Élec­tions et anti­fas­cisme.

Ainsi donc en France, en ce 24 avril 2017, un parti post-fasciste, le parti de Marine Le Pen, est au second tour, sans que cela ne semble plus pertur­ber que quelques uns. Voir que la contre-révo­lu­tion haineuse qui veut nous balayer progresse inexo­ra­ble­ment ne serait donc que banal?

Une victoire du parti créé par JM Le Pen avec des amis issus du pétai­­nisme et de l’OAS signi­fie­rait un rejet des immi­­grés, une chasse aux enfants de parents nés ailleurs, une remise en cause de natu­ra­li­sa­tions. Dans ce monde cauche­­mar­­desque, on parle­rait de sauver la patrie et on dési­gne­rait tous les non FN comme des traîtres, ainsi que la firme Le Pen aime à le clamer en ses meetings. La police, sa hiérar­chie, sans avoir trop à se forcer, applique­­rait la loi impla­­cable des vainqueurs.

Si l’on consi­dère qu’en 2002, Jean-Marie Le Pen arriva au second tour des prési­den­tielles alors que son parti était désor­­ga­­nisé suite à la scis­­sion des amis de Bruno Mégret, en 1998, alors qu’ac­tuel­le­ment le FN a une exis­tence en tant que parti avec des mili­tants et des cadres poli­tiques presque partout en France, le risque n’est pas mineur.

Enfin, aujourd’­­hui l’élec­to­rat de LR affirme large­ment sa proxi­mité avec le FN au moins par haine atavique de la gauche poli­tique et syndi­cale.

La conti­nuité du FN

Le film de Lucas Belvaux, « Chez nous » montre la face double d’un parti du type du FN: un visage au sourire commer­cial surfant sur des exas­pé­ra­tions popu­laires et une face de brutes jouis­sant de terro­ri­ser des familles d’im­mi­grés sans défense. S’ap­puyant sur des enquêtes faites à propos du FN, ce film n’a suscité nulle grande polé­mique. C’est un fait poli­tique bana­lisé: la violence qui se cache dans les groupes gravi­tant dans l’or­­bite du FN est connue et ne surprend plus. Elle inquiète peu, même. C’est la bana­lité des salauds.

Plusieurs livres démontrent la conti­nuité entre le corpus idéo­lo­gique Le Pen père et celui de sa fille. Dans l’en­tou­rage de celle-ci les ex (mais nulle­ment repen­tis) mili­tants du GUD, groupe fasciste d’ admi­ra­teurs d’Hit­ler, sont une de ses gardes rappro­­chées.

Le slogan « On est chez nous ! » qui unit les parti­­ci­­pants aux meetings de Marine Le Pen est un euphé­misme de « les étran­­gers dehors ! », ou plus préci­sé­ment « les arabes dehors! », arabes étant remplacé par le mot musul­­mans par les habiles propa­gan­distes.

Nous en sommes arri­vés au point où un parti de filia­tion tota­li­taire, dirigé par une famille qui fait feu de tout bois pour s’en­ri­chir, est consi­dé­rée comme une alter­na­tive à tenter, par des groupes sociaux variés.

Un passé si proche

Souve­nons nous. Ce qu’ils promeuvent fut bel et bien essayé et vécu, terri­ble­ment, en France, en 1940–1945; mais le souve­nir de ces années là tend à s’es­tom­per avec le renou­vel­le­ment de géné­ra­tions, à tel point que le propa­gan­diste Alain Soral, ami de Dieu­­donné, osa s’af­fir­mer natio­nal-socia­liste. Nazi.

Certes, le retour du fascisme d’ il y a cent ans n’est pas à l’ordre du jour. Le monde a changé; ce furent les suites de la première guerre mondiale et la victoire de la Révo­lu­tion russe qui furent le terrain de sang et de fureur où le fascisme naquit et pros­péra.

Cepen­dant, l’his­toire de la montée au pouvoir de Musso­lini, de son discours se réfé­rant un natio­na­lisme de combat asso­cié à un discours social aux accents anti­ca­pi­ta­listes est une expé­rience étudiée par les cadres du FN. Musso­lini parvint au pouvoir grâce à une alliance avec les patrons et l’ar­mée; et le discours social fut oublié. Est-ce si anachro­nique?

