Le Défenseur des droits est chargé par l’article 71 de la Constitution de veiller au respect des droits et des libertés. A la suite d’une forte augmentation des réclamations qui lui sont adressées en matière de défense des droits des personnes malades étrangères, il dresse, dans un nouveau rapport « Personnes malades étrangères : des droits fragilisés, des protections à renforcer », un bilan de son action et présente ses recommandations.
Les constats formulés par le Défenseur des droits dans son rapport de 2016 sur les droits fondamentaux des étrangers en France restent plus que jamais d’actualité trois ans après, alors que des réformes législatives ont introduit de nouveaux obstacles, année après année, à l’accès aux droits des personnes malades étrangères.
Le Défenseur des droits souligne tout d’abord que les statistiques et chiffres officiels vont à l’encontre des idées reçues selon lesquelles le système de santé français serait à l’origine d’un « appel d’air ».
Sur 225 500 titres de séjour délivrés à l’issue d’une première demande en 2018, 4310 l’étaient pour raisons médicales (moins de 2%). Moins de 1% des dossiers présentés aux médecins de l’Office français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) en vue de l’obtention d’un titre de séjour pour soins sont concernés par la fraude. Et pourtant, la perception erronée persiste, rendant plus difficile l’exercice légitime des droits des personnes malades étrangères.
L’accès à la protection maladie n’est toujours pas le même pour tous et toutes, exposant plus fortement les personnes étrangères aux refus de soins. A cet égard, la réforme de l’Assurance maladie dite « PUMa » a conduit à une régression des droits des étrangers en situation régulière tandis que les étrangers en situation irrégulière demeurent exclus du système de protection universelle. En dépit de la moindre protection qu’elle confère, l’AME fait l’objet d’attaques régulières. Or, si le besoin de soins constitue un motif migratoire relativement mineur, la prise en charge des frais de santé de toute personne résidant sur le territoire s’impose en revanche tant au regard du respect des droits fondamentaux que d’un point de vue épidémiologique. Elle est un enjeu majeur de santé publique.
Le droit au séjour des personnes gravement malades s’est détérioré. Aucune facilité n’est prévue pour garantir l’accès aux guichets des préfectures des personnes hospitalisées ou rencontrant des difficultés à se déplacer. Les demandes de pièces non prévues par les textes ou contraires au secret médical sont fréquentes. La réforme de la procédure entrée en vigueur en 2017 a par ailleurs mis en place un régime dérogatoire retardant considérablement, pour les seuls étrangers malades, l’accès à un récépissé.
S’agissant de l’évaluation de la situation médicale des étrangers sollicitant leur admission au séjour pour soins, le transfert de compétence opéré au bénéfice des médecins de l’OFII, bien que poursuivant un objectif de sécurisation et d’harmonisation des avis médicaux rendus, s’est accompagné d’un allongement notable des délais d’instruction, faute notamment d’effectifs suffisants, et d’une baisse drastique des avis médicaux favorables au maintien sur le territoire.
En dépit d’une meilleure formalisation des procédures, l’interdiction d’éloigner du territoire les étrangers gravement malades peine également à trouver sa pleine effectivité : la demande de protection contre l’éloignement est un droit mal connu qui, lorsqu’il est déclenché, n’empêche pas l’exécution de la mesure.
Enfin, la prise en charge sanitaire des étrangers placés en centres de rétention présente, dans un contexte d’allongement de la durée maximale de rétention et d’augmentation des placements, des carences particulièrement préoccupantes.
Le Défenseur des droits recommande notamment :
– L’adoption de mesures visant à garantir l’accès à l’Assurance maladie de tous les étrangers régulièrement installés en France, et ce dès les premiers jours de leur installation ;
– La fusion des dispositifs Assurance maladie / AME ou, a minima, la création pour les bénéficiaires de l’AME d’une carte numérique ouvrant l’accès aux mêmes facilités que pour les personnes affiliées à l’assurance maladie ;
– La modification des textes pour garantir à tous les étrangers, y compris demandeurs d’asile ou déboutés, la possibilité de solliciter une admission au séjour pour soins à tout moment ainsi que l’obtention d’un récépissé dès l’enregistrement de la demande ;
– L’ouverture d’une voie de recours dédiée permettant aux étrangers de contester les avis médicaux rendus par l’OFII dans un cadre respectueux du secret médical ;
– Le renforcement de la présence médicale et infirmière au sein des centres de rétention ainsi que des moyens alloués à la prise en charge psychiatrique des étrangers retenus.