Avec la nouvelle journée de mobilisation du jeudi 17 mars, une étape est franchie dans la bataille contre la loi travail. D’abord, parce que l’importance des manifestations montre que le mouvement s’ancre dans la durée et va s’accentuer. Ensuite, parce que l’obstination du gouvernement à imposer sa réforme et à réprimer la contestation porte l’affrontement à un nouveau niveau.
Après le succès exceptionnel des manifestations du 9 mars et leurs 500 000 personnes à travers la France, et alors qu’une journée de grève nationale interprofessionnelle est prévue pour le 31 mars, on pouvait craindre que le 17 mars ne marque un affaiblissement de la mobilisation : les salarié-e-s se réservant pour la fin du mois, les étudiant-e-s et les lycéen-ne-s parviendraient-ils et elles à tenir jusque-là ? Avec 150 000 manifestant-e-s à travers le pays et une forte augmentation du nombre de jeunes mobilisé-e-s, le pari est gagné : le mouvement continue et va s’amplifier.
La tentative du gouvernement de faire croire qu’il avait amélioré sa réforme a échoué : ni les organisations mobilisé-e-s dès le 9 mars, ni les jeunes n’ont cru à ses annonces. Le fond du projet restant le même — donner le pouvoir absolu au patronat dans l’entreprise, lui permettre d’imposer le temps de travail, le salaire et de licencier à volonté —, le rejet reste écrasant dans la population et particulièrement dans la jeunesse.
Dans les universités, il y a eu davantage d’assemblée générales cette semaine que la précédente, et pour les facs qui avaient déjà eu des AG l’affluence a souvent augmenté comme à Lyon, à Nanterre, à Strasbourg, à Rennes, à Paris-13… Le climat de mobilisation se maintient, avec un travail généralisé d’information sur la loi, des campus animés quotidiennement par militant-e-s organisé-e-s et des étudiant-e-s rejoignant la mobilisation, même sur des sites de petite taille. Quant aux cortèges étudiants dans les manifestations, ils étaient à la fois plus fournis que le 9 mars (parfois plus importants que le nombre rassemblé en AG) et plus structurés, signe d’une organisation qui progresse.
Côté lycées également, la progression est visible, avec davantage de lycées bloqués dans toute la France et des cortèges plus nombreux et souvent très dynamiques de centaines voire de milliers de lycéen-ne-s. À Caen, à Toulouse, à Clermont-Ferrand, à Nantes, à Rennes, à Marseille, à Poitiers et dans des villes de toute taille, les jeunes constituaient cette fois le gros des manifestations, particulièrement les lycéen-ne-s. Il faut cependant noter que la mobilisation est moins avancée dans les lycées de région parisienne que dans le reste du pays, et qu’un effort particulier est à mener en banlieue.
Si la mobilisation de la jeunesse n’est pas encore massive et reste inégale sur le territoire, elle est déjà d’ampleur nationale et s’ancre dans la durée. La conscience monte, le quotidien est bousculé, des initiatives multiples sont prises et dépassent les militant-e-s habituel-le-s. Enfin, la présence plus réduite mais significative de salarié-e-s dans la rue, entre autres de la métallurgie, rappelle la colère qui gronde dans les entreprises et la convergence en marche entre les jeunes et les travailleurs-ses.
La répression a cependant elle aussi augmenté depuis le 9 mars. Plusieurs sites universitaires ont été fermés par ordre venu du gouvernement pour casser le mouvement et empêcher les étudiant-e-s de se réunir : Tolbiac, la Sorbonne, Jussieu, Lyon-2, Victoire… La police a multiplié les provocations contre les manifestant-e-s comme à Marseille, et à Lyon un étudiant a été arrêté sous un faux prétexte pendant une assemblée générale. À Strasbourg, des étudiant-e-s et des lycéen-ne-s ont été matraqué-e-s par la police sur le campus. À Paris-1 Tolbiac, la violence policière a été telle que plusieurs personnes ont dû être hospitalisées.
En choisissant la confrontation et la répression d’État, le gouvernement nous montre qu’il a peur comme jamais. Ce faisant, il donne un caractère extrêmement politique au mouvement en cours : s’attaquer à la loi travail, c’est poser la question de dégager la politique menée depuis des années et de dégager le gouvernement Hollande-Valls lui-même.
Des actions sont prévues mardi 22, jour de grève nationale de la fonction publique. Une nouvelle journée nationale de mobilisation est appelée jeudi 24 par les organisations de jeunesse et l’intersyndicale. Ces dates doivent permettre d’accentuer la pression et d’accélérer le rythme en vue du 31 mars, ce qui est notamment réalisable dans la jeunesse. La journée de grève nationale du 31 mars est l’horizon actuel du mouvement et verra certainement descendre dans la rue des jeunes et de travailleurs-ses en nombre inédit depuis 2010. Mais il est déjà clair qu’une seule journée ne suffira pas. Pour imposer le retrait sans condition de la loi, l’horizon doit s’élargir après le 31 mars vers un appel à la grève générale prolongée. Déjà certains secteurs mobilisés sur des questions propres, comme les cheminot-e-s et les enseignant-e-s, sentent le moment propice et réfléchissent à la grève reconductible. La lutte contre la loi travail doit faire converger toutes les oppositions à la politique antisociale de ce gouvernement ; la jeunesse, par sa capacité d’initiative, peut contribuer à donner confiance aux autres secteurs pour qu’ils se lancent dans la lutte.
L’organisation autonome et démocratique du mouvement est une nécessité pour garantir son développement et la légitimité des décisions prises. En ce sens, la tenue d’assemblées générales dans les lycées est un pas en avant. Entre les universités, des coordinations s’organisent rassemblant des délégué-e-s mandaté-e-s par leurs AG locales. Ce sont ces cadres d’auto-organisation représentatifs des étudiant-e-s mobilisé-e-s qui doivent prendre la tête du mouvement, prenant le relais des collectifs d’organisations de jeunesse qui ont pris les premières initiatives. Les organisations gardent cependant toute leur légitimité à l’intérieur du mouvement et n’ont pas à disparaître. Alors que nous n’en sommes qu’à un (très bon) début, les différents courants qui participent à la mobilisation doivent trouver les moyens de l’unité autour du mot d’ordre fondamental : la lutte jusqu’au retrait sans condition. Lycéen-ne-s et étudiant-e-s, chômeurs-ses et salarié-e-s, c’est tou-te-s ensemble qu’on va gagner !
Nicolas V.