New Yok. Zohran Mamdani, démo­crate socia­liste , gagne la primaire du Parti démo­crate. Une gauche réfor­miste radi­cale.

New-York : une victoire histo­rique (et autres textes)

« Nous pouvons exiger ce que nous méri­tons »

Zohran Mamdani s’est adressé hier soir à ses parti­san·es, à la ville de New York et au monde entier : « Nous avons gagné parce que les New-Yorkais·es se sont battu·es pour une ville abor­dable. Une ville où ils peuvent faire plus que simple­ment survivre. » 

Nous publions ici l’in­té­gra­lité de son discours.

« Ce soir, nous sommes entré es dans l’his­toire.
Comme l’a dit Nelson Mandela : « Cela semble toujours impos­sible jusqu’à ce que cela soit fait. » Mes ami·es, nous l’avons fait. Je serai votre candi­dat démo­crate à la mairie de New York.

(…°

Nous avons gagné parce que les New-Yorkais·es se sont battu·es pour une ville souhai­table. Une ville où elles et ils peuvent faire plus que simple­ment survivre. Une ville où celles et ceux qui travaillent dur la nuit peuvent profi­ter des fruits de leur travail pendant la jour­née. Une ville où le travail acharné est récom­pensé par une vie stable. Une ville où huit heures passées à l’usine ou au volant d’un taxi suffisent pour payer l’hy­po­thèque. Suffisent pour payer l’élec­tri­cité. Suffisent pour envoyer vos enfants à l’école. Où les loyers des appar­te­ments à loyer stabi­lisé sont réel­le­ment stabi­li­sés. Où les bus sont rapides et gratuits. Où les services de garde d’en­fants ne coûtent pas plus cher que ceux de l’uni­ver­sité de la ville de New York (City Univer­sity of New York : CUNY). Et où la sécu­rité publique nous protège véri­ta­ble­ment.

Et c’est là que le maire utili­sera son pouvoir pour reje­ter le fascisme de Donald Trump. Pour empê­cher les agents de l’ICE d’ex­pul­ser nos voisin·es. Et pour gouver­ner notre ville comme un modèle pour le Parti démo­crate. Un parti où nous nous battons sans nous excu­ser pour les travailleurs et les travailleuses.

Une vie digne ne devrait pas être réser­vée à quelques privi­lé­gié·es. Elle devrait être garan­tie par la muni­ci­pa­lité à chaque New-Yorkais·e.

Si cette campagne a démon­tré quelque chose au monde, c’est que nos rêves peuvent deve­nir réalité. Rêver exige de l’es­poir. Et quand je pense à l’es­poir, je pense à la coali­tion sans précé­dent de New-Yorkais·es que nous avons construite. Car ce n’est pas ma victoire. C’est la nôtre.

(…°Un New York qui croit en chacun·e et en elle-même. C’est cela, la soli­da­rité, et c’est elle qui défi­nit notre victoire.

Et surtout, rêver exige du travail. (…)

Une vie digne ne devrait pas être réser­vée à quelques privi­lé­gié·es. Elle devrait être garan­tie par les auto­ri­tés muni­ci­pales à tous et toutes les New-Yorkais·es.

(…)Même après minuit, New York conti­nuait de travailler. (…)

Chacun·e de ces New-Yorkais·es portait en elle ou en lui un rêve cette nuit-là, tout en travaillant, tout comme chacun·e d’entre nous rêve d’un New York plus opti­miste et plus abor­dable pour tous, et toutes et nous avons travaillé dur pour réali­ser notre rêve. Cette campagne a été histo­rique­ment contro­ver­sée, les ondes ont été remplies de millions de calom­nies et de diffa­ma­tions.

J’es­père main­te­nant que cette primaire est termi­née. Je peux me présen­ter une nouvelle fois. Pas comme vous m’avez vu dans une publi­cité de trente secondes ou dans un cour­rier dans votre boîte aux lettres. Mais comme je vous guide­rai en tant que maire.

