- Introduction
La société française est marquée par une reconfiguration politique, idéologique, culturelle profonde, traduction des conséquences de son insertion au sein de la mondialisation capitaliste et des bouleversements majeurs que celle – ci entraîne.
Dans ce contexte, le racisme est un des éléments fondamentaux de la stabilité du système capitaliste en France où les solutions libérales font l’objet d’un rejet assez large. Ainsi, pour nous, le racisme n’est pas un faux problème selon une conception étroite de la transformation sociale. Au contraire, l’antiracisme est un des éléments centraux de toute stratégie de combat contre le capitalisme.
Le symptôme le plus évident de la reconfiguration en cours est la résurgence de la thématique de « l’identité nationale » au sein de la droite française. La victoire de François Fillon à la primaire de la droite porte un projet national conservateur, sous la pression d’un Front National enraciné qui développe son influence sur le terrain des idées.
À gauche, la crise idéologique profonde qui la divise est accentuée par l’émergence d’un courant partisan d’une république autoritaire et de l’ordre, représenté par Manuel Valls, qui n’hésite pas à vouloir contester à la droite le thème de l’identité et face auquel il est nécessaire d’opposer une conception alternative
Cette évolution du paysage politique s’appuie sur des tendances de fond qui travaillent la société française :
- Les conséquences des politiques libérales : dégradation des conditions de vie, casse des collectifs de travail, chômage et précarité, accentuation des inégalités entre territoires, entre les « centres » et les « périphéries »…
- C’est aussi une réaction conservatrice face à une transformation en profondeur de la société française. En effet, la population française est diverse, multiculturelle, multi religieuse, en particulier grâce à la place prise par les descendant.es des populations issues de l’immigration et de la colonisation
- La société française est également marquée par l’incapacité à reconnaître officiellement la réalité du colonialisme de l’État français, à construire un récit commun pour l’ensemble des citoyens du pays
Des faits plus récents ces dernières années ont accentué ces crispations « identitaires » :
- La crise des migrant.es qui a divisé l’Union européenne incapable de rompre avec la politique sécuritaire et répressive pour permettre un accueil digne et humain des réfugié.es qui fuient les guerres, le terrorisme et la misère
- Le traumatisme des attentats terroristes revendiqués par Al Qaeda et l’État Islamique en 2015 et 2016
La période que nous traversons est marquée par ces attentats qui ont impacté profondément l’opinion publique. Même si on peut noter qu’ils ne l’ont pas encore fait basculer, ils renforcent le rejet islamophobe et la haine raciale, font monter encore un peu plus le vote d’extrême-droite (et de droite) qui portent le mieux ces volontés d’exclusions. La stratégie que les terroristes djihadistes comme Al Qaeda ou Daech portent est de pousser à la guerre civile pour forcer la majorité des « musulmans » où présumés tels à les rejoindre. Notre ferme condamnation des attentats participe de notre combat antiraciste.
- Les différents types de racisme
La convergence de ces différents phénomènes a entraîné ces dernières années une résurgence des différentes formes de racisme, de discours réactionnaires. Tous les actes relevant de ces différents types de racisme doivent être également condamnés quel qu’en soient les auteurs. Ces différents types de racisme ont des ressorts et des spécificités. Ils s’enracinent dans la mise en concurrence des peuples à l’échelle mondiale. Certains racismes ont des dimensions institutionnelles liés à la construction de la société française. Comprendre leur spécificité sans les hiérarchiser est nécessaire pour les combattre tous efficacement. Nous refusons les logiques de division qui opposent les luttes les unes aux autres et renforcent le sentiment de « deux poids / deux mesures ».