Alors qu’en Hongrie et en Pologne une droite hostile à la démo­­cra­­tie est au pouvoir, alors qu’aux portes de l’Eu­­rope Erdo­­gan a une évolu­­tion fasci­­sante, alors que les USA ont élu un homme qui conti­­nue son discours au popu­­lisme xéno­­phobe enflammé, les amis de Marine Le Pen ont quelques raisons de dire que la période leur est faste.

Comment combattre le  FN et le néoli­bé­ra­lisme, lors de ces élec­tions prési­den­tielles et ensuite

L’opé­ra­tion de bana­li­sa­tion du FN, orches­trée par M Le Pen a montré sa réus­­site. Concer­­nant l’im­mi­gra­tion, Le Monde écrit à juste titre que Le Pen mène la danse. Avec la campagne de Fillon, les passe­­relles idéo­­lo­­giques entre la droite « répu­bli­caine » et le post-fascisme se sont multi­pliées. Le groupe « Sens commun », groupe de choc pro Fillon a refusé d’ap­pe­ler à voter pour Macron, cette créa­ture de la finance que Fillon ne saurait détes­ter.

C’est cette société néoli­bé­rale en faisant explo­ser les inéga­li­tés ici et partout dans le monde, qui crée ainsi les condi­­tions de cette dissé­­mi­­na­­tion des idées destruc­trices de nos soli­­da­­ri­­tés et de nos liber­tés. Et c’est Macron qui est main­te­nant l’in­car­na­tion de ce néoli­bé­ra­lisme offen­sif.

Une atti­tude anti­fas­ciste consé­quente est de limi­ter le plus possible l »expan­sion du FN, du vote Marine Le Pen.

Ce sera pour moi voter Macron.

Para­doxe?

Bien sûr, décrire Macron en anti­fas­ciste, ce serait un gag triste. Certes, Macron est un adver­saire poli­tique que nous savons devoir être impi­toyable dans la casse sociale. Un bour­geois sans scru­pule.

Il reste que le vote pour n’im­porte quelle crapule vaut mieux que le post fascisme qui annonce la fin de nos liber­tés, qui nous désigne comme enne­mis, « traîtres à la patrie » à détruire.

Des cama­rades sont très sensibles à la qualité de leur vote; j’en connais certains qui regrettent encore d’avoir voté Chirac en 2002 (pour s’op­po­ser au père de Marine Le Pen). C’est une grande chance que d’avoir un vote comme grand souve­nir doulou­reux de premier plan; je les envie ; il se trouve que d’autres événe­ments plus graves m’ont touché. Et voter contre la famille Le Pen et leurs valets me semble aller de soi, hier comme aujourd’­hui.

Voter Macron me donne la nausée-tran­si­toi­re­ment- et je vote­rai Macron.

La ques­tion est de savoir comment signi­fier que nous ne nous mêle­rons pas aux néoli­bé­raux de tous bords accom­pa­gnés des belles âmes qui se réveillent à la poli­tique une fois par décen­nie qui soutiennent Macron. Par adhé­sion à son programme, quant à eux.

Pour ce faire, voici une propo­si­tion reçue: mani­fes­ter au soir du second tour contre le fascisme et le néoli­bé­ra­lisme. Ce qui se prépa­re­rait dès le Premier mai. Que la rue soit à nous. Défaire les fasciste et dans la foulée orga­ni­ser la lutte contre le néoli­bé­ral Macron.

Le résul­tat obtenu par Mélen­chon au premier tour de l’élec­tion prési­den­tielle montre que nous pouvons être nombreux à mener ce double combat: humi­lier la bête fasciste et défaire les succes­seurs de Hollande et Chirac regrou­pés autour de Macron. Presque en même temps.

 

Pascal Bois­sel , 25–04–2017

 

 

6 réflexions sur « Élec­tions et anti­fas­cisme. »

  1. « On ne lutte pas contre un problème avec le mode de pensée qui l’a engendré » Albert Einstein.

    Le vote macron, ce n’est pas un barrage contre la crue du FN. C’est une pauvre digue en sable. Voter macron en 2017, c’est voter le pen en 2022 : un vote à retardement.

    Jamais je voterai Macron, ni Le Pen. (Faut-il rappeler que les socialistes ont quasi tous voté les pleins pouvoirs à pétain, et qu’on a pas besoin de parti estampillé fasciste, pour tomber dans le fascisme.)

    1. En appeler à Einstein pour dire qu’il est indifférent que Marine Le Pen fasse un score élevé au second tour des présidentielles puisqu’elle serait annoncée victorieuse dans cinq ans me parait osé.

