Non à la violence de l’État contre les communs !

Texte initia­le­ment publié sur Ques­tion Marx ? par Pierre Dardot et Chris­tian Laval

Non à la violence de l’État contre les communs !

La destruc­tion violente des communs de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes par le gouver­ne­ment français est un acte infâme et révol­tant. L’ac­tuelle offen­sive poli­cière, menée par plusieurs milliers de gendarmes et de CRS, avec engins blin­dés et héli­co­ptères n’est que l’exer­cice de la violence étatique la plus pure contre un ensemble de pratiques collec­tives en cours ou en gesta­tion, dont les fragiles condi­tions maté­rielles (bâti­ments, lieux de réunion,  outils de travail, trou­peaux) sont anéan­ties par les bull­do­zers et les escouades poli­cières.

Dès la première jour­née d’as­saut contre la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, la destruc­tion de la ferme des « cents noms » consti­tuait une véri­table décla­ra­tion de guerre sociale et poli­tique. La destruc­tion de ce lieu ne s’im­po­sait nulle­ment au regard des critères invoqués par le gouver­ne­ment dans sa « commu­ni­ca­tion ». Nicole Klein, préfète des pays de Loire, justi­fie l’opé­ra­tion poli­cière en préten­dant que les « cents noms » n’avaient pas déposé de projet agri­cole. Ce qui est de toute évidence faux : les habi­tants de cette ferme étaient porteurs d’un projet agri­cole alter­na­tif et certains d’entre eux avaient déposé une demande de régu­la­ri­sa­tion.

Quelle est la véri­table raison de cette rage destruc­trice ? Ce n’est pas l’ab­sence de projet, c’est la nature des projets qui est en cause. Ce que ne supportent pas l’État et ses repré­sen­tants c’est que s’ex­pé­ri­mentent depuis 10 ans des formes de vie qui préfi­gurent ici et main­te­nant ce que pour­rait être une société libé­rée de l’em­prise de la logique proprié­taire sous toutes ses formes.

De ce point de vue, il est de la plus haute valeur symbo­lique que les habi­tants et défen­seurs de la zone aient proposé dès le début que l’Assem­blée des usages prenne en charge la gestion collec­tive des terres et des espaces. Cette solu­tion présen­tait l’avan­tage de prolon­ger direc­te­ment l’ex­pé­rience initiée et pour­sui­vie durant tant d’an­nées : faire préva­loir la logique de l’usage commun, qui est une logique de soin et d’en­tre­tien, sur la logique proprié­taire, qui est une logique destruc­trice et morti­fère.

Ce n’est pas « l’État de droit » qui se défend, comme le soutient le premier Ministre, c’est un État de force qui veut élimi­ner le plus vite et le plus complè­te­ment possible tout ce qui pour­rait rele­ver du prin­cipe en acte du commun : asso­cia­tions, coopé­ra­tives de consom­ma­tion et de produc­tion, projets agri­coles et arti­sa­naux, modes d’échange et de vie convi­viaux. L’État veut empê­cher par ses moyens poli­ciers déme­su­rés ce qui est une véri­table inven­tion dans la manière de produire et de vivre, il veut faire table rase d un modèle de vie collec­tive et écolo­gique dont nous avons besoin aujourd’­hui.

L’État appa­raît ici sous son vrai visage : il n’est pas simple­ment le garant de la propriété privée, il est lui-même soumis de fond en comble à la logique proprié­taire, il est l’État proprié­taire en guerre contre les communs. Il faut lui faire échec coûte que coûte pour préser­ver le trésor menacé des communs.

Pierre Dardot et Chris­tian Laval

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5 réflexions sur « Non à la violence de l’État contre les communs ! »

  1. Ce combat sociétal de NDDL n’est pas nouveaux.

    Avant « les communs » il y a eu « la commune »; ce n’est pas si vieux!

    Malheureusement les versaillais avaient gagné, mais on n’arrête pas les idéaux avec des fusils.

    La commune n’est pas morte, seuls les communards ont été massacrés. Les ZAD sont là pour le prouver.

