En France, on a coutume de vanter notre électricité soi‐disant “bon marché” parce que essentiellement d’origine nucléaire, de favoriser des regroupements d’entreprises parce que « générateur d’économie d’échelles ». Ou encore de se féliciter de notre agriculture nourrie aux phytosanitaires « et donc exportatrice ».
Et si tout cela n’était qu’un leurre ?
Des études rares … et bon marché !
Les pesticides pourraient nous coûter bien plus cher qu’ils nous rapportent, et probablement depuis déjà un certain temps !
Pendant des décennies, les tenants de l’agriculture conventionnelle, proches du syndicat majoritaire FNSEA, ont chanté le même refrain. « Oh certes, il y a bien quelques dégâts causés à la santé et à l’environnement, mais ces coûts ne dépassent pas les bénéfices ».
Mais comment prendre en compte – c’est‐à‐dire comptabiliser – les aspects négatifs ?
C’est précisément ce qu’ont essayé de faire Denis Bourguet et Thomas Guillemaud, deux chercheurs français de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), en analysant le coût des « externalités négatives » de ces produits.
Passant en revue 61 publications de la littérature scientifique, ils analysent quatre types de coûts, réglementaires (décontamination, surveillance, etc.), sanitaires, environnementaux et d’évitement. Il s’agit notamment du lié à l’achat d’aliments bio ou de bouteilles d’eau minérale, ou encore les équipements de protection pour agriculteurs.
De l’art de bien noyer le poison …
Premier constat, il est fort probable que chacun de ces coûts ait été largement sous‐estimé. En matière de santé (1), les effets de l’exposition chronique pourraient augmenter les coûts, en 2005 aux Etats‐Unis, de 1,5 à 15 milliards de dollars, soit une multiplication par 10.
Les conséquences environnementales, sur la flore, sur la faune, sur la vie microbienne du sol, n’ont jamais été évaluées. Une étude fait état d’un coût de 8 milliards de dollars au Etats‐Unis en 1992, chiffre probablement très en‐deçà de la réalité.
Les coûts réglementaires atteignaient 4 milliards de dollars aux Etats‐Unis dans les années 2000. Si l’ensemble des procédures réglementaires avaient été respectées, ils auraient dû atteindre 22 milliards de dollars. Quant aux coûts d’évitement des pesticides, les auteurs évoquent le chiffre de 6,4 milliards de dollars au niveau mondial en 2012, uniquement pour le surcoût lié à l’achat d’aliments bio.
Alors, quel bilan ?
L’étude chiffre un coût total se rapprochant de 40 milliards de dollars en 1992, pour un taux bénéfice‐coût de 0,7. Pour le dire autrement, les avantages financiers de l’emploi des pesticides, en termes de productivité agricole, sont 30% inférieurs aux « externalités négatives ».
Et en 2016 ? En l’absence de données plus récentes, difficile à dire. Mais il y a fort à parier que la situation n’ait pas changé, voire empirée !
Pesticides, nucléaire … même combat ?
L’EPR, dont celui de Flamanville, fait face à un véritable gouffre financier. Estimé à 3,3 milliards en 2005, le coût total est désormais évalué à plus de 10 milliards d’euros.
La fuite en avant techniciste se paie au prix fort : maintenance des centrales, sauvetage d’Areva, EPR britanniques, démantèlement des vieux réacteurs, gestion des déchets, … Les financiers déplorent la sortie du CAC 40 : EDF, hier fleuron de l’industrie française, voit sa valeur boursière divisée par 8 depuis 2008.
Les pesticides, comme le nucléaire, laissent une dette énorme – financière, sociale, écologique, sanitaire – aux générations futures.
Quand reconnaitra‐t‐on que productivisme et capitalisme sont la ruine de l’humanité ?
Un autre monde. Vite !
Bruno Riondet
1 – Le roman À demain sous l’arc‐en‐ciel … (Société des Ecrivains, 2012) met en scène quelques uns des conséquences sanitaires des pesticides et autres perturbateurs endocriniens.