Notre gauche est plus que jamais l’ennemie de l’antisémitisme et des racismes.
Le jeudi 19 octobre était prévue à Poitiers une manifestation pour le cessez-le-feu et pour une paix durable au Proche Orient. Douze jours après l’attaque du Hamas contre Israël qui a fait plus de 1400 morts, essentiellement des civils massacrés, torturés, humiliés, qui fut un crime de guerre. Presque autant de jours après le début de la riposte du gouvernement israélien qui annonça vouloir affamer ces « animaux » vivant dans la bande de Gaza. Israël est un état surarmé soutenu « inconditionnellement » par les USA et de nombreux pays de l’Union européenne, la vengeance d’Israël fut annoncé terrifiante, ce furent des crimes guerres qui furent commis aussitôt par l’armée israélienne.
A ce jour, plus de 1400 israéliens ont été tués, plus de 4000 gazaouis ont été tués. De nombreux enfants dans les deux camps. Et l’armée israélienne annonce aujourd’hui l’intensification de ses frappes aériennes et une invasion de la bande de Gaza après avoir imposé un siège inhumain à la population de Gaza, ordonné l’évacuation de la moitié du territoire de la bande de Gaza. Soit une poursuite et aggravation de la catastrophe humanitaire.
Appeler au cessez-le-feu, exprimer sa « plus grande solidarité avec les victimes civiles d’Israël et de Palestine »., dénoncer « avec les organisations pacifistes et de défense des droits humains en Israël et en Palestine » « les crimes contre les civils commis par le Hamas et ceux commis par Israël en représailles » comme le faisaient les organisations appelant à la manifestation qui fut interdite est pour les défenseurs des droits humains une initiative dans la ligne des interventions internationalistes et humanitaires que la gauche de ce pays a eu l’habitude d’organiser.
« Faire respecter les résolutions de l’ONU et le droit international », exiger en particulier « la reconnaissance de l’État de Palestine, démantèlement des colonies et retrait des troupes israéliennes des territoires palestiniens, levée du blocus contre Gaza en place depuis 2007 », bref rappeler quelques exigences du droit international ne contrevenait pas à une tradition internationaliste dans ce pays comme dans d’autres pays. Rappeler que les rapporteurs de l’ONU, Amnesty International ou l’ONG israélienne B’Tselem qualifient d’apartheid la situation imposée par l’état d’Israël , (requalifié comme état-nation du peuple juif en 2018), est factuel.
À ce titre, les organisateurs dénonçaient « l’attitude de la France et de l’UE qui n’agissent pas contre les choix politiques des gouvernements Israéliens successifs qui ne respectent pas le droit international avec la colonisation des territoires occupés ».
Les signataires étaient le Comité de la paix, la LDH, la CGT, Solidaires, le PCF, le NPA, la GES, LFI, et les JC.
La demande d’autorisation de la manifestation fut déposée par LFI et le PCF en préfecture.
La préfecture écrivait, à la suite d’une description détaillée de l’attaque terroriste du Hamas: « considérant que la manifestation envisagée par LFI et le PCF s’inscrit pleinement et entièrement en lien avec ces événements, qu’une telle manifestation, eu égard à son objet, pourrait légitimer des actions de nature terroriste ; qu’il existe donc un risque sérieux que soient commises des infractions pénales telles que le délit d’apologie du terrorisme, d’incitation à la haine ou à la discrimination à raison de l’appartenance à une nation ou à une religion qu’il appartient à l’autorité de police administrative de prévenir »(…) affirme que « la tenue d’une manifestation de soutien au peuple palestinien constitue en elle-même une atteinte à la dignité humaine et un trouble à l’ordre public » (1). S’ appuyant sur ces considérations elle a interdit cette manifestation.
Après une description factuellement exacte des crimes atroces commis par le Hamas, pas un mot donc sur la riposte militaire d’Israël qui affame, jette dans l’obscurité, et surtout bombarde sans trêve ni discernement les populations civiles de Gaza, ce au contraire de l’appel à manifester. Rien dans cet avis de la préfecture sur ce nouveau crime de guerre de l’armée israélienne. Ce qui permet au préfet de présenter la manifestation pour le cessez le feu comme un soutien au Hamas,d’y voir le risque imminent d’une « apologie du terrorisme ». Il fallait oser, il le fit.
Et avec une brutalité étonnante, il affirme qu’une « manifestation de soutien à la Palestine constitue en elle-même une atteinte à la dignité humaine ».
Ainsi la Ligue des droits de l’homme, la CGT et Solidaires participeraient à rien de moins qu’à une atteinte à la dignité humaine.