Je serai le maire de tous et toutes les New-Yorkais·es. Que vous ayez voté pour moi, pour le gouver­neur Cuomo ou que vous ayez été trop déçu par un système poli­tique défaillant depuis long­temps pour voter, je me battrai pour une ville qui fonc­tionne pour vous, qui soit abor­dable pour vous, qui soit sûre pour vous.(…)

Et même si je n’aban­don­ne­rai pas mes convic­tions ni mes enga­ge­ments fondés sur l’exi­gence d’éga­lité et d’hu­ma­nité pour tous ceux et toutes celles qui vivent sur cette terre, je vous promets d’al­ler plus loin, de comprendre le point de vue de celles et ceux avec qui je suis en désac­cord et de mener un combat acharné contre ces désac­cords.

Je termi­ne­rai par ceci. En ces temps sombres, je sais qu’il est plus diffi­cile que jamais de garder foi en notre démo­cra­tie. Elle a été attaquée par des milliar­daires et leurs dépenses somp­tuaires, par des élu·es qui se soucient davan­tage de s’en­ri­chir que de la confiance du public, et par des diri­geant·es auto­ri­taires qui règnent par la peur.

Mais surtout, notre démo­cra­tie a été attaquée de l’in­té­rieur. Depuis trop long­temps, les New-Yorkais·es ont eu du mal à trou­ver un·e diri­geant·e qui les repré­sente, qui les place au premier plan. Et nous avons été trahi·es, encore et encore.

Après tant de décep­tions, le cœur s’en­dur­cit, l’es­pé­rance devient diffi­cile à cerner. Et lorsque nous ne croyons plus en notre démo­cra­tie, il devient plus facile pour des personnes comme Donald Trump de nous convaincre de leur valeur. Pour les milliar­daires de nous convaincre qu’ils doivent toujours diri­ger.

Comme l’a dit Frank­lin Delano Roose­velt, « La démo­cra­tie a disparu dans plusieurs autres grandes nations. Non pas parce que les personnes n’aiment pas la démo­cra­tie, mais parce qu’elles en avaient assez du chômage et de l’in­sé­cu­rité, de voir leurs enfants souf­frir de la faim alors qu’elles étaient impuis­santes face à la confu­sion et à la faiblesse du gouver­ne­ment. En déses­poir de cause, elles ont choisi de sacri­fier leur liberté dans l’es­poir d’ob­te­nir quelque chose à manger. » New York, si nous avons clai­re­ment montré une chose au cours de ces derniers mois, c’est que nous n’avons pas à choi­sir entre les deux.

Nous pouvons être libres et nous pouvons être nour­ri·es. (…) Nous avons donné à notre ville la permis­sion de croire à l’ave­nir de nouveau.

Et je m’en­gage devant vous à refaire cette grande ville, non pas à mon image, mais à l’image de tous et toutes les New-Yorkais·es qui n’ont connu que la lutte. Dans notre New York, le pouvoir appar­tient au peuple.

(…)

Nous avons rêvé la nuit. Et nous construi­sons main­te­nant à l’aube. Ce nouveau jour, celui que nous avons tant attendu, celui pour lequel nous nous sommes battu·es. Celui pour lequel nous avons frappé aux portes, envoyé des SMS, passé des coups de fil. Celui qui nous a obsé­dé·es.

Ce nouveau jour est enfin arrivé. Et il est là parce que vous l’avez rendu possible. »

Zohran Mamdani
Zohran Mamdani repré­sente le 36e district de New York à l’As­sem­blée de l’État
https://jaco­bin.com/2025/06/mamdani-nyc-mayo­ral-elec­tion-speech
Discours traduit de Jaco­bin, Deepl revue ML, corri­gée pour le blog
https://www.reseau-bastille.org/2025/06/26/5436/

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Zohran Mamdani

par Yorgos Mitra­lias

Un jeune socia­liste musul­man à la tête d’un mouve­ment de masse, triomphe de l’es­ta­blish­ment Démo­crate à New York !

