Réformes structurelles : et maintenant, au tour de l’hôpital
extraits
Pour l’exécutif actuel, il n’y a pas de mauvaises économies budgétaires. Quand bien même ces économies concerneraient un service public déjà à l’os. Et quand bien même ce service public revêtirait une importance capitale pour la population. On parle ici de l’hôpital public. Selon Les Échos du 12 août, « l’inefficacité des hôpitaux » serait ainsi dans le viseur du gouvernement qui compte couper à la hache dans le budget de l’année 2026.
Rappelons que François Bayrou a fixé à 44 milliards d’euros l’objectif d’économies pour l’année prochaine, afin de ramener le déficit de 5,4 % à 4,6 % du PIB en 2026. (…)
Hélas, au lieu d’aller chercher l’argent là où il est, que ce soit en questionnant les 211 milliards d’euros par an d’aides aux entreprises, ou en rabotant les dispositifs permettant l’optimisation fiscale des grands groupes et des plus riches, le gouvernement préfère pousser les hôpitaux à renforcer « leurs performances ».
« Une plus grande efficacité sera demandée à l’hôpital », avait annoncé le 15 juillet François Bayrou. Il a aussi dit qu’il demanderait à l’hôpital public de « faire des économies en optimisant par exemple les achats de médicaments ou en s’appuyant sur la médecine ambulatoire ».
(…)
Face à cette petite musique qui monte d’une cure d’austérité à venir pour l’hôpital public, le président de la Fédération hospitalière de France, Arnaud Robinet, ne décolère pas. « J’ai entendu certains dire que l’hôpital public ne serait pas efficient, cela me met hors de moi », a-t-il aussi déclaré aux Échos.
Certes, quand l’on se plonge dans le dernier rapport datant du 24 juillet de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) sur les comptes des hôpitaux publics, on comprend que leurs finances sont loin d’être d’équerre. Leur déficit est en nette hausse et a atteint près de 3 milliards d’euros en 2024.
Mais ceci n’est en rien dû à des hôpitaux qui seraient rendus obèses par leur train de vie somptuaire. Le déficit des hôpitaux se creuse en fait à cause, d’une part, de la baisse relative des remboursements par la Sécurité sociale de la croissance de leur activité, largement portée par l’ambulatoire.
Et d’autre part, la Drees a constaté une nette hausse de leur masse salariale « en lien avec les mesures nationales de revalorisations des rémunérations dans la fonction publique hospitalière ».
Or, il est difficile d’avancer aujourd’hui que le personnel hospitalier roule sur l’or. Certes les fonctions hospitalières, notamment le personnel soignant, sont davantage soutenues financièrement depuis la crise du covid-19, mais les revalorisations salariales les concernant avaient été quasi inexistantes durant la décennie précédente.
Du reste, depuis le choc de la crise sanitaire, la nécessité d’allouer davantage de moyens à l’hôpital public était communément admise pour assurer un niveau de soin de qualité pour la population. .
(…)
Une véritable saignée est donc attendue. Et c’est d’autant plus compliqué à accepter pour la population que c’est ce même exécutif qui a creusé le trou dans les comptes publics. Près de 70 milliards d’euros se sont en effet évaporés des comptes publics en 2023 et en 2024 à cause d’une erreur d’appréciation du gouvernement et de ses services concernant le niveau des recettes fiscales.
Une erreur que le gouvernement Bayrou fait désormais payer aux services publics et au modèle social. Car en parallèle, il ne compte surtout pas déroger à la politique de l’offre mise en place depuis 2017, faite de baisses d’impôts sur le capital, d’allègements de cotisations sociales pour les entreprises, et de mesures visant à flexibiliser le marché du travail.
Tous ces dispositifs ont eu un coût pour les finances publiques : plus de 50 milliards d’euros de baisses d’impôts ont été votées ; les allègements de cotisations étaient de 25 milliards d’euros plus élevés en 2024 qu’en 2017 ; et la forte hausse du nombre d’autoentrepreneurs – 800 000 de plus qu’en 2017 – sont autant d’emplois qui cotisent moins qu’un salarié à la Sécurité sociale.
Hélas, ces baisses d’impôts n’ont pas généré le ruissellement promis en termes de croissance économique et de recettes fiscales pour l’État.
Pour financer ce manque à gagner et hypothétiquement tenter de rentrer dans les clous de Bruxelles comme il s’y est engagé, l’exécutif a alors choisi de taper fort dans les seuls postes de dépenses qui peuvent lui rapporter des milliards en très peu de temps : ceux de la protection sociale.
Les retraites d’abord, avec la réforme de 2023 qui repousse l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. L’assurance chômage, ensuite, qui a subi pas moins de quatre réformes depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, et qui pourrait bien en connaître une cinquième. (…)
Reste, enfin, la santé, qui est la nouvelle martingale à économies budgétaires du gouvernement. Contrôles accentués des arrêts maladie, baisses de la prise en charge des affections de longue durée (ALD), déremboursement de médicaments… François Bayrou compte désormais gratter tout ce qu’il peut au sein de ce poste de dépenses pour trouver des milliards.
(…)
Peu surprenant dès lors, que l’hôpital, le premier poste de dépenses de santé en France – 122 milliards d’euros sur 249 milliards d’euros au total – soit désormais en plein dans le viseur de l’exécutif. Après avoir connu un sous-investissement chronique au regard de la hausse des besoins en soins ces dernières années, l’hôpital public pourrait donc subir en 2026 ses premières coupes budgétaires drastiques depuis la crise du covid-19.