      Dire que les socialistes ont voté les pleins pouvoirs à Pétain est exact; j’ajoute que Blum et les autres dirigeants socialistes furent mis en prison par Pétain quelques mois plus tard. Pétain ne considérait pas que les socialistes étaient ses amis; il ne s’y trompa pas: Blum n’était pas un fasciste…Oui, il y a des erreurs funestes dans le passé. Mais les leçons à en tirer ne sont manifestement plus partagées à gauche.

      La question de fond est de dire s’il y a une spécificité politique du post-fascisme ou non. Je dis oui, vous dites non et ne répondez pas aux arguments que je donne. Dire que le danger post-fasciste est mortel ne signifie pas dire que ce qui s’annonce avec le néolibéral nouveau est joyeux, ni que sa personne serait un rempart contre le fascisme.

       

  2. Bonjour Pascal

    Pour la clarté du texte, je pense qu’il faut rappeler cette différence entre neo et post fascisme. Pour Enzo Traverso, cf cette interview à L’Humanité et son bouquin Les Nouveaux Visages du fascisme : «  C’est une catégorie transitoire. Le post-fascisme est un concept qui tente de saisir ce processus de mutation en cours : le FN n’est plus un mouvement fasciste, mais il reste un mouvement d’extrême droite, xénophobe, qui n’a pas encore rompu le cordon ombilical qui le lie à sa matrice fasciste. On ne sait pas ce que ça va donner. Cela pourrait déboucher, en cas de décomposition de l’Union européenne, d’approfondissement de la crise économique, sur sa transformation en alternative clairement fasciste, cela s’est vu par le passé. Ou prendre des caractéristiques nouvelles, s’intégrer dans le système, comme le Mouvement social italien dans les années 1990, qui est devenu une composante de la droite traditionnelle. Le processus est ouvert, car dans cette mouvance que je qualifie de post-fasciste il y a également des mouvements politiques nés ces dernières années qui n’ont pas d’origines fascistes, comme Ukip en Angleterre ou la Lega Nord en Italie, bien qu’ils convergent : Salvini ou Farage ont de bonnes relations avec le Front national. Cette notion ne vise ni à sous-estimer le danger, ni à le rendre plus acceptable, mais à le comprendre si on veut le combattre efficacement. »

    En complément, cf. aussi le court et dense livre de Grégoire Kauffmann Le nouveau FN. Les vieux habits du populisme. Si par le père, la filiation vichyste, OAS, etc. du FN est évidente, force est de constater que le FN d’aujourd’hui a renoué avec le projet de ses créateurs, les néo-fascistes d’Ordre Nouveau en 1972. A savoir : faire éclater la droite traditionnelle, préempter les valeurs de la République et de la laïcité et porter un « anticapitalisme national » très XIXe  et une ligne « sociale » qui soit « ni droite, ni gauche ».

    100% d’accord avec toi à propos du vote au 2e tour, et de l’importance qu’il y a ensuite à promouvoir des manifestations et des candidatures aux législatives opposées à la banalisation du danger FN et totalement indépendantes de l’engouement macroniste néo-libéral qui se profile.

    1. Merci, Thierry, pour ces précisions qui sont nécessaires. Entièrement d’accord. Les raccourcis d’un tel article sont parfois excessifs.

      1. « la peste et le choléra sont tous les deux aussi terribles et tout aussi contagieux .. certes les plus vulnérables sont les plus touchés, mais la question n’est pas de savoir par quelle pathologie nous voulons être atteint , mais de les éradiquer toutes 2 par une « vaccination » radicale aux législatives et , dans l’immédiat, de s’en protéger derrière un cordon – de bulletin – blanc sanitaire ! »

        Philippe E!30″

        1. Salut Philippe,

          A propos de maladie et politique, Léon Trotsky polémiquant avec le PC allemand qui sous estimait le danger représenté par Hitler écrivit:

          « Si l’un de mes ennemis m’empoisonne chaque jour avec de faibles doses de poison, et qu’un autre veut me tirer un coup de feu par derrière, j’arracherais d’abord le revolver des mains de mon deuxième ennemi, ce qui me donnera la possibilité d’en finir avec le premier. Mais cela ne signifie pas que le poison est un  » moindre mal  » en comparaison du revolver » »

          Toutes choses étant égales par ailleurs, comme il est hors d’atteinte d’éradiquer deux maladies graves en quelques jours, il importe de désarmer le tueur, puis de frapper dans les rues puis aux législatives.

           

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