Media­part, 27 mars, la Lettre poli­tique. A propos de Sainte Soline

Sainte-Soline : du « main­tien de l’ordre » à la provo­ca­tion du chaos
Par Mathieu Dejean
4 000 grenades lancées en moins de deux heures, 500 personnes bles­sées – dont de nombreuses grave­ment – parmi celles qui mani­fes­taient, des secours entra­vés par les forces de l’ordre, le pronos­tic vital d’un jeune homme enga­gé… C’est un défer­le­ment de violence qui s’est abattu contre les 30 000 indi­vi­dus venus protes­ter à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) contre le chan­tier de construc­tion d’une gigan­tesque réserve d’eau privée.

Il en dit long sur la dérive du gouver­ne­ment, dont la poli­tique a défi­ni­ti­ve­ment glissé du « main­tien de l’ordre » à la provo­ca­tion du chaos. Comment quali­fier autre­ment « l’usage immo­déré et indis­cri­miné de la force » (dixit la Ligue des droits de l’homme) déployé par les 3 200 poli­ciers et gendarmes mobi­li­sés sur place, avec le renfort d’hé­li­co­ptères, de camions mili­taires, d’un engin lanceur d’eau, de moto-cross et de quads ?

Au regard de l’objec­tif de sécu­ri­sa­tion de ce qui n’est pour l’heure qu’un talus bordant un grand trou, cet arse­nal ridi­cu­lise l’État autant qu’il l’ac­cuse. « Que crai­gnaient-ils ? Qu’on rebouche ce trou avec nos petites mains ? », s’est inter­ro­gée la dépu­tée de La France insou­mise (LFI) Marianne Maximi, qui y était. 
Comme une double lame répres­sive, les éléments de langage des porte-parole du gouver­ne­ment ont achevé son œuvre funeste, par une contre-attaque poli­tique passant sous silence le véri­table enjeu de la mani­fes­ta­tion : l’iné­luc­table guerre de l’eau.

Marc Fesneau a ainsi évoqué « des acti­vistes violents » qui font « de la guérilla urbaine » ; Gérald Darma­nin a fustigé les « black blocs, l’ex­trême gauche et l’ul­tra­gauche » ; Chris­tophe Béchu a même jugé que certains mani­fes­tants « parti­cipent d’une forme de barba­rie ». Au passage, la Macro­nie a stig­ma­tisé les parle­men­taires « d’ex­trême gauche » (sic) présents sur le terrain, et qui ont tenté de proté­ger les bles­sés. En octobre dernier, le ministre de l’in­té­rieur avait bien préparé le terrain en fusti­geant les « écoter­ro­ristes ».

La répres­sion contre les alertes écolo­gistes est ancienne, mais elle parti­cipe aussi d’un contexte de durcis­se­ment de l’exé­cu­tif dans l’ap­pli­ca­tion d’un agenda néoli­bé­ral rejeté par la société. Comment, en effet, ne pas faire le lien entre la violence d’État à Sainte-Soline et celle qui déferle contre les mani­fes­ta­tions contre la réforme des retraites ?

Le succès de la péti­tion pour la disso­lu­tion de la BRAV-M, ainsi que la parti­ci­pa­tion massive et joyeuse aux mani­fes­ta­tions (qui ne se dément pas), montrent que l’an­goisse a changé de camp. 

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