Un accident nucléaire est du à un enchaînement bien connu : défaut de refroidissement du cœur, fusion de l’uranium, dégagement d’hydrogène et explosion, émission de nuages radioactifs. Depuis Fukushima la confiance que l’on accordait à la sûreté de nos centrales est remise en cause. Dans un premier temps l’ASN a vérifié que l’état réel des centrales françaises était bien resté conforme aux normes en vigueur . Les centrales ont été autorisées à continuer de fonctionner car elles ont été jugées sûres par rapport à ces normes antérieures au 11 mars 2011.
Mais, pour tenir compte du retour d’expérience (REX) de l’accident de Fukushima, l’ASN a jugé nécessaire « d’augmenter la robustesse des centrales face à des situations extrêmes ». Elle a donc édicté 36 prescriptions en 2012 pour l’ensemble du parc français, regroupées en 5 catégories : séisme, inondations, alimentation en eau et électricité, gestion des accidents et « noyau dur ».
Si les quatre premières catégories sont faciles à comprendre, la cinquième mérite une explication que l’ASN nous fournit : « Le noyau dur vise à prévenir la fusion du cœur lors de situations de noyau dur. » Voilà qui est clair ! Et en 2014 une nouvelle série de prescriptions complémentaires a vu le jour.
L’examen de ces prescriptions montre que :
- peu d’entre elles concernent la prévention d’une fusion et le refroidissement du coeur en secours.
- un grand nombre ne demandent qu’une étude de faisabilité sans imposer de réalisation concrète. Ainsi EDF a déjà répondu qu’il n’augmentera pas l’autonomie de ses batteries de secours à Civaux.
- D’autres prescriptions se révèlent utopiques, irréalisables, comme le renforcement du radier du bâtiment réacteur pour le rendre « étanche » au cœur en fusion. EDF a indiqué qu’ il ne renforcera pas les radiers de Civaux car ce serait inutile.
- La plupart des prescriptions concernent le post-accidentel, la gestion de la crise, pour tenter de minimiser les effets d’un accident qu’ on n’aurait pas pu éviter. C’est dans ce cadre que la FARN (force d’action rapide nucléaire) pourrait intervenir…après que la fusion ait eu lieu.
- Le calendrier s’étale jusqu’en 2018.
La leçon des accidents nucléaires majeurs est que chaque fois que la première barrière de confinement (les tubes de combustible) a cédé, les deux autres barrières (cuve et bâtiment) furent détruites. La production massive d’hydrogène est inévitable quand il y a fusion. Or les prescriptions ne demandent rien pour lutter contre ce phénomène dévastateur. Pourquoi, par exemple, ne pas rendre inerte l’ atmosphère des bâtiments réacteurs pour éviter l’explosion ?
Pourquoi ne pas suivre la démarche d’entamer la sortie du nucléaire, comme l’ont fait beaucoup d’autres pays (Italie, Suisse, Allemagne, Belgique…) ? Le véritable retour d’expérience de Fukushima le demande pourtant. Les prescriptions de l’ASN , dans la mesure où elles seraient suivies d’effets ne sauraient en aucun cas métamorphoser nos centrales qui resteront dangereuses de par la nature même de la réaction nucléaire qui est entretenue dans leur cuve. Cette réaction ne peut pas être maîtrisée en cas de panne de refroidissement : les accidents nombreux nous l’ont démontré, même s’ils n’ont pas été aussi dramatiques qu’ à Tchernobyl et à Fukushima. Il faut se rappeler de Mayak (1957 dans l’Oural), Windscale (1957, Angleterre), Lucens (1969, Suisse), Three Miles Island (1979,USA), St Laurent des Eaux (1969 et 1980, France). Chaque fois la cause avait été différente, mais l’effet fut le même : défaut de refroidissement et fusion.
Les prescriptions étaient-elles nécessaires ? Certainement oui, compte tenu du niveau actuel de la sûreté. Seront-elles suffisantes ? Sûrement pas, compte tenu des limites actuelles de la technologie.
Tous les efforts déployés par EDF, avec l’assistance de l’ASN et de l’IRSN, ne parviendront qu’à améliorer faiblement une sûreté reconnue maintenant comme insuffisante.
Jacques Terracher, le 19/03/14
(paru en partie dans la presse locale en mars 2014)