- La persistance de la xénophobie et la haine des étrangers : elles se sont accrues notamment ces dernières années vis-à-vis des travailleurs d’Europe de l’Est (le « plombier polonais », le Rrom qui n’aurait pas sa place en France…) suite à l’élargissement de l’UE et à la mise en concurrence accrue des salarié.es. La crise des migrant.es (Syriens, Irakiens, Afghans, Erythréens…) à laquelle l’Europe est confrontée a renforcé cette tendance
- Le racisme anti noir et anti arabe qui peut viser des étrangers mais surtout, et de façon systémique, les citoyens français concernés. Profondément ancré dans la société française, ses institutions, il constitue un sous-produit de la colonisation, qui considérait les peuples dominés comme inférieurs. Le racisme anti noir (aussi dénommée « négrophobie » par certaines associations même si ce terme suscite des désaccords) est renforcé par l’héritage de l’esclavage et de la traite massive qui reste encore insuffisamment reconnu aujourd’hui. Le caractère institutionnel se manifeste notamment par l’impunité vis-à-vis du contrôle au faciès et des violences policières qui constituent un trait particulièrement saillant à partir duquel des mobilisations peuvent émerger.
- Le rejet des musulmans, de l’Islam, le refus de reconnaître la place de cette religion, des citoyens qui la pratiquent, dans la société française, a pris ces dernières années des proportions de plus en plus importantes. Cette islamophobie (terme qui ne doit pas empêcher la critique des courants et discours réactionnaires se réclamant de l’Islam) fait fonction aujourd’hui d’un racisme « légitime », respectable, qui est défendu ouvertement par une partie de la classe politique (du FN, à l’UMP, jusqu’à une partie de la gauche). Des mesures gouvernementales (décret Chatel sur l’interdiction des mamans voilés sur les sorties scolaires, arrêtés anti burkini) institutionnalisent ces discriminations.
- Contre les Rroms se développe un racisme décomplexé, spécifique, les mettant au banc de la société. Ouvertement méprisés et rejetés, invisibilisés et déshumanisés, ils sont privés de nombreux droits élémentaires. Leur rejet est revendiqué par des responsables politiques de premier plan comme Nicolas Sarkozy (dans le discours de Grenoble) ou Manuel Valls. Les « gens du voyage » subissent également des discriminations du même type.
- L’antisémitisme qui se redéveloppe aujourd’hui comporte plusieurs dimensions : un antisémitisme traditionnel de l’extrême droite française (manifestation « Jour de Colère »), un complotisme qui réhabilite les préjugés antisémites des « juifs proches du pouvoir, de l’argent, des médias » et utilise souvent, comme chez Dieudonné et Soral, une pseudo critique d’Israël et un pseudo antisionisme pour avancer leurs idées réactionnaires, tournant en dérision la Shoah. Une vision déformée du conflit palestinien entraîne parfois un rejet global des « juifs » assimilés à l’État d’Israël. Dans la jeunesse, notamment celle subissant un déclassement social, un échec scolaire ou professionnel ou des discriminations, le sentiment existe que les « juifs » seraient favorisées. Enfin est apparu ces dernières années un antisémitisme meurtrier prêt à assassiner des juifs au nom de l’idéologie réactionnaire du terrorisme djihadiste ou de leur prétendue richesse (Assassinat d’Ilan Halimi).
- Le racisme contre les asiatiques moins pris en charge par les forces de gauche et du mouvement social, constitue une réalité croissante. Les agressions que subissent notamment les personnes d’origine chinoise vivant en France sont en recrudescence, parfois associée à la menace économique que représente la puissance chinoise en plein essor. Il est nécessaire de prendre au sérieux les problèmes spécifiques que rencontrent les asiatiques et français d’origine asiatique de 2ème génération et de chercher avec eux des solutions concrètes qui permettent de répondre à leurs difficultés concrètes et inquiétudes, tout en produisant de la solidarité dans les quartiers.
D’autres formes de racisme et de discriminations peuvent exister. Des logiques de stigmatisation peuvent également se développer entre des personnes discriminées (comme le cas d’attaques de camps rroms ou d’asiatiques par des personnes issues de quartiers défavorisés). Mais nous ne reconnaissons pas l’idée de « racisme anti blancs ». Il se produit des actes de violences contre des personnes visées en tant que « blanc » mais cela ne constitue pas une réalité sociale permanente, systémique, quotidienne, telles que le sont les différentes formes de racisme qui travaillent la société française.