Alors, précisons à nouveau que le Hamas est une organisation islamiste réactionnaire et antisémite. Son action terroriste qui fut planifiée longuement et dont il se félicite permet de dire que qualifier le Hamas de terroriste ne saurait être reçu comme une injure par ses chefs. Ce groupe est l’ennemi de nos amis au Proche Orient. Ils veulent la destruction des juifs, même si leurs dirigeants ont été financés dans le passé via des banques israéliennes.
Localement le préfet a reçu le soutien de Baptiste Bize, journaliste réputé de l’édition de la Vienne de La Nouvelle république-Centre Presse. Le jour de l’interdiction de la manifestation, il édite un billet intitulé « Guerre et paix ». L’appel à la manifestation devient sous sa plume « un appel lancé par des organisations farouchement anti-israéliennes », il cite le NPA la France insoumise. Puis il précise sa pensée :
« Les mots ordre de l’appel au rassemblement qui furent placardés sur les murs de Poitiers laissent peu de place au doute. Comme lors de la conférence des étudiants communiste interdite la semaine dernière à l’université, le registre invite davantage à la guerre contre Israël qu’à la paix. A la haine davantage qu’à la fraternité. Il nourrit légitimement des inquiétudes. Dans les jours qui ont suivi les premières attaques du Hamas, une centaine d’actes antisémites ont été recensés en France »
Il approuve et illustre le préfet dans son insulte aux organisateurs de la manifestation interdite. Il situe les soutiens du peuple palestinien ravagé par les bombardements dans le camp de la « haine ».
Puis il conclut son article sur les nombreux actes antisémites commis depuis l’attaque du Hamas ; le camp de la haine défini par notre contempteur est clairement celui des antisémites.
Ainsi la Ligue des droits de l’homme, la CGT et Solidaires seraient des groupes antisémites.
Les syndicats, partis, associations appelant à cette manifestation seraient « farouchement anti-israéliennes » ? Non, pas du tout, mais farouchement opposés à la politique du gouvernement israéliens, sans aucun doute.
La loi prévoit que « toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est interdite. » . Le préfet fait référence à cette loi pour interdire cette manifestation.
Concernant ce qui est dit par le journaliste sur le NPA et LFI, j’ai signé il y a quelques jours une pétition qui est en ligne sur ce site qui écrit : « Nous nous élevons contre les accusations et les calomnies qui visent aujourd’hui toute pensée politique qui n’est pas alignée sur celle du pouvoir, notamment envers la France insoumise et le NPA. Des élus et des responsables politiques de ces organisations sont publiquement mis en cause, menacés même.
Même si on peut ne pas partager les expressions de ces organisations, même si elles peuvent être interrogées ou même critiquées, aucun amalgame ne peut être fait avec une quelconque « apologie du terrorisme » ou la moindre complaisance avec l’antisémitisme qu’elles ont toujours dénoncé. Tant la France insoumise que le NPA ont clairement dit leur horreur de tous les massacres et de tous les crimes de guerre.
Dans ce cadre, nous demandons avec force que soient abandonnées les enquêtes pour « apologie du terrorisme » contre le NPA et différentes associations ou collectifs organisant la solidarité avec la Palestine, enquêtes demandées par Gérald Darmanin sur la base de l’article 40 du Code de procédure pénale. »
Je persiste et signe.
L’accusation d’ antisémitisme est injurieuse pour un.e militant.e pour l’égalité, un.e militant.e internationaliste. Répondons à cette calomnie qui est propagée comme jamais.
En préambule notons que les vrais antisémites qui font vivre une fachosphère prospère doivent s’amuser de cette accusation portée contre la gauche de ce pays. Le RN issu du FN dont les liens avec le pétainisme, le fascisme italien, les groupes français de la collaboration avec l’Allemagne nazie ne sont plus à prouver, se réjouissent de la bonne nouvelle. Les voilà promus amis et protecteurs des juifs du monde, d’Israël d’abord, par la droite et Darmanin et tant d’autres… Ils apprécient.
Alors précisons.
Critiquer le gouvernement d’extrême-droite d’Israël et les crimes de son armée, ce n’est pas critiquer tout le peuple israélien. Parce qu’en Israël il y a environ 20 % de non juifs, parce que tous les juifs ne sont pas fanatiques extrémistes voulant expulser le peuple palestinien de la bande de Gaza vers un quelconque désert.
Et nos nos camarades israéliens de Standing Together (2) demandent expressément aux forces de gauche internationales d’exprimer leur condamnation, aux actes terroristes du Hamas et leur soutien « aux Israéliens, pas à Israël ». C’est ce que nous faisons. Dans le même temps, ils organisent, sur le terrain, des groupes de solidarité judéo-arabes qui ont pour but de protéger les communautés arabes d’Israël du racisme et de la « vengeance » débridée des colons qui profitent de la situation pour pousser plus encore leur agenda d’annexion.