La CNN titre : « séisme poli­tique » et « les Démo­crates devraient avoir peur ». Le site de Jaco­bin parle d’une « foudre poli­tique qui a frappé New York  ». The Nation, « la plus ancienne revue de gauche des Etats-Unis », constate qu ‘« avec la victoire surréelle et histo­rique de Zohran Mamdani, une ville est morte et une autre est née  ». Znet­work exulte que « après des décen­nies de défaites pour les travailleurs et la gauche, assis­ter hier soir à l’en­trée dans l’his­toire de Zohran Mamdani a presque ressem­blé à un rêve  ». Et Demo­cracy Now ! pavoise en souli­gnant que « l’his­toire s’est écrite mardi soir lorsque le socia­liste démo­crate Zohran Mamdani a réussi à renver­ser la vapeur et à battre Andrew Cuomo lors des primaires démo­crates pour la mairie de New York  ».

Les médias améri­cains, grands et moins grands, de gauche et de droite, sont unanimes à consta­ter l’im­por­tance histo­rique de la victoire de Zohran Mamdani, ce socia­liste démo­crate musul­man de 33 ans d’ori­gine indienne, qui se bat pour les ouvriers, les migrants, les pauvres, les exclus, et les Pales­ti­niens, et qui n’est devenu améri­cain qu’en 2018 après avoir vécu en Ouganda et en Afrique du Sud. Et ils sont aussi unanimes à voir en lui le prochain maire de New York, vue sa victoire sans appel sur le poids lourd de l’es­ta­blish­ment démo­crate qu’est l’ex-maire et ex-gouver­neur de New York Andrew Cuomo. Et penser que l’in­connu du grand public Zohran Mamdani a gagné avec 43,5% des voix d’une élec­tion marquée par une parti­ci­pa­tion histo­rique, bien que les sondages en février dernier ne lui donnaient que … 1% des préfé­rences des démo­crates New Yorkais !

Alors, comment un tel miracle a pu se produire d’au­tant plus que Mamdani s’af­fron­tait à l’Es­ta­blish­ment démo­crate soutenu par le grand capi­tal nord-améri­cain et en sous-main même par le trum­pisme ? La réponse est connue et est déjà très commen­tée et analy­sée aux Etats-Unis : cette victoire « surréelle » de Mamdani a été obtenu grâce aux 50 000 volon­taires (!) qui se sont déme­nés pour sa candi­da­ture pendant des mois, mobi­li­sant les pauvres et les exclus des quar­tiers déshé­ri­tés de New York, lesquels s’abs­tiennent tradi­tion­nel­le­ment ou qui vont jusqu’à voter pour Trump. (…)

Cepen­dant, même 50 000 volon­taires ne suffi­raient pas pour produire un tel « miracle » s’ils n’avaient pas un programme radi­cal à défendre, capable de parler au cœur mais aussi à l’es­prit de ceux d’en bas. Alors, pour mieux comprendre ce qu’a été la campagne de Zohran Mamdani, donnons la parole à un de ces volon­taires, le socia­liste, syndi­ca­liste de combat et conduc­teur des rames du métro de New York John Ferretti, inter­viewé par John Reimann avant la victoire de Mamdani : « Je fais campagne pour lui parce que sa victoire serait un coup de poignard dans le cœur des diri­geants corrom­pus du Parti démo­crate asso­ciés au monde des affaires à New York et dans l’État de New York. Elle permet­trait de réor­ga­ni­ser les prio­ri­tés poli­tiques en faveur de la centra­lité de la classe ouvrière et de ses besoins, en luttant pour des services de garde d’en­fants gratuits, en luttant des bus gratuits rapides et sûrs, en luttant pour des épice­ries gérées par la ville qui font bais­ser le prix des denrées alimen­taires. Et je pense que Mamdani fait le travail le plus effi­cace que j’aie jamais vu de la part d’un impor­tant candi­dat poli­tique en expliquant le socia­lisme concrè­te­ment en termes d’ex­pé­riences vécues par les gens ». Car « Il a proposé certaines des mesures pour lesquelles il s’est ensuite battu : un salaire mini­mum de 30 dollars de l’heure, des services de garde d’en­fants gratuits, des bus gratuits, etc., un minis­tère de la sécu­rité publique qui ne crimi­na­lise pas les sans-abris, ni ceux qui ont des problèmes de santé mentale » [2]