- Combat contre le racisme, pour l’égalité et l’universalité de l’humanité
Le refus de toutes les formes de racisme, la défense d’une conception universelle de l’humanité fait partie de la bataille idéologique, de la construction d’une nouvelle hégémonie pour une alternative politique de gauche en France. Un peuple divisé en lui-même ne peut pas être une force de transformation sociale. C’est une bataille politique spécifique que la gauche aujourd’hui doit prendre à bras le corps.
Le combat contre les différentes formes de racisme est un combat de longue haleine car elles s’enracinent dans l’histoire longue des sociétés, des institutions, des États et du capitalisme mondialisé. Ce n’est pas seulement un combat contre les préjugés mais un véritable enjeu de société.
L’antiracisme que nous défendons participe du combat contre toutes les formes d’exploitation et d’oppression. Les divisions racistes au sein des classes populaires, la recherche de bouc émissaire affaiblissent le combat contre la finance, le patronat et le capitalisme mondialisé. L’anticapitalisme n’a de sens que dans un combat systématique contre toutes les formes de racisme. De même le combat contre le racisme va de pair avec d’autres luttes pour l’émancipation et l’égalité comme celles pour les droits des femmes ou contre les discriminations sexuelles.
Le racisme – la négation de l’unité de l’humanité et de l’égalité entre chacun au profit d’une classification et d’une hiérarchisation – développe aujourd’hui de nouvelles formes. Un « racisme sans races » a pu se banaliser au nom d’une hiérarchie des cultures, des identités, des civilisations, des religions… Il existe aussi aujourd’hui une volonté de réhabiliter le discours sur les « races », auparavant refoulé, mais qui tend à réapparaître dans le discours public.
Les assignations identitaires, religieuses et raciales (la « racialisation des rapports sociaux ») sont des violences sociales qu’il faut reconnaître et rendre visibles pour pouvoir les combattre. Elles ne doivent pas être niées au nom d’un soi-disant universalisme abstrait, qui refuse de prendre en compte ces réalités. Mais, il est nécessaire de considérer chaque individu comme porteur d’identités plurielles, multiples et mouvantes. Le racisme n’est pas seulement une idée à combattre mais une réalité concrète pour celles et ceux qui le subissent tous les jours.
Face aux conceptions autoritaires et excluantes de la République et contre les replis sur soi identitaires, nous agissons pour promouvoir une nouvelle république démocratique, sociale, acceptant la pluralité des cultures et à portée universelle. Nous agissons pour l’égalité réelle, les libertés individuelles, la solidarité entre les peuples.
- Axes de mobilisation
Combattre les discours et actes racistes
La multiplication des paroles ouvertement racistes par les responsables politiques, mais également par des représentants institutionnels (Sarkozy sur les musulmans, Valls sur les Roms…) ont encouragé la banalisation et la multiplication des paroles et des actes racistes dans toute la société.
Dans tous les domaines, sur les lieux de travail, dans l’espace public, dans les médias, sur le web et les réseaux sociaux, aucune place ne doit être laissée à toutes formes de stigmatisation, de violence. Les expressions et actes antisémites, islamophobes, racistes de tout type… doivent être combattus, d’où qu’ils viennent.
C’est une bataille politique qui doit se mener à chaque fois, en cherchant à mobiliser le plus largement, qui concerne les associations, les syndicats, les forces politiques, qui passe autant par un travail de déconstruction des discours racistes que par un travail de mobilisation.
Pour une égalité réelle, contre les discriminations institutionnalisées
- L’accès à l’emploi est fortement marqué par les discriminations raciales. Le rapport L’Horty a démontré le poids de ces discriminations dans les concours de la fonction publique (collectivités territoriales et hôpitaux, censée être au fondement de l’égalitarisme républicain. Les personnes issues de l’immigration ou habitant des « zones urbaines sensibles » sont pénalisées dans l’accès à l’information, l’accès à des entretiens et à des emplois. La multiplication des emplois contractuels et précaires a renforcé ces discriminations. L’ « ethnicisation » des rapports de travail qui amènent à spécialiser certaines catégories de la population dans certains domaines d’emplois constitue également une question à prendre en compte au niveau du mouvement social.
