d’une université dynamique et moderne !

    Le premier ministre a tout faux !

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