Libé­ra­tion. « A Sainte-Soline, l’usage de la force sans rete­nue »

27 mars

A Sainte-Soline, l’usage de la force sans rete­nue

Extraits de l’ar­ticle

FABIEN LEBOUCQ ET PAULINE MOULLOT ENVOYÉS SPÉCIAUX À SAINTE-SOLINE

« Près de 4 000 grenades en moins de deux heures(…) pour garder un cratère, un chan­tier de bassine à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Ils ont fait face à des mani­fes­tants (au nombre de 30 000, selon les orga­ni­sa­teurs) qui contestent la construc­tion de ces ouvrages de stockage d’eau. Consé­quence, selon la même source : 200 bles­sés, dont un grand nombre grave­ment. Sur place, Libé­ra­tion a constaté le trans­port de plusieurs d’entre eux sur des bran­cards de fortune. Parmi les bles­sés, trois ont été pris en charge en « urgence abso­lue », dont un dans le coma, a indiqué dimanche le parquet des Deux-Sèvres : « un homme de 30 ans avec un trau­ma­tisme crânien dont le pronos­tic vital reste engagé » ; « une femme de 19 ans avec un trau­ma­tisme facial » ; « un homme de 27 ans présen­tant une frac­ture au pied ». Le parquet de Niort a ouvert une enquête pour déter­mi­ner les « circons­tances » de ces bles­sures. « De manière géné­rale, nous avons constaté un usage immo­déré et indis­cri­miné de la force sur l’en­semble des personnes présentes sur les lieux, avec un objec­tif clair : empê­cher l’ac­cès à la bassine, quel qu’en soit le coût humain », a indiqué la Ligue des droits de l’homme (LDH), présente pour obser­ver la mani­fes­ta­tion. »

(…)

« Surtout, les forces de l’ordre ont opposé une impla­cable répres­sion armée. Pendant deux heures, les champs étaient noyés sous les gaz lacry­mo­gènes. « Dès l’ar­ri­vée des cortèges sur le site de la bassine, les gendarmes leur ont tiré dessus avec des armes rele­vant des maté­riels de guerre », a ainsi dénoncé la LDH. « (…)

« Même si la préfec­ture n’a pas voulu détailler quelles étaient les 4 000 muni­tions utili­sées, les gendarmes ont employé des grenades de désen­cer­cle­ment, et de très nombreuses GM2L, des grenades clas­si­fiées comme armes de guerre. Ce dispo­si­tif libère du gaz lacry­mo­gène, mais surtout produit une très forte explo­sion – celles-ci reten­tis­saient à un rythme soutenu ce samedi après-midi. Depuis qu’une GM2L a arra­ché la main d’un fêtard lors d’une rave party à Redon (Ille-et-Vilaine), en 2021, ces armes ne sont plus tirées qu’au lance-grenade. Samedi, Libé­ra­tion a constaté que certains des lancers – pouvant atteindre 200 mètres de distance – atter­ris­saient au milieu de la foule paci­fique, bien loin de la ligne de front entre forces de l’ordre et mani­fes­tants les plus déter­mi­nés. Des vidéos montrent ces engins explo­ser aux pieds de personnes en train de filmer. Après la fin de la mani­fes­ta­tion, plusieurs GM2L gisaient, non explo­sées, dans le champ. »

« Pour la première fois, la gendar­me­rie natio­nale a aussi utilisé des quads dans une logique offen­sive, afin de prendre à revers la foule, que le cordon de gendarmes mobiles n’ar­ri­vait pas à repous­ser. Cette inter­ven­tion a mis un terme aux tenta­tives de péné­trer dans la bassine. Mais à quel prix ? Garés en ligne dans un champ, ces véhi­cules tout-terrain ont déposé des tireurs, qui ont fait usage de leur lance-grenade pour tirer des gaz lacry­mo­gènes, puis des GM2L. Ces tirs ont conti­nué près d’un groupe qui évacuait un mani­fes­tant blessé, porté sur une couver­ture de survie. A au moins une reprise, d’après une vidéo sur Twit­ter, l’un des passa­gers d’un quad a effec­tué un tir de LBD en direc­tion des mani­fes­tants. Le paysan charen­tais et euro­dé­puté Benoît Biteau (EE-LV) raconte : « On était plusieurs élus, et on avait consti­tué une infir­me­rie de fortune sur le bord de la route. Et là arrive cet esca­dron de quads. Et alors qu’on est là, ils envoient des grenades, au milieu d’une infir­me­rie de fortune. » Plusieurs street-medics indiquent avoir été visés par des gaz lacry­mo­gènes alors qu’ils prenaient en charge des bles­sés. « On a été gazés alors que des gens faisaient une cein­ture pour nous proté­ger alors qu’on soignait une personne à terre. On ne repré­sen­tait pas un danger. On était clai­re­ment en train de soigner », raconte Hysope (prénom modi­fié), street medic.

« Nos équipes médi­cales ont dénom­bré 200 personnes bles­sées dont 40 bles­sures graves. Vingt sont muti­lés, pour certains défi­gu­rés du fait de l’usage de ces armes de guerre sur les mani­fes­tants », a déclaré Basile, des Soulè­ve­ments de la terre, en confé­rence de presse dimanche. (…)

Basile, des Soulè­ve­ments de la terre. Le mili­tant rappelle qu’« à partir du moment où il y a des personnes muti­lées, par des grenades qui ne sont pas auto­ri­sées ailleurs en Europe, il n’est pas éton­nant que ces personnes aient envie de se défendre un mini­mum ». Nico­las Girod de la Confé­dé­ra­tion paysanne complète : « Cette esca­lade dans la commu­ni­ca­tion autour de la violence reflète la nullité totale de l’Etat sur la ques­tion de l’éco­lo­gie. Ils ne se ques­tionnent pas sur le fond du sujet, ils ne traitent ça qu’au travers de la violence. »

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