Il existe aujourd’hui un fait national israélien, une société civile israélienne, qui n’est pas seulement juive, qui est parcourue de nombreuses contradictions de classe, d’oppression de genre, de racisme en son sein. Et cela ne nous empêchera d’affirmer aussi que son gouvernement est un gouvernement raciste, colonialiste, promouvant un système d’apartheid et expansionniste.
Notre manifestation fut organisée pour une paix juste et durable dans la région, c’est-à-dire une solution qui garantisse l’égale justice, l’égale sécurité et l’égale dignité pour les deux peuples qui vivent entre la mer et le Jourdain. Être « pour une paix juste et durable » c’est aussi être pour la sécurité de tous les habitants d’Israël qui sont également mis en danger par les actes terroristes et par les politiques jusqu’au-boutistes de l’extrême droite fascisto-religieuse.
Toute position, reprise ad nauseam par les amis du gouvernement israélien, assimilant tout juif du monde à un israélien et tout israélien à un combattant de l’armée israélienne présuppose en fait que tous les juifs auraient un lien particulier avec Israël, en seraient idéologiquement, voire matériellement, dépendants. Cette affirmation fausse contribue en fait à véhiculer les pires clichés antisémites : les juifs pas vraiment français, une communauté à part qui se tient les coudes, etc…
Bien sûr la gauche devra faire son auto-critique lorsque par faiblesse de pensée, elle s’est souciée trop peu de l’antisémitisme qui existe de façon endémique depuis des décennies, dont les enfants juifs ont souffert et souffrent, qui assurément explose en France. Les groupuscules fascistes qui pullulent et cognent dans nos villes en sont les premiers vecteurs. Mais un antisémitisme existe aussi porté par certains groupes islamistes en France, parfois alliés des fascistes blancs, nous n’avons aucune amitié pour ceux là ni pour ceux ci.
En fait, nous savons que l’antisémitisme n’a jamais cessé et il est renforcé ces derniers temps par les complotismes divers.
En conclusion, reprenons l’appel à la paix et au respect du droit international, à la suite des organisations de la manifestation interdite. La reconnaissance de l’État de Palestine dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale est prévue par l’ONU. 138 états se sont prononcés à l’O.N.U en faveur de la Palestine, un État viable, disposant d’une dimension territoriale cohérente et disposant de frontières sûres et stables. Mais depuis les accords d’Oslo en 1993, il ne se passe quasiment plus rien à l’échelle internationale pour une solution de paix durable. Ensuite, la Cour internationale de justice a rendu en 2004 un avis sur le mur construit par Israël en Cisjordanie, et l’a qualifié de violation de la quatrième convention de Genève. . Depuis 2012, la Palestine est reconnue comme État observateur aux Nations unies, admise comme État membre à l’Unesco. Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, a évoqué le 14 octobre un “risque de nettoyage ethnique” à l’encontre des Palestiniens.
Depuis des dizaines d’années la communauté internationale est restée passive devant les les dénis des droits du peuple palestinien.
Et nous, militant.e.s de gauche, n’avons pas fait assez pour rappeler les crimes de masse de l’armée israélienne et pour soutenir celles et ceux qui en Israël et en Palestine, travaillent , malgré tout, pour l’égalité des droits des habitants de ces pays.
Pascal Boissel, militant de la GES, 22–10–2023
1. file:///C:/Users/Propri%C3%A9taire/Downloads/2023–10–17+N%C2%B0210.pd
Dimanche, des manifestations enfin autorisées ont eu lieu dans plusieurs villes de France en soutien au peuple palestinien. Il y eut 30 000 personnes à Paris, c’est un début.
100 000 ont manifesté à Londres.
Après la présidente de l’Assemblée nationale qui a visité hier les gouvernants israéliens et leur a redit son « soutien inconditionnel », c’est Macron qui lui succède avec le même message. Et dans les médias français les reportages de propagande en faveur de l’armée israélienne se multiplient alors qu’il y a si peu de reportages sur la vie quotidienne sous les bombes à Gaza, sur les familles hagardes et endeuillées, si peu sur les familles en France qui ont de la famille ou un ami à Gaza.
Pendant ce temps l’armée israélienne bombarde plus que jamais, faisant chaque jour des centaines de victimes dont de nombreux enfants, et demain sera pire, l’attaque terrestre est annoncée.
L’armée israélienne massacre encore et encore, au-delà de la riposte vengeresse.