- Concernant l’accès au logement, qu’il s’agisse du domaine privé ou de logement social, le poids des discriminations a été posé dans le débat public. L’INSEE a mesuré les délais beaucoup plus longs de traitements des dossiers pour les familles issues de l’immigration. Plusieurs actions judiciaires ont visé des bailleurs sociaux ces dernières années pour des pratiques discriminatoires vis-à-vis de personnes noires ou arabes.
- Les discriminations à l’école sont moins reconnues que celles existantes sur le marché du travail ou dans l’accès au logement. Elles se combinent fortement avec les difficultés matérielles que rencontrent de nombreux établissements des quartiers populaires. Pourtant, des pratiques éducatives, l’orientation entre les différentes filières éducatives, l’accès aux stages en entreprises sont autant de vecteurs de renforcement des discriminations systémiques qui travaillent la société française.
- Nous défendons le principe d’une citoyenneté de résidence et l’extension du droit de vote et d’éligibilité des étrangers résidant en France aux élections locales comme aux élections nationales. La faiblesse de la participation des citoyens qui subissent le racisme, en particulier au Parlement, illustre les blocages actuels. La mise en avant de quelques « représentants » des « minorités visibles » ne peut compenser cette absence de la participation d’une partie de la population à la vie citoyenne.
- Les violences policières envers les jeunes des quartiers populaires, notamment noirs et arabes, l’impunité policière qui domine témoignent de la force du racisme qui gangrène aujourd’hui l’institution policière. La lutte contre les contrôles au faciès a mis en lumière cette réalité. Une étude du CNRS a montré qu’à Paris, un style « jeune » multiplie par onze le risque d’être contrôlé et celui d’être perçu comme noir ou arabe le multiplie respectivement de 6 ou 8 fois. Des mesures immédiates sont à mettre en place : récépissé de contrôle d’identité, pénalisation plus forte des violences policières, formation des policiers aux questions de discrimination, contrôle des pratiques policières par les populations et les élu.es.
Une bataille laïque et démocratique : l’égalité de traitement des religions
Une des questions majeures qui travaille la société française aujourd’hui tourne autour de l’acceptation en son sein de l’Islam et des citoyens qui pratiquent cette religion.
Pour nous, la laïcité qui s’appuie sur la loi de 1905 organise la liberté de conscience et la coexistence pacifique des croyant.es et des non-croyant.es. Elle est l’une des conditions rendant possible une société réellement égalitaire. Elle contribue à surmonter les tentatives de division entre les différentes catégories d’opprimé.es et d’exploité.es. Elle suppose la neutralité de l’État et des services publics afin de garantir l’égalité de traitement des citoyen.nes et des usagers, mais elle ne doit pas viser à mettre les religions « hors de l’espace public ».
Il faut sortir de la spirale mortifère qui empoisonne les débats en France depuis des années. Il faut apaiser les questions religieuses pour redonner toute leur place aux questions démocratiques et sociales. L’Islam en France doit être traité à égalité des autres religions. Cela veut dire le droit de construire ses propres lieux de cultes, rendre possible les carrés musulmans dans les cimetières, en finir avec les débats stigmatisant sur le « halal ».
Défendre le droit de chaque citoyen de pouvoir vivre selon sa religion n’implique nullement de ne pas mener également la critique des oppressions légitimées au nom de religions.
Les discours religieux qui développent une certaine vision de la société sont porteurs de visions politiques conservatrices, basées sur la soumission (ou la « complémentarité ») entre les hommes et les femmes, le refus du droit des femmes à disposer de leurs corps (droit au travail, à l’éducation, à l’avortement, à une sexualité librement choisie). La polémique sur les « ABCD de l’égalité » à l’école en constitue un exemple récent.