Et Ferretti conti­nue expliquant que Mamdani « lance une campagne très axée sur la poli­tique, très axée sur des idées avan­cées dont les travailleurs n’ont souvent pas l’oc­ca­sion de discu­ter et de réflé­chir, mais il le fait d’une manière concrète et réaliste que les travailleurs peuvent comprendre. Ainsi, lorsqu’il parti­cipe à des rassem­ble­ments, il peut commen­cer ses slogans et les gens les terminent. Les gens comprennent concrè­te­ment comment ces slogans sont liés à leur vie et à leurs inté­rêts (…) (…)

(…) Il n’est pas démo­crate. C’est un socia­liste démo­crate. Il l’est. Il ne se présente jamais comme un démo­crate. Il se présente toujours comme un socia­liste démo­crate, et il a essen­tiel­le­ment dit que Cuomo était financé par les mêmes milliar­daires qui ont remis Donald Trump au pouvoir » !

(…) personne et rien ne semblent en mesure d’ar­rê­ter ce jeune grand orateur au charisme épous­tou­flant, spécia­liste de l’Afrique, ex-compo­si­teur de musique rap et hip-hop, qui s’adresse aux newyor­kais d’ori­gine asia­tique en hindi et ourdou, et qui n’hé­site pas ni à faire des grèves de la faim de plusieurs jours ensemble avec des grévistes taxistes de New York, ni de se mettre à la tête des mani­fes­ta­tions de soutien aux Pales­ti­niens marty­ri­sés à Gaza. Soutenu déjà acti­ve­ment pas le troi­sième candi­dat des primaires (11,5% des voix) et surtout pas un énorme mouve­ment popu­laire gran­dis­sant, Mamdani sera sans doute appuyé même par les bureau­cra­ties syndi­cales qui ont préfé­ré… Cuomo, mais qui ressentent désor­mais très fort la pres­sion asphyxiante de leurs bases ouvrières.

Ce n’est pas un hasard que personne ne cache actuel­le­ment aux Etats-Unis que celui qui devrait avoir le plus peur de ce qui est en train de se passer à New York est Trump lui-même, un Trump qui s’est empressé de décla­rer que Zohran Mamda­ni… « est un fou commu­niste à 100% » ! Car ce qui est sûr est que l’im­pact de la victoire du « phéno­mène » Mamdani dépasse large­ment New York et même les Etats-Unis. Comme le dit si bien Daniel Falcone sur Coun­ter­punch, « la candi­da­ture de Mamdani à la mairie de New York a montré comment la soli­da­rité inter­na­tio­nale, l’iden­tité raciale et la justice trans­na­tio­nale peuvent dyna­mi­ser une campagne muni­ci­pale en confron­ta­tion directe avec l’ap­proche de Cuomo, soute­nue par l’es­ta­blish­ment. Opérant simul­ta­né­ment aux niveaux d’ana­lyse de la ville, de l’État, du pays et du monde, l’in­sur­rec­tion de Mamdani a montré comment la gouver­nance locale est deve­nue un lieu impor­tant pour les poli­tiques mondiales » [4]. D’ailleurs, n’est-il pas Zohran Mamdani qui a fait du mot d’ordre « globa­li­ser l’In­ti­fada » à la fois l’em­blème de sa campagne et le cri de guerre de son combat poli­tique et social ?

Notes
[1] With Zohran Mamda­ni’s Surreal and Histo­ric Victory, One City Died—and Another Was Born
https://www.thena­tion.com/article/poli­tics/mamdani-victory-cuomo-socia­list-gover­nance/
[2] John Ferretti inter­view –« “Zohran Mamdani – part of workers move­ment against fascism & fascist colla­bo­ra­tors »
https://oakland­so­cia­list.com/2025/06/20/video-john-ferretti-inter­view-zohran-mamdani-part-of-workers-moment-against-fascism-and-fascist-colla­bo­ra­tors/
[3] A Billio­naire Trump Backer Is Despe­rate to Stop Zohran Mamdani
https://jaco­bin.com/2025/06/ackman-mamdani-trump-campaign-finance
[4] All Poli­tics Is Global : The Meaning of Zohran Mamda­ni’s Insurgent Victory
https://www.coun­ter­punch.org/2025/06/25/all-poli­tics-is-global-the-meaning-of-zohran-mamda­nis-insurgent-victory/

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