  2. Tu as raison de rappeler que avant « les communs » il y a eu « la commune ». Cependant, la notion de communs (avec ou sans s), comme l’entendent Pierre Dardot, Christian Laval, et d’autres chercheurs comme Fabienne Orsi, Benjamin Coriat, Hervé Le Crosnier, Pierre Thomé, … et surtout de très nombreux acteurs qui renouvellent sur le terrain cette notion ancienne, a plus à voir avec les communaux comme ressources partagées et gérées collectivement qu’avec la commune comme délimitation géographique politco-administrative. Évidemment, La Commune a aussi tenté  de trouver des solutions aux problèmes d’approvisionnement des parisiens, d’organisation de la production, de répartition des ressources, etc. mais, elle n’a pas eu le temps de faire grand chose …

    Ce que soulignent Dardot et Laval, c’est cet acharnement tout particulier — et très sensible dans la parole des « autorités » — a contrecarrer toutes velléités d’organisation collective, notamment d’autres modes de production et d’échange ; alors même qu’après l’abandon du projet, le modèle collectif du Larzac était pris en exemple (toutes choses égales par ailleurs).

    Aujourd’hui, à la suite justement de nombreux travaux de recherche sur les communs (et de l’attribution du « Nobel d’économie » à Elinor Ostrom en 2009), de la constatation des limites de la biosphère ainsi qu’à l’essor des logiciels libres, de l’internet et du WEB on assiste à une renaissance massive des communs ; de la possibilité même de s’auto-organiser pour un objectif donné en dehors du marché et de l’État. Alors même que le capitalisme depuis son origine n’a eu de cesse de les réduire et de promouvoir toujours plus la marchandisation et l’appropriation privée ; les conceptions étriquées de l’individu et de la propriété portées par cette idéologie en sont les derniers avatars.

    Il y a aussi actuellement du côté des personnes impliquées dans les communs des discussions assez vives en relations avec les luttes en cours pour la défense des services publics (hôpitaux, rails, etc.). On y débat de la possibilité de concevoir des partenariats public-communs (et non plus comme trop souvent des partenariats public-privé) comme une des voies permettant de gérer collectivement des services liés aux infrastructures et ce avec les usagers (conçus plus seulement comme ceux qui n’existent que pour subir les grévistes…). La réappropriation de la gestion de l’eau est assez emblématique de cette problématique, cf. à Naples au travers de l’investissement des usagers dans Aqua Beni Comuni. Voir aussi le travail extraordinaire du réseau associatif Terre de lien qui acquiert collectivement (oui, ça existe !) des terres agricoles, en assure la préservation et la mise en culture pérenne et écologique.

    Il existe ressources en ligne ou papier sur ce sujet passionnant des communs.

  3. Merci Thierry pour ce très bon complément au texte de Dardot et Laval qui a le mérite de souligner cet aspect essentiel de l’action politique néolibérale, celui de réprimer toute tentative de vie alternative, puisque, comme chacun sait, il n’y en a pas.

  4. A lire sur Reporterre Ce que vous ne pourrez pas détruire du Collectif Barricades de mots

    Ce que les milliers de soldats et le gouvernement cherchent ici à éradiquer, c’est la singularité d’un lieu. C’est la beauté d’un bocage habité qu’on a voulu bétonner. Ce sont des mares et des tritons que des experts de la « compensation » entendaient déplacer ailleurs. C’est la poésie d’un habitat léger construit à des milliers de mains. C’est une joie de vivre (et parfois de s’engueuler) sans acheter ni déléguer. Bref, c’est la récalcitrance d’un territoire-Commune aux logiques d’aménagement infrastructurel comme de valorisation financière.

    Lire l’appel des membres de ce collectif qui « joignent le geste à la parole » en appelant à se rendre sur la Zad pour faire obstacle aux bulldozers.

  5. Lire ou écouter cette interview de Hervé Kempf, rédacteur en chef de Reporterre, est intervenu sur France Info jeudi 19 avril, en dialogue avec Eddy Fougier, et avec un reportage à Notre-Dame-des-Landes d’un journaliste de France Info.

    « Le gouvernement est animé par une idéologie individualiste et capitaliste. La Zad prône une philosophie de coopération »

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