Ces dernières années, le dogmatisme religieux a visé également des œuvres d’art, des spectacles, au détriment de la liberté culturelle qu’il faut défendre sans relâche. Si les discours diffamatoires, racistes, attentatoires à la dignité humaine doivent être condamnés, nous refusons toute idée de « pénalisation du blasphème » qui restreindrait la liberté d’expression et de critique des religions.
Concernant la question du port du voile, elle a pris ces dernières années une dimension irrationnelle dans la société française. Elle est trop souvent instrumentalisée par des hommes et femmes politiques pour désigner des boucs émissaires. Les attaques racistes et islamophobes visant particulièrement des femmes n’ont rien à voir avec la laïcité ou les droits des femmes.
Les mères d’élèves qui portent le voile doivent pouvoir accompagner les sorties scolaires. La circulaire Chatel doit être abrogée. Nous sommes fermement opposées au projet de certains dirigeants de droite d’interdire le port du voile dans les universités. Les arrêtés anti burkini, que certains maires ont imposés pendant l’été 2016 montrent la logique de surenchère de certains courants politiques qui poussent à la multiplication des agressions contre les femmes qui portent le voile.
Combattre les conservatismes religieux, qu’ils soient chrétiens, musulmans, juifs…, qui renforcent les rapports de domination des hommes sur les femmes, ne peut se faire en désignant systématiquement les citoyen.nes de confession musulmane comme des étranger.es à la société française. Les pressions sociales ou d’institutions religieuses exigeant des femmes qu’elles portent le voile constituent un moyen de perpétuer des rapports de domination entre hommes et femmes que nous combattons. Mais les choix des femmes qui portent le voile renvoient à une diversité de situation. Et aujourd’hui les droits des femmes sont menacés par le sexisme et le machisme « décomplexés », la montée en puissance des discours réactionnaires et la marchandisation du corps de femmes. Et ce n’est pas en stigmatisant les femmes qui portent le voile, que ce combat nécessaire progressera.
Répondre à la crise des migrants
La crise des « migrants » qui a touché l’Union européenne a exacerbé les tensions et les rejets dans les populations. Le choix du gouvernement français de n’accueillir qu’une poignée des populations qui fuient les guerres, le terrorisme, la misère constitue une véritable honte, alors que les politiques européennes (notamment à travers les Accords de Partenariat Économique et le soutien aux régimes autoritaires) portent une lourde responsabilité. En 2015, l’UE a accueilli 360 000 réfugiés sur 1 million de demandes et la France en a accueilli seulement 25 000. Dans le même temps, certains pays au Maghreb ou au Moyen Orient sont confrontés à l’accueil de plusieurs millions d’hommes et de femmes. Par comparaison, en 1979, la France accueillait plus de 120 000 réfugiés vietnamiens et cambodgiens. Aujourd’hui, ce sont les calculs politiciens qui dominent alors que des moyens beaucoup plus importants existent pour pouvoir accueillir ces populations dignement.
- Des énergies existent, dans les populations, les associations, à l’échelle des communes, qui se regroupent en réseau de « villes solidaires » pour permettre un accueil correct des migrants
- Il faut rompre avec les politiques répressives françaises et européennes, les marchandages avec le régime turc, la volonté de s’appuyer sur les régimes autoritaires locaux pour contenir les populations
- Il faut engager une autre politique européenne à l’échelle méditerranéenne qui mette au premier plan les exigences de coopération, de démocratie, de respect des populations plutôt que de faire prévaloir les logiques de prédation économique et de répression
Pour une histoire à parts égales
Les questions « mémorielles » sont devenues ces dernières années un enjeu du débat politique. Les responsables politiques n’ont pas à établir la vérité historique qui relève du travail autonome, pluraliste, des historiens. Mais ils ont une responsabilité dans la construction d’un discours commun, dans la coexistence des histoires multiples que portent aujourd’hui les sociétés de plus en plus mondialisées, dans le refus de la concurrence des mémoires et du négationnisme.
Cela passe en particulier par plusieurs leviers :
- Le refus de la réduction des programmes scolaires à une vision idéologique de l’histoire de France, au profit d’une approche ouverte, contradictoire, intégrant la diversité des cultures des religions
- Une politique d’ouverture des archives de l’état français qui doivent permettre de reconnaître les responsabilités de notre société dans les évènements majeurs de l’histoire récente (colonisation, guerre d’Algérie, politique étrangère française notamment en Afrique)
- Une politique commémorative permettant de construire une histoire partagée de toutes les composantes qui constituent la société française.
- Construire les luttes antiracistes
Le combat contre le racisme concerne l’ensemble des forces du mouvement social, associations, syndicats, partis de gauche. Aujourd’hui, la réalité des associations et des mouvements antiracistes est très divisée. La gauche en France a trop souvent considéré cette question comme une question « secondaire », « qui divise les salariés »… Pour développer pleinement cette bataille, la mobilisation autonome des premiers concernés, de celles et ceux qui subissent racismes et discriminations est un enjeu essentiel.
Nous défendons la perspective d’un large front antiraciste contre toutes les formes d’oppressions et de discriminations. Travailler à cette convergence ne s’oppose pas au développement de luttes spécifiques. Nous refusons les logiques de division qui opposent les luttes les unes aux autres et renforcent le sentiment du « deux poids deux mesures ». Nous refusons toute hiérarchisation des diverses formes de racisme. Il ne faut pas mettre en opposition les initiatives, mais démultiplier les cadres, les campagnes et travailler à les faire converger, non pas abstraitement mais à partir du rythme réel de développement de ces mobilisations à une échelle large. À propos de ces luttes spécifiques contre telle ou telle manifestation de racisme ou d’antisémitisme, nous cherchons à rassembler le plus largement possible. Les seules exclusives à mettre concernent des courants qui diffusent la haine de l’autre.
Nos combats antiracistes doivent, bien évidemment, prendre en compte les autres oppressions spécifiques, celles concernant les femmes et les homosexuels notamment.
Des points d’appuis existent dans la société française :
- Si le discours médiatique dominant, se focalise sur les violences, les agressions, certaines situations laissent apparaître le refus de la stigmatisation des boucs émissaires (réaction après le discours de Grenoble de Sarkozy en 2010 contre les Rroms…)
- Face à la crise des migrant.es, il existe une majorité silencieuse favorable à l’accueil des migrant.es en France (sondage réalisé par Amnesty en mai 2016 : 82% de français.es favorables à l’accueil des migrant.es ; 63 % pensent que le gouvernement devrait en faire plus)
- La mobilisation des collectifs de sans-papiers, des travailleurs sans papiers, ou des réseaux comme RESF, et des associations des populations issues de l’immigration ont constitué également des moments décisifs pour faire apparaître les intérêts communs entre l’ensemble des classes populaires et des jeunes du pays.
- Au-delà des nécessaires réactions d’indignation morale (face à des agressions, des violences) c’est à travers l’expérience de la mobilisation, et notamment de la mobilisation de ceux qui subissent les racismes et les discriminations que peut se développer un large front antiraciste.
- Ces derniers mois la mobilisation contre l’État d’urgence, suite aux attentats du 13 novembre a permis de faire converger, à l’initiative de la LDH, un large spectre d’associations, syndicats, et de forces politiques qui constitue un point d’appuis important pour l’avenir.
- La lutte contre les violences policières a connu une visibilité nouvelle notamment avec le durcissement de la répression du mouvement social (Sivens, COP 21, loi travail…). La mort d’Adama Traoré en juillet 2016, lors d’une interpellation par la gendarmerie a mis en lumière la difficulté à faire reconnaître les violences policières massives qui frappent ceux qui subissent le racisme. Le combat contre les contrôles au faciès est également une bataille politique qui se développe aujourd’hui à l’initiative de plusieurs collectifs militants.
Adopté par le Collectif national d’Ensemble! les 4 et 5